"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

lundi 5 septembre 2011

Ça s'en va et ça revient

J'écris, j'écris pas ? Entre velléité et mauvaises habitudes, me voilà ressassant ce que je pourrais bien raconter, sous-pesant chaque mot qui franchit le seuil de mes pensées, encore bien trop brumeuses pour que j'y puisse voir clair, hésitant sur chaque tournure, sous-estimant la moindre idée que je pourrais bien développer. Si l'on devait attendre d'avoir des choses intéressantes à dire pour les écrire, il n'y aurait plus grand chose à lire.

Partant de ce principe, au diable la littérature et le bon goût me suis-je dit, faisons preuve d'improvisation voire de bagou, on va quand même pas en faire un fromage, l'écriture vient en écrivant, et puis au pire personne ne lira et puis c'est tout !


Essayons de se dépêtrer dans cette mélasse d'idées, faisons le tri.


D'abord, quand je vous ai quittés, je quittais la Colombie aussi. À ce moment-là, j'étais encore extatique à l'idée d'abandonner mes bleus de travail plus très bleus, mon téléphone portable du boulot, aussi connu sous l'appellation "INSTRUMENT DE SATAN", qui permettait à mes supérieurs, mais surtout aux company-men, de me joindre à toute heure du jour ou de la nuit pour m'envoyer au puits. Bref, extatique donc, riant de là à là, la bouche béante, même que ça en agaçait certains.
Après un long voyage je suis arrivée à Londres, en vacances. Là une amie brésilienne m'a rejoint depuis les Émirats pour faire un petit tour (c'était son baptême d'Europe). C'était l'été, le ciel céruléen inondait nos yeux incrédules (attends voir du bleu dans le ciel londonien c'était une première pour moi) et les rayons chauds du soleil caressaient nos peaux bronzées, tandis qu'une légère brise agitait nos longs cheveux. London-Barcelona-Paris. Pour notre tiercé gagnant le climat est demeuré constant, pour des vacances réussies et ô combien confortables pour moi, enfin de retour sur "mon" territoire - ça change de l'Amérique !

Puis j'ai erré encore quelque temps, à cause des joies et de la magie des transports ferroviaires britanniques. Comprendre par là que j'ai manqué mon vol pour la Tunisie un jour de grand soleil où les voies de train vers Gatwick ont été impraticables pour cause d'inondation. Par grand soleil, vous avez bien lu ! Allez comprendre.

J'ai fini par atterrir à Tunis deux jours plus tard, et par me faire opérer des yeux : adieu traces de lunettes de vue disgracieuses, bonjour traces de lunettes de soleil disgracieuses. J'ai passé trois douces semaines ramadanesques en famille, à dormir jusque pas d'heure et planquer mes yeux de tout faisceau lumineux. Et puis j'ai découvert aussi tout le sens du mot relativité en me couvrant d'une mince couette par 35 degrés alors que le reste de ma famille crevait de chaud... J'en ai déduit que 1. je m'étais plutôt pas mal adaptée au climat équatorial trop chaud et trop humide de Barranca et 2. j'étais faite pour vivre dans un pays CHAUD. Si on y trouve des fruits tropicaux ça m'ira aussi ! Oui parce que tout serait plus simple si je ne m'étais pas mise à faire ces rêves étranges de goyave fraiche ou de jus de guanabana ! Mais rien que d'y penser je salive déjà, alors je préfère occulter les délicieux fruits colombiens pour alléger mes souffrances !

Ce qui nous amène à la fin des vacances tunisiennes, et au début des vacances parisiennes, puisqu'entre temps ma date de rentrée des classes avait été décalée au 1er septembre. Trop tard pour modifier mon billet, j'en ai donc profité pour passer une semaine à Paris, mais je me répète.

Il y a fait beau, jusqu'à ce qu'il fasse moche, un vendredi, je m'en souviens bien, je me suis dit "ah ben voilà c'est l'automne". Le lendemain j'assistais au mariage d'un de mes amis, et y rencontrais pas mal de camarades de promotion. Revoir des gens d'"avant" ça fait bizarre. Ils te demandent comment c'était, si la Colombie c'est vraiment dangereux, si tu as pu survivre, toujours la même rengaine, tu peux même pas leur en vouloir de pas avoir suivi ton blog ces deux dernières années, tu leur en as jamais parlé de toutes façons. Alors tu dis "non non c'est génial comme pays" et tu les bombardes de questions sur leur vie (singulier volontaire) pour les occuper et les divertir en espérant qu'ils ne te poseront plus aucune de ces questions qui t'horripilent bien que tu saches qu'ils ne font pas exprès et n'y sont pour rien au fond. Eux ils te répondent "bah toujours à Paris, j'en ai marre" et te content tous ces détails de leur vie (toujours au singulier) que tu as connus (connue ça marche aussi) toi-même et abhorrés mais qui ne manquent pas de te rappeler une époque qui semble si lointaine et révolue. Petit pincement au coeur.

Puis il a fallu s'installer à Oxford. Au moment de quitter Paris j'ai compris que cette ville, tant qu'on y vit, on peut pas l'aimer à sa juste valeur, parce que les Parisiens ils aiment rien. Et dès que l'on réalise qu'on ne retournera pas y vivre de si tôt, on est pris d'un vague à l'âme. J'ai laissé le vague et pris le train pour Londres à la place, il y faisait plus chaud. Mais le lendemain il a plu. Je n'étais même pas surprise.

Comment revivre l'automne, automne qui m'avait tant manqué l'an dernier, quand on vit en été depuis deux ans ? Il va falloir m'expliquer...

Voilà, je me suis donc trouvé une colocation à Oxford. C'est une petite ville pleine d'étudiants. Il commence à faire un peu frais et humide, et les nuits se raccourcissent. Et surtout je me sens à mille lieues de la vie locale. Je suis dans ce tourbillon de la vie à l'Européenne et il faut que je m'y fasse. Si l'accent local n'était pas si prononcé je dis pas, mais là j'ai parfois tendance à croire qu'il faut en plus apprendre une nouvelle langue !

C'était pour éviter de raconter ce genre de choses que je n'ai pas écrit plus tôt je pense. Vous connaissez le syndrome de dépression post-natale ? Eh bien j'ai l'impression de le vivre, sans avoir eu à supporter neuf mois de coliques et autres contractions, ni le (ou les) morveux dont il faut changer les couches à tour de bras entre deux xanax. Dans ma version light, je sors de dix huit mois de coliques nerveuses et dois maintenant supporter de ne plus voir le soleil douze heures par jour. Alors pour m'en sortir je prends d extraits de pépins de pamplemousse et j'apprends à parler avec l'accent de sa Majesté. On a vu pire hein ;)


Cheers Mates!