"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

vendredi 23 décembre 2011

Ils sont fous ces British (2)

L'autre jour j'étais dans un resto, aux toilettes.
Il faut savoir que les toilettes dans les lieux publics, au Royaume-Uni, c'est sacré. Je pense pouvoir me risquer à une généralisation encore plus générale en parlant des lieux publics généralement. ! Dans les restos, ici, les toilettes - the loo en VO, prononcer louw - sont propres. Et ça ne s'arrête pas là ! En fait elles sont propres, systématiquement, et on y trouve tout à profusion ; du basique : papier toilette, savon, serviettes en papier, sèche-mains ; ainsi que du moins basique : crème hydratante, parfums, mouchoirs en papier. Et on y trouve surtout cet élément qui revient partout dans les lieux publics tels que le métro ou les trains : un numéro de téléphone sur un petit écriteau indiquant qui contacter en cas de mauvais état des lieux... Parfois, en bonus, il y a un autre numéro, celui à contacter si l'on est témoin de vandalisme dans ce lieu public. Tout de suite les spots "Catch a looter" appelant à dénoncer les vilains délinquants lors des émeutes de Londres cet été prennent tout leur sens...

Dans la quête ultime de respect de l'ordre à tout prix, s'il y a un autre point sensible au Royaume-Uni il s'agit bien des queues.

Premier Tableau :
Cet été, à la gare, à Londres, je désirais prendre un billet de train pour me rendre à l'aéroport.
La première règle de survie à connaître, c'est qu'au Royaume-Uni il vaut toujours mieux éviter d'acheter ses billets (quels qu'ils soient) sur place et toujours privilégier l'achat sur internet, qui sera systématiquement ridiculement moins cher.
La deuxième règle de survie c'est qu'obtenir le bon billet sans aide relève de l'épreuve olympique, car il faut s'y retrouver entre l'heure de pointe, l'heure pas de pointe, les billets très à l'avance, et, comble du comble, même pour des trajets d'une demi-heure, type RER ou train de banlieue, il faut spécifier l'horaire exact du train (voire bus) que l'on va prendre et prendre le train correspondant sous peine de devoir racheter un billet.

Partant de ces deux principes, il en résulte de manière directe et irrévocable que l'usager a toujours tort, et qu'il se fera toujours avoir. S'il est prévoyant et fait ses achats sur Internet à l'avance, il risquera très fortement de ne pas prendre le bon billet, et s'il est à l'arrache, il paiera ses billets plus du double et sera très souvent en retard de toutes façons à cause de l'heure et demi de queue au comptoir qu'il n'avait pas prévue...

Nous en revenons tout naturellement à cette belle journée ensoleillée où je souhaitais me rendre à l'aéroport et m'y étais pris plus de quatre heures à l'avance pour éviter toute mauvaise surprise (j'ai fini par rater mon vol, of course). J'arrive à la gare et mets quinze minutes à trouver le comptoir de vente des billets de train pour Gatwick. Trois vendeurs pour toute la gare, bah voyons... Au moins ici le concept de file unique est à peu près bien assimilé, ce qui optimise le temps d'attente. Pour organiser cette queue, il y a des petites rambardes organisées en escargot, et comme à l'aéroport, on peut en décrocher le ruban pour se glisser à l'intérieur. Bien sûr, quand je trouve enfin le guichet, Loi de Murphy oblige, j'arrive dans le sens opposé à celui de la file d'attente, mais le dernier segment de l'escargot est totalement vide, personne n'y fait encore la queue. Alors dans ma quête perpétuelle de l'optimisation et histoire de m'économiser 23 pas, au lieu de faire le tour, aller jusqu'au bout, entrer dans l'escargot et revenir, je me contente d'arriver du côté opposé, d'ouvrir le ruban détachable et de me glisser dedans ni vue ni connue... Sauf qu'à ce moment précis, au niveau de la *vraie* entrée, une dame d'un certain âge surgit du néant, et me voyant OSER gruger, elle se met à courir pour prendre la place qu'elle estime être sienne, juste devant moi, parce qu'elle, elle est entrée du bon côté... Elle me dévisage du regard tout en me devançant et me lance un implacable "you were cheeting", injure suprême au pays du Name and Shame... Sur le moment, je n'avais pas tout compris, car d'où je viens, on laisse passer les personnes âgées de toutes façons...



Second Tableau :
À l'aéroport (comme souvent), récemment, je souhaitais acheter quelques friandises et à manger dans une boutique. Il y avait la queue à la caisse, alors je l'ai faite car j'ai bien compris qu'on ne rigolait pas avec ça ici. Mon tour arrive, je dépose mon gobelet plein de bonbons et deux sandwiches. "Heyya.. Did you neeeed a baaag?" me demande le vendeur.
Une fois n'est pas coutume, je réponds que oui, parce que mon sac à main croule déjà sous le poids de mon laptop, de son alimentation et des deux adaptateurs dont j'ai besoin pour la brancher au prises anglaises. Il me facture le sac une livre et me le tend avec les 2 sandwiches dedans pendant que je tape mon code de carte bleue, alors que le gobelet reste sur le comptoir. Je lui demande s'il peut également le glisser dans le sac tout en me demandant pourquoi diable il ne l'avait pas fait... Il reste figé, je récupère ma carte bleue, prends mon sac et le gobelet qui était resté sur le comptoir et m'éloigne en cherchant l'arnaque et recomptant mentalement combien j'aurais dû payer car malgré le sac plastique à une livre je trouve m'en être plutôt bien tirée... Le gobelet ! Je vérifie sur le ticket de caisse, et comme je le soupçonnais, les bonbons n'y figurent pas ! Bon sang de bon soir ! Dans l'émotion je retourne sur mes pas et assaillis la vendeuse juste à côté, que je trouve libre, et lui dis en vrac que son collègue vient d'oublier de me facturer un article. Elle me répond sec d'attendre mon tour et m'envoie valser dans la queue... Je m'exécute en contenant ma rage et ravalant mes mauvais sentiments car NON je ne mangerai pas des bonbons volés ! Cinq minutes et deux clients plus tard, c'est enfin mon tour, à nouveau, et je demande à la vendeuse calmement si elle se rend bien compte qu'elle vient de m'ordonner de faire la queue pour que j'offre généreusement de corriger l'oubli de son collègue et payer un article pour lequel j'avais DEJA fait la queue. Elle balbutie et ne semble pas comprendre la partie où je parle de doublon, mais saisit en revanche assez bien le passage où je lui file 3 livres supplémentaires qu'elle encaisse naturellement....

samedi 10 décembre 2011

Ils sont fous ces British (1)

C'est pas du jeu !
Ça fait trois mois que je suis ici et je ne vous ai fait part d'aucune des spécificités locales qui font le charme du Royaume-Uni....

Au bureau.

Au bureau, les Anglais travaillent.
Je ne travaille pas avec suffisamment d'Anglais pour vous raconter la façon dont ils travaillent, mais ce qui est clair, c'est que contrairement à l'autre côté du canal, ici sur l'île il n'y a pas de pauses café conventionnelles, genre celle de 10h ou celle après le déjeuner où tout le monde se retrouve de façon conviviale autour de la machine à café pour raconter son weekend ou polémiquer sur les dernières sorties ciné. Aucun endroit donc pour claquer la bise et taper la discute sur la nouvelle coupe de cheveux d'Untel ou les derniers ragots sur UneAutreTelle. En fait si, mais cet endroit s'appelle le pub, et les gens le fréquentent après le boulot pour y boire des pintes et raconter des blagues dans le flegme et l'ambiance qui s'imposent.

Il reste la pause déjeuner.

En fait beaucoup de mes collègues déjeunent à leur bureau, des tartines ou de la nourriture en tupperware (c). Il faut dire que même s'ils avaient la témérité de déjeuner à la canteen - comme les plus vaillants parmi lesquels je suis fière de compter - ils auraient droit aux tartines chutney/chicken ou cheddar/letuce, ou à des plats plus traditionnels tels que le haggis, ce plat écossais (ci-dessous) mieux connu en France sous le nom de "panse de brebis farcie" pour reprendre Wikipedia, ou le curry indien qu'on ne présente plus (et qui est bien souvent la "valeur sûre" de la cantine).
On n'a peut-être pas droit au stand pizzas des bureaux de Clamart, mais ici, nous avons droit à l'ascenseur du futur - the lift of the future! L'ascenseur du futur c'est quoi d'abord ?

Déjà il faut noter que nos bureaux sont situés dans un parc scientifique au milieu d'un village à vingt minutes d'Oxford en prenant la nationale, et que le bâtiment où nous sommes installés compte un rez-de-chaussée et deux étages... et deux ascenseurs pour rejoindre les étages supérieurs. Vus comme ça, c'est un peu incongru.
Surtout quand on sait que ce sont des ascenseurs qui parlent. Ils, enfin ELLES parlent, d'une voix claire et dans un anglais britannique parfait. Elles disent "Gueuyingue eup. Dôeuz cloeuzine. Ding. Feust flôeu. Dôeuz oeupeuningue. Gueuyine daeun." (si si je vous jure)
Alors je veux bien croire que ces ascenseurs sont là pour les aveugles, mais quand bien même au boulot ils pourraient rejoindre leurs étages j'ai toujours du mal à comprendre comment ils feraient pour rejoindre le boulot... Enfin toujours est-il que du coup on n'a pas d'aveugles au boulot, mais on a deux ascenseurs qui parlent !

samedi 26 novembre 2011

l'Automne, le vrai

Au début du mois j'ai pu profiter d'une escapade au soleil (Émirats puis Tunis), et j'ai compris sur place, en regardant en face ma mine blafarde aux rayons du jour que j'avais définitivement perdu mon teint hâlé d'aventurière d'Amérique Latine, et qu'une page de mon existence s'était tournée... Une de mes grandes peurs, en "rentrant" en Europe, outre perdre mon bronzage, était le climat nordique et le retour dans mon existence des saisons, après près de deux ans d'absence...

Mais force est de constater que malgré la nuit qui tombe à QUATRE HEURES DE L'APREM (!!!!!), la baisse de moral en flèche qui en découle, le froid polaire qui règne en ce moment au Royaume-Uni (5-12 degrés, soit 10 degrés de plus que les normales saisonnières) et les pluies diluviennes (0 mm ou pas loin de pluie en novembre), l'automne a du bon.

L'automne m'a fait redécouvrir les joies d'avoir un appétit gargantuesque à toute heure du jour ou de la nuit, avec une forte préférence pour les produits riches en beurre, fromage, chocolat, crème et autres substances lipidiques ! Je ne sais pas si ça me sauvera de la malnutrition, mais il paraît que j'ai l'air moins "digne de campagnes Unicef contre la malnutrition".
Les nuits plus longues me donnent un prétexte pour dormir (encore) plus ! Avec une moyenne de huit heures par nuit contre six heures trente dans ma vie antérieure, et des pointes à douze heures le weekend et parfois même en semaine, je n'ai jamais eu un tel sentiment de sommeil comblé. Je soupçonne aussi un peu le fait que boire cinq litres de thé par jour puisse être responsable de me faire flirter à nouveau avec l'anémie, mais dormir c'est tellement bon que je fais la sourde oreille et continue de siroter mon thé !

Et puis surtout, je remercie cette saison qui sonne comme une invitation à rester en pyjama tout le weekend sous la couette à mater des séries, lire des livres, se badigeonner de crème hydratante, surfer sur internet, boire du thé chaud et grignoter des frosties, autrement dit, COCOONER - parce que la culpabilité nous a fait trouver une expression consacrée pour transformer un état de larve-en-quasi-hibernation hivernal en activité trendy avec un nom à consonance anglo-saxonne.


Bref comme quoi ça a du bon les saisons !

mardi 11 octobre 2011

Minding the gap

Dans ma prime jeunesse, je pensais que conduire à gauche n'impliquait pas beaucoup de changements pour la circulation, que c'était une simple lubie des Insulaires, au même titre que manger salé au petit-déjeuner. Tu parles, non seulement ça modifie toute la géométrie de la voiture, en plaçant du coup le volant sur le siège du mort, ce qui n'est pas sans poser le problème du changement de vitesse avec la main gauche - ou pourquoi j'ai décidé que ma première voiture, si l'envie suicidaire de m'en payer une en Grande-Bretagne me venait à l'esprit, serait automatique ou ne serait pas - mais en plus ça crée mille raison pour que les passants non avertis s'homicident involontairement, percutés par un lovely jubbly bus rouge à deux étages venant du *mauvais côté* de la chaussée, parce qu'en fait, NON ce n'était PAS le mauvais côté.

Autant vous dire que le fait que je sois encore en vie pour témoigner aujourd'hui relève du miracle à répétition. Pas plus tard qu'hier j'ai failli me prendre une mini dans la tronche. Ahh les minis et le Royaume-Uni, c'est une longue histoire d'amour, mais nous y reviendrons peut-être un autre jour.

La différence entre cette île et le reste du monde, mieux connu ici sous l'appellation overseas, ne s'arrête pas à la circulation routière. Ici il faut apprendre à utiliser des billets et des pièces à l'effigie de la Reine. Là encore il y a un truc totalement déroutant pour moi. Autant le code des couleurs est clair autant je ne comprends toujours pas pourquoi la pièce de 5 pence (prononcer fayf ppi) est la plus petite de toutes ni pourquoi celle de 2 pence (tchouw ppi) est la plus grande de toutes, plus grand même que celle d'une livre...

lundi 5 septembre 2011

Ça s'en va et ça revient

J'écris, j'écris pas ? Entre velléité et mauvaises habitudes, me voilà ressassant ce que je pourrais bien raconter, sous-pesant chaque mot qui franchit le seuil de mes pensées, encore bien trop brumeuses pour que j'y puisse voir clair, hésitant sur chaque tournure, sous-estimant la moindre idée que je pourrais bien développer. Si l'on devait attendre d'avoir des choses intéressantes à dire pour les écrire, il n'y aurait plus grand chose à lire.

Partant de ce principe, au diable la littérature et le bon goût me suis-je dit, faisons preuve d'improvisation voire de bagou, on va quand même pas en faire un fromage, l'écriture vient en écrivant, et puis au pire personne ne lira et puis c'est tout !


Essayons de se dépêtrer dans cette mélasse d'idées, faisons le tri.


D'abord, quand je vous ai quittés, je quittais la Colombie aussi. À ce moment-là, j'étais encore extatique à l'idée d'abandonner mes bleus de travail plus très bleus, mon téléphone portable du boulot, aussi connu sous l'appellation "INSTRUMENT DE SATAN", qui permettait à mes supérieurs, mais surtout aux company-men, de me joindre à toute heure du jour ou de la nuit pour m'envoyer au puits. Bref, extatique donc, riant de là à là, la bouche béante, même que ça en agaçait certains.
Après un long voyage je suis arrivée à Londres, en vacances. Là une amie brésilienne m'a rejoint depuis les Émirats pour faire un petit tour (c'était son baptême d'Europe). C'était l'été, le ciel céruléen inondait nos yeux incrédules (attends voir du bleu dans le ciel londonien c'était une première pour moi) et les rayons chauds du soleil caressaient nos peaux bronzées, tandis qu'une légère brise agitait nos longs cheveux. London-Barcelona-Paris. Pour notre tiercé gagnant le climat est demeuré constant, pour des vacances réussies et ô combien confortables pour moi, enfin de retour sur "mon" territoire - ça change de l'Amérique !

Puis j'ai erré encore quelque temps, à cause des joies et de la magie des transports ferroviaires britanniques. Comprendre par là que j'ai manqué mon vol pour la Tunisie un jour de grand soleil où les voies de train vers Gatwick ont été impraticables pour cause d'inondation. Par grand soleil, vous avez bien lu ! Allez comprendre.

J'ai fini par atterrir à Tunis deux jours plus tard, et par me faire opérer des yeux : adieu traces de lunettes de vue disgracieuses, bonjour traces de lunettes de soleil disgracieuses. J'ai passé trois douces semaines ramadanesques en famille, à dormir jusque pas d'heure et planquer mes yeux de tout faisceau lumineux. Et puis j'ai découvert aussi tout le sens du mot relativité en me couvrant d'une mince couette par 35 degrés alors que le reste de ma famille crevait de chaud... J'en ai déduit que 1. je m'étais plutôt pas mal adaptée au climat équatorial trop chaud et trop humide de Barranca et 2. j'étais faite pour vivre dans un pays CHAUD. Si on y trouve des fruits tropicaux ça m'ira aussi ! Oui parce que tout serait plus simple si je ne m'étais pas mise à faire ces rêves étranges de goyave fraiche ou de jus de guanabana ! Mais rien que d'y penser je salive déjà, alors je préfère occulter les délicieux fruits colombiens pour alléger mes souffrances !

Ce qui nous amène à la fin des vacances tunisiennes, et au début des vacances parisiennes, puisqu'entre temps ma date de rentrée des classes avait été décalée au 1er septembre. Trop tard pour modifier mon billet, j'en ai donc profité pour passer une semaine à Paris, mais je me répète.

Il y a fait beau, jusqu'à ce qu'il fasse moche, un vendredi, je m'en souviens bien, je me suis dit "ah ben voilà c'est l'automne". Le lendemain j'assistais au mariage d'un de mes amis, et y rencontrais pas mal de camarades de promotion. Revoir des gens d'"avant" ça fait bizarre. Ils te demandent comment c'était, si la Colombie c'est vraiment dangereux, si tu as pu survivre, toujours la même rengaine, tu peux même pas leur en vouloir de pas avoir suivi ton blog ces deux dernières années, tu leur en as jamais parlé de toutes façons. Alors tu dis "non non c'est génial comme pays" et tu les bombardes de questions sur leur vie (singulier volontaire) pour les occuper et les divertir en espérant qu'ils ne te poseront plus aucune de ces questions qui t'horripilent bien que tu saches qu'ils ne font pas exprès et n'y sont pour rien au fond. Eux ils te répondent "bah toujours à Paris, j'en ai marre" et te content tous ces détails de leur vie (toujours au singulier) que tu as connus (connue ça marche aussi) toi-même et abhorrés mais qui ne manquent pas de te rappeler une époque qui semble si lointaine et révolue. Petit pincement au coeur.

Puis il a fallu s'installer à Oxford. Au moment de quitter Paris j'ai compris que cette ville, tant qu'on y vit, on peut pas l'aimer à sa juste valeur, parce que les Parisiens ils aiment rien. Et dès que l'on réalise qu'on ne retournera pas y vivre de si tôt, on est pris d'un vague à l'âme. J'ai laissé le vague et pris le train pour Londres à la place, il y faisait plus chaud. Mais le lendemain il a plu. Je n'étais même pas surprise.

Comment revivre l'automne, automne qui m'avait tant manqué l'an dernier, quand on vit en été depuis deux ans ? Il va falloir m'expliquer...

Voilà, je me suis donc trouvé une colocation à Oxford. C'est une petite ville pleine d'étudiants. Il commence à faire un peu frais et humide, et les nuits se raccourcissent. Et surtout je me sens à mille lieues de la vie locale. Je suis dans ce tourbillon de la vie à l'Européenne et il faut que je m'y fasse. Si l'accent local n'était pas si prononcé je dis pas, mais là j'ai parfois tendance à croire qu'il faut en plus apprendre une nouvelle langue !

C'était pour éviter de raconter ce genre de choses que je n'ai pas écrit plus tôt je pense. Vous connaissez le syndrome de dépression post-natale ? Eh bien j'ai l'impression de le vivre, sans avoir eu à supporter neuf mois de coliques et autres contractions, ni le (ou les) morveux dont il faut changer les couches à tour de bras entre deux xanax. Dans ma version light, je sors de dix huit mois de coliques nerveuses et dois maintenant supporter de ne plus voir le soleil douze heures par jour. Alors pour m'en sortir je prends d extraits de pépins de pamplemousse et j'apprends à parler avec l'accent de sa Majesté. On a vu pire hein ;)


Cheers Mates!

dimanche 17 juillet 2011

Trois petits tours et puis s'en vont

Je déteste les au revoirs, mais vous devez déjà avoir lu ça quelque part. Idem, je vais pas vous soûler à coups de souvenirs mièvres, nostalgie précoce, émotions mal placées !

Les souvenirs sont notre richesse future, les amis que l'on laisse derrière soi sont notre trait d'union culturel pour toujours, et toutes ces choses que l'on aurait aimé faire sont autant de raisons de revenir à l'avenir.



Alors je m'en vais, oui, mais je m'en vais heureuse de tout ce que j'ai eu la chance de faire, ces rencontres merveilleuses, ces voyages incroyables, ce métier improbable, et impatiente de découvrir l'Europe sous un nouvel angle, forte de mon expérience et prête à la conquérir à nouveau !

Bisous les moches, j'ai trois avions à prendre et après on en reparle...

lundi 11 juillet 2011

Prendre le temps

Depuis un an et demi je cours. Au boulot, je cours, en vacances surtout, je cours, pour ne pas perdre une minute, pour voir tout le monde, faire tout ce qu'il faut faire, et puis là, ben j'ai pas envie de courir.

Ma valise est ouverte, à moitié faite. Mon billet n'est pas encore pris. Et de plan, je n'en ai aucun pour les dix prochains jours, et je ne suis pas sûre de vouloir en faire. Est-ce trop demander, dix jours de juste RIEN ? Dix jours où la seule lutte soit celle pour définir où commander à manger, où aucune alarme autre que le bruit des travaux dehors ne vienne troubler mon réveil, ou que le vendeur d'avocats qui crie de sa voix nasillarde "aguacaaaate".

Prendre le temps de vivre en Colombie encore un petit peu. Maintenant que la fin est si proche je me sens prise de nostalgie, de ce sentiment que tout est passé trop vite, qu'il faudra revenir, quand bien même ces dix-huit mois seraient en fait du domaine du souvenir. Il y a encore tant de choses à voir, tant de choses à vous raconter sur la culture colombienne, sur ce pays, ses gens, sa nourriture, mais n'ayez crainte, je suis loin d'avoir dit mon dernier mot !

vendredi 8 juillet 2011

Épilogue

Et voilà après New York il a fallu rentrer à Barranca. Pour éviter le choc thermique et culturel, j'avais prévu une courte escale à Panama, histoire de voir ce fameux canal. Au lieu de cela il a plu des cordes et j'ai dormi, ça a fait du bien aussi !

Puis, après quelques péripéties avionesques d'une fréquence telle qu'il n'est même plus pertinent de les développer, je suis arrivée à Barranca et ai repris le boulot... pour six jours !
Les six derniers jours de boulot sur le terrain et en Colombie, jusqu'au 22 août, date de ma rentrée des classes.

Et six jours plus tard...


Je suis en vacances depuis aujourd'hui. Ça faisait un paquet d'années que je n'avais pas eu de vacances d'été, et je ne suis pas sûre que ça se reproduise de sitôt...

Dans tout ça j'en viens même à oublier de développer les derniers jours de boulot à la base. Ils étaient tranquilou, et mon intuition que mon dernier job-terrain était celui de fin mai (ah tiens il faudra que je vous raconte ce fameux job !) s'est confirmée. Adieu chiens, moustiques, chèvres et autres singes, adieu rigs, adieu pick ups, adieu packers.

Pour le moment je suis en vacances, et heureuse de l'être. Mais je sais qu'une fois de retour au rythme d'un boulot en intérieur, à l'abri de la pluie et en Europe, la bougeotte me reprendra et je me surprendrai à rêver d'une folle escapade, le temps d'une nuit (blanche), sur un rig colombien au bord du Rio... le genre de rêves pas commun !

J'espère que les aventures qui pourront m'arriver en Europe sauront nous (vous et moi) captiver autant que celles du Nouveau Monde. Ce fut un plaisir de partager mon expérience du terrain avec vous, même si vous sûtes rester silencieux pour la plupart. Si l'envie vous prend de sortir du mutisme, laissez-la vous envahir ! Et comme toujours si vous avez des questions (vous n'en eûtes pas souvent), je me ferai un plaisir d'y répondre.

C'est un chapitre de ma vie qui s'apprête à se fermer (il sera définitivement clos à mon retour en Europe). Ça me rappelle à quel point le temps passe vite, et à quel point tout est éphémère...

Bonnes vacances les choubidous, et à bientôt pour de nouvelles aventures !

vendredi 1 juillet 2011

the big apple

Le tournant de mon voyage - supposé se dérouler en Colombie - a eu lieu lorsqu'une de mes très bonnes amies vivant à New York m'a appris qu'elle ne pourrait pas m'accueillir chez elle au mois de juillet mais qu'elle serait ravie de m'héberger la dernière semaine de juin. Elle m'a informé de cela un peu après mi-juin, alors que j'étais sur la côte. Qu'à cela ne tienne, j'avais mon passeport et n'avais pris aucun billet d'avion pouvant contraindre ce changement inopiné de plan. Après Cartagena c'est donc tout naturellement que je me suis envolée en direction de New York !
Alors il faut tout de suite vous dire que je ne partais pas des étoiles plein les yeux. J'étais contente d'y aller, mais je m'attendais à une énorme métropole bruyante, suffocante voire asphyxiante. Au lieu de cela, j'ai découvert un énorme village, où il fait plutôt bon vivre et où les gens sont souriants et toujours disposés à aider les touristes. Bien sûr il y a plein de gratte-ciels partout, mais à aucun moment je ne me suis sentie oppressée, car il sont finalement disposés de façon étrangement aérée et ne sont pas présents dans tous les quartiers. Malgré les larges rues aérées (qui contribuent au passage à espacer les paysages), il est agréable de marcher en ville, contrairement à Dubaï par exemple où les distances sont toujours trop importantes et le soleil souvent trop accablant.

Bref si vous ajoutez à cela qu'on trouve à peu près tout ce que l'on peut être amené à chercher sur place (restos de partout et même d'ailleurs, shopping international, vie culturelle fournie), New York est une ville plutôt sympa où il doit faire bon vivre. Peut-être moins l'hiver cela dit...

vendredi 24 juin 2011

La Co'ta

On se rend vite compte qu'on arrive sur la côte. L'accent est chantant, les s disparaissent, ainsi que d'autres lettres, et le climat se fait chaud, humide et musical.

Je suis largement en retard, mais je ne pouvais pas ne pas vous parler de ma grosse semaine sur la Côte Caraïbes !

Tout commence à Santa Marta, au propre comme au figuré puisque c'est la ville la lus ancienne de Colombie. En soi cette ville n'a rien de particulier, elle n'est pas très grande, sa plage est plutôt sale. Mais elle est bien située, entre plusieurs sites intéressants. C'est la ville d'où partent les expéditions vers la Ciudad Perdida, un site archéologique perdu dans les steppes humides à une journée de marche du patelin le plus proche. C'est aussi très proche du Parc Tayrona, réserve naturelle nationale entre montagnes (Sierra Nevada) et plage (Caraïbes), connu pour abriter certaines espèces de faune et flore très rares ailleurs sur le globe, et pour ses paysages paradisiaques.


Petits joueurs que nous sommes, plutôt que de s'aventurer cinq jours vers une ville paumée (c'est le cas de le dire), nous nous sommes laissé charmer par les plages et les randonnées "faciles" selon toutes nos sources. On a quand même mis trois heures trente à rejoindre la première plage depuis l'entrée du parc, au lieu de l'heure quarante cinq annoncée par les guides à l'entrée. Le plus pernicieux ce sont les pancartes censées annoncer le pourcentage du parcours déjà effectué. Lorsque, de la boue à mi-mollet, les tongs à la main, trempée d'eau de pluie (un torrent, non un déluge était en train de s'abattre sur nous) et de transpi, après deux heures de marche, j'ai lu que nous avions parcouru 40% de la route, j'ai commencé à croire que les Colombiens n'étaient pas aussi peu sportifs qu'ils voulaient bien le laisser croire. Puis nous avons vu des Colombiens passer, à cheval, et nous avons compris les règles du jeu, et notre douleur aussi...
Les paysages en valaient la chandelle, la nuit passée dans un hamac livré au froid à l'humidité et aux prédateurs en tous genre fut moins romanesque, et une occasion supplémentaire de se rendre compte qu'on ne devient pas "jungle proof", on naît ainsi (ou pas). Nous avons pris la sage décision de rentrer en bateau, promenade fort agréable le long de la côte du parc. Ce fut un des moments forts de ce voyage, de contempler les mêmes paysages et reliefs que, plus d'un demi-millénaire avant moi, Christophe Colomb et son équipage ont vu en arrivant d'Europe, croyant découvrir les côtes de l'Inde. Des plateaux verts, des cactus et des plages de sable fin. Rien n'a changé depuis, et j'espère que ce parc restera protégé pour ne pas subir l'injure de l'homme.


Quelques jours plus tard, nous mettions les pieds à Cartagena, dernière étape de mon périple Colombien. Mais Cartagena ne se raconte pas, ce petit joyau colonial se vit. Le soleil accablant, les orages rafraîchissants, les vendeurs ambulants, la chaleur latente, les couleurs chatoyantes. Allez à Cartagena, vous ne le regretterez sans doute pas !

jeudi 23 juin 2011

Rencontres

Premier Tableau
Nous sommes trois Européens, nous nous sommes rencontrés par hasard, au fil du voyage, et nous sommes sur la côte Caraïbe. Mercedes, nous l'appellerons ainsi (Bosch c'était peut-être un peu trop connoté), est allemande, la trentaine avancée, elle est l'image parfaite du féminisme vieillissant, elle s'est réfugiée dans des systèmes de pensée alternatifs tels que l'astrologie, peut-être pour combler les failles de son existence, son célibat, sujet visiblement hautement tabou, comme celui de son âge qu'elle ne révèlera jamais. Elle voyage beaucoup, elle dit avoir "visité le monde entier".
Milka (ouais bon en vrai il s'appelle autrement vous l'aurez compris) vient de Suisse Allemande. Il voyage depuis cinq mois, avait pour projet de faire un tour d'Amérique du Sud, a atterri en janvier en Argentine et compte repartir pour l'Europe dans cinq semaines, de Mexico.

ensemble nous discutons en espagnol, ça ne s'invente pas, mais je trouve cela très agréable.

Je serais bien incapable de me souvenir pourquoi ou comment nous en étions venus à parler immigration. C'est ainsi que Milka nous parla de ses origines maternelles italiennes, ses vacances annuelles en Italie chez sa grand-mère, les pastas le soleil et la sauce tomate. C'est ainsi également que Mercedes nous expliqua l'échec de l'intégration turque en Allemagne, un constat qui tenait sa source selon elle en l'absence de volonté de s'intégrer des Turcs, malgré les nombreuses initiatives allemandes. Milka, plus optimiste, nuança ces propos en évoquant l'exemple des footballeurs d'origine turque qui acceptaient de plus en plus nombreux de jouer sous les couleurs allemandes.
N'étant moi-même ni au fait du football allemand, ni de l'état des lieux de l'immigration/intégration turque, je m'abstins de tout commentaire ou jugement hâtif.

Plus tard dans la soirée, je me renseignai sur ladite immigration, sur la politique d'immigration allemande, ou plutôt son absence jusque la coalition de 1998, sur l'absence de contraintes linguistiques sur les migrants, qui devaient selon le plan "rentrer chez eux". En en parlant au petit-déjeuner à Mercedes, elle me proposa de croire son vécu à elle, qui vivait en Allemagne, ou les choses que j'avais lue. Je restai perplexe et préférai battre en retraite et clore le débat d'un "tienes toda la razón". Le destin était scellé, je ne devais plus jamais passer à travers l'enveloppe de sa personnalité, à jamais rigide pour moi. Mais nous devions aller à la plage ensemble, puis à Cartagena le lendemain, alors je me vêtis de mon plus aimable sourire, elle en fit de même, et nous partîmes en groupe soudé, une vraie Union Européenne en somme. La Suisse, sans surprise, resta neutre durant l'altercation belgo-allemande.


Deuxième Tableau
Nous sommes à la plage, nous avons négocié "una carpa", sorte de grand parasol, et des chaises longues, et nous entendons bien nous relaxer. Sur la belle plage de sable blanc se suit une série de ces parasols, à vrai dire ce sont plutôt des abris montés sur quatre piquets, que les locaux louent à la journée aux vacanciers, Colombiens ou non, désireux de ne pas passer tout de suite par la case cancer de la peau. Nos voisins de carpa sont Colombiens, plusieurs couples et un bébé. Ils semblent en vacances, plaisantent entre eux et n'hésitent pas à acheter de tout ce que les nombreux vendeurs ambulants proposent. Un bracelet, un ceviche de crevettes, vingt minutes de massage.
C'est Milka qui engage le premier la conversation avec nos voisins. Il a appris l'espagnol durant un cours de quelques semaines à Buenos Aires au début de son voyage et pour lui toute occasion de pratiquer et de connaître des locaux est bonne. Je m'introduis peu à peu dans la conversation, en posant tout d'abord quelques questions timides. C'est que nos voisins sont militaires, et je n'ai jamais eu l'occasion d'avoir une conversation informelle avec des militaires colombiens.
- Et vous voyagez beaucoup ?
- Oui, on travaille par missions avec des objectifs de quatre à six mois environs. En fait jusqu'à ce qu'on neutralise.

On n'ose pas trop demander ce qu'il s'agit de neutraliser, on change de sujet. Ils nous expliquent qu'ils ont un mois de vacances tous les six mois, et qu'autrement ils travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre sept jours sur sept, qu'ils sont envoyés partout en Colombie et pour cela doivent être capables de travailler dans n'importe quelles conditions climatiques. Ils sont fiers de nous annoncer sans équivoque être l'unique armée qui travaille toute l'année, rapport aux guérilleros. Je m'avance à rappeler le cas de l'armée israélienne. Ils acquiescent et mentionnent le fait que certains militaires colombiens sont même envoyés au Moyen-Orient, que c'est un privilège réservé aux meilleurs. J'ai du mal à cacher mon embarras et demande instinctivement si c'est un privilège d'aller tuer du Palestinien. Ils expliquent qu'ils ne vont pas là-bas avec l'armée israélienne mais plutôt pour assurer la paix sur place. Casques bleus ? Je n'en demande pas plus.
Ils parlent à présent de jungle, d'animaux qu'ils y ont vus, de paresseux, et l'un d'eux brandit son téléphone portable (touchpad) et la série de photos de lui et du paresseux dans la jungle. On dirait son bébé, dormant avec lui dans un hamac vert kaki, se baladant sur son épaule. C'est un bébé paresseux dont la mère est morte lors de l'envoi bimensuel des vivres. L'hélicoptère qui faisait le ravitaillement a rasé un arbre qui s'est brisé, et la maman paresseux était perchée dans cet arbre au moment où il s'est fracassé au sol. C'est donc naturellement que le militaire, nous l'appellerons Carlos, a pris sous son aile le bébé, durant les deux mois qu'il a passés dans cette jungle, le nourrissant et le protégeant des prédateurs nombreux. Au milieu des photos il y a celle d'un de leurs camarades, juste après s'être fait amputer la moitié de la jambe gauche, qu'il a perdue à cause d'une mine antipersonnel. Les mines. C'est le principal outil de guerre des FARCs. Ils les disséminent dans la jungle et Carlos et ses collègues moins chanceux risquent leurs membres voire leur vie en franchissant les "terres des guérilleros". Mais la paie est relativement bonne, ils assurent un avenir à leurs enfants. Et c'est une vocation, militaire. Sauf que les Droits de l'Homme ont rendu la tâche plus ardue.
Perplexes, nous demandons des détails.
"Ben les droits de l'homme se rigidifient chaque fois un peu plus, et maintenant par exemple on ne peut plus ouvrir le feu sur eux. Mais s'ils commencent à tirer, on le fera "con mucho gusto"."

Il y a une sorte de haine qui illumine son regard. Carlos ne comprend pas toujours pourquoi l'Etat a mis en place des plans de réhabilitation pour les FARCs, qui pour lui sont vicié, parfois depuis leur enfance, et sont responsables de la mort de certains de ses proches amis. Il nous rappelle qu'il vit littéralement avec ses collègues.

L'ami de Carlos qui discute lui aussi avec nous est "puntero", éclaireur. Il a échappé à six mines, est svelte et a le regard très intelligent. Il a l'air optimiste. Pendant que Carlos montre des scènes de guerre filmées avec son téléphone dans la jungle, l'éclaireur essaie d'engager la conversation avec Mercedes, restée à part jusque là. Il croit bon lui demander si nous sommes mère et fille. Dans ma tête je pense instinctivement à l'épisode où une collègue m'avait demandé si j'avais des enfants, à peine une semaine après mon arrivée à Bogota, il y a de cela près d'un an et demi, et bien sûr je me souviens à quel point j'en avais été scandalisée et blessée... Si la vexation avait un visage, ce serait celui de Mercedes au moment de cet affront. Elle a eu une seconde d'incrédulité puis elle s'est mortifiée, a fait une tête de chat vexé (vous avez déjà vu un chat vexé ?) a enfilé ses lunettes solaires et a décidé de bouder. De mon côté j'ai essayé de la jouer diplomate en expliquant à notre nouveau camarade que dans la culture européenne la question qu'il avait posée pouvait être insultante parce que les femmes ont leur premier enfant en moyenne vers 30 ans, et que s'il faisait le calcul il verrait quel âge il suggérait que notre amie Mercedes avait. Il a pas tout compris, a expliqué que lui même avait une fille de presque 10 ans (il avait l'air d'avoir 27 ans) et qu'en Colombie c'était courant d'avoir des enfants plutôt jeune, ce que j'avais déjà compris, mais qu'il était bon de rappeler pour notre interlocutrice allemande qui, si elle avait perdu la parole, ne perdit, j'en jurerais, pas une miette du reste de notre conversation.
D'ailleurs nous ne réussîmes jamais à reprendre une conversation consistante, car il y avait une tension palpable dans l'air. Nous nous séparâmes au moment de rentrer. Mercedes resta très silencieuse.

Le lendemain matin, jour de notre départ pour Cartagena, elle se leva de bonne heure, se prépara et nous dit qu'elle allait voir les dauphins.
"- Mais tu reviens à temps pour partir en bus avec nous ?
- Ah non. Bonne fin de voyage."

jeudi 16 juin 2011

I have a date!

Oui messieurs dames, une date de retour !

C'est ici, à Santa Marta, sur la côte Caraïbes, que j'ai appris que je rentrerais dans deux mois en Europe. Derniers mois de l'été le plus long de ma vie, avant ce que je présage être le plus long hiver !

Cette date maintenant fixée (au 22 août ma bonne dame) me permet de peaufiner mon emploi du temps jusque-là, et y a de quoi faire !

L'autre jour, en escale à Bogota, j'ai visité le musée de l'or. Pfiouu j'en ai eu pour mon argent ! J'ai pas trop lu les légendes parce que je préfère me faire mes propres films, c'est plus intéressant que l'Histoire, je suis sûre... Genre en Colombie ils ont quand même inventé Bouddha bien avant les Indiens (les autres) :


Sur ces sages paroles, je vous laisse méditer !

samedi 11 juin 2011

La route du café

Après quelques jours à Medellin, cap Sud pour suivre la route du café.

Le voyage par voie terrestre vaut particulièrement la peine, afin de profiter des paysages, essentiellement des plateaux de cultures de café, de palmiers, des cours d'eau, de nombreuses fleurs et des maisons typiques. Nous traversons les Andes pour ainsi dire, et je dois avouer que l'on est loin du cliché typique à la bolivienne, genre montagnes surélevées et températures arides. Ici tout est vert et rond et pas si haut, c'est l'image que l'on a lorsque l'on traverse la Colombie par avion et sans doute celle qui restera gravée dans ma mémoire.

Manizales est une des villes de la région productrice de café, el Eje Cafetero, et c'est la destination où nous avons élu domicile pour deux jours. C'est une ville perchée à quelques 2200 mètres, plutôt fraiche quoique très ensoleillée. Outre ses plantations de café, elle est connue pour ses eaux thermales, alors en bons touristes, on a testé les deux.

Les plantations de café sont généralement organisées au sein d'une hacienda, une exploitation agricole grande de plusieurs centaines d'hectares, qui cultive également les aliments de base pour nourrir les travailleurs saisonniers et leurs familles, je vous le donne en mille des bananes plantains ! Les terrasses des villas sont décorées de fleurs et de hammacs, et bien souvent il y a au moins une piscine. Ce sont de petits havres de paix, retirés du bruit et de la tourmente de la ville, on pourrait y passer sa vie.

On a découvert l'histoire du café colombien et le processus de préparation des grains, de leur culture à leur exportation. Je ne me rendais pas compte que cette production pourtant massive était quasi exclusivement artisanale, et ça fait plaisir de savoir que toute la planète n'est pas encore passée du côté obscur de l'industrialisation massive et l'agriculture intensive, et qu'il reste encore de la place pour la qualité.



Quant aux eaux thermales, elles proviennent directement d'un volcan et peuvent atteindre les 70 degrés au sortir de la source. L'eau contient du soufre, du phosphore et tout plein d'autres minéraux très bons pour la peau et tout, mais surtout, plonger dans une piscine à 40 degrés au clair de lune est une expérience géniale !

Depuis Manizales nous avons rejoint Cali, la ville de la salsa et objectivement une des villes les plus moches qu'il m'ait été donné de visiter en Colombie, une sorte de Barranca en plus grand.

Demain, retour à Bogota. Ciao les gros ! À bientôt pour de nouvelles aventures !

lundi 6 juin 2011

Enamorada de Medellin

Yes my friends! Et j'en perds même mon français !

Je suis arrivée hier, après un court vol depuis Bucaramanga, où je débutais mon tour de Colombie.
Bucaramanga est une petite ville agréable. C'est aussi la capitale du département qui a donné sa réputation aux Colombiens de "mangeurs de fourmis" (cliquez sur le lien pour voir à quoi ressemblent les bébêtes). Et pour ceux qui se posent la question, NON je n'y ai pas goûté, car OUI je vous en rapporterai pour tester en live en même temps que vous ;)

Mais Medellin, ah Medellin !

Medellin est la ville d'origine de Pablo Escobar et Fernando Botero, entre autres.
C'est aussi la ville dite du Printemps éternel, pour son climat enchanteur, un bon 33oC toute l'année... Située dans une vallée entourée de montagnes à tous bords, ce joyau de ville est à la hauteur de sa réputation. Si la ville offre au moins autant d'activités culturelles que Bogota (pour la plupart bon marché si non gratuites, comme bon nombre de théâtres), son climat est bien plus agréable, ce qui explique son succès touristique relatif pour une ville si peu accessible de l'international par vol direct. Botero a offert une énorme collection à celle qui est sa ville natale, disposée pour la plupart sur la place qui fait face au musée de Antioquia, qui regorge de ses peintures. Si vous passez à Medellin, il ne faut pas oublier d'aller au jardin botanique, pour y voir des orchidées, un beau lac, et des hibiscus jaunes !

Et puis bien sûr, nous ne pouvions pas venir jusqu'ici et ne pas prendre le métro-câble, ce téléphérique public qui rejoint en un temps record le parc écologique des Piedras Blancas, situé sur les hauteurs de la ville, au-delà de ce qui ressemble davantage à une favela carioca qu'à une banlieue colombienne... La balade vaut le déplacement, et est incroyablement bon marché puisqu'il s'agit d'une ligne du métro citadin... Ah Medellin !

dimanche 5 juin 2011

Du field - les animaux

Il s'en est passé des aventures sur le terrain. Je ne sais pas si je les ai attirées comme un aimant, mais j'en ai vécu un paquet, que je n'ai pas reportées au jour le jour pour m'éviter autant d'humiliations !

Il faut dire aussi qu'en rentrant d'un job j'ai rarement la force de faire le compte-rendu détaillé de tout ce qui s'est passé sur le puits, étant plus concentrée sur des priorités vitales telles que dormir ou me nourrir. Je vais essayer à mesure que je repense à ces aventures, de les consigner par écrit, pour qu'elles ne meurent pas étouffées dans la partition "souvenirs embarrassants" de ma mémoire !


Les animaux.
L'unique
épisode que j'ai conté est celui des chiens-monstres qui ont eu le mérite de me guérir de la phobie que je trainais depuis la petite enfance. Depuis les chiens des rigs sont mes amis. Ouais non faut pas exagérer non plus, disons plutôt que nous avons appris à dépasser nos différends pour coéxister pacifiquement dans l'indifférence l'une des autres. Et puis depuis j'ai découvert bien d'autres bestioles qui ont su remplacer les chiens dans mon coeur.
Les moustiques demeurent à ce jour mes ennemis déclarés du terrain. Ils me piquent par escadrons, je suis démunie face à eux. Quand je m'asperge d'anti-moustiques ils choisissent stratégiquement les endroits où il n'y en a pas (typiquement le visage et les mains) alors j'ai renoncé à la science et préfère leur offrir en pâture mes membres plutôt que de leur sacrifier mes extrêmités...

Sinon durant mes pérégrinations j'aurai croisé des vaches, des chèvres, une tortue, un tamanoir, un crocodile, des libellules, des sauterelles, des papillons, des chats, et un singe qui mérite que l'on s'y attarde.

Il s'agit d'une femelle de la même espèce et stature que Marcel, le singe de Ross dans Friends, le genre de petites créatures qu'on élève à voler dans les souks de l'imaginaire collectif, une bestiole toute mimi dont on a peine à croire qu'elle pourrait faire du mal à quiconque. Or donc alors j'ai appris à mes dépens que les singes femelles sont très jalouses, en particulier quand elles sont l'unique femelle du rig et qu'elles entendent bien le rester. Je me rendais sur ce puits pour checker les horaires et discuter avec le client du programme, avec un coéquipier. On découvre la ptite peste, sous ses airs d'ange. Moi de m'esclaffer qu'elle est trooop mimiiiii, et elle de me dévisager et de commencer à me tourner autour en me regardant bizarre. Puis elle se fige devant moi, bras en avant et émet de petits sons aigus en me montrant les canines...

Moi je commence à plus trop la sentir, j'essaie de regarder ailleurs en m'éloignant l'air de rien. On était quand même quatre ou cinq en cercle à discuter et à la regarder. Elle se met à s'approcher dangereusement de moi, limite à me renifler, et ni une ni deux elle se met à me repousser de ses petits bras. Je me retourne pour pas la regarder, il paraît que ça la rend nerveuse. Elle, toujours pas calmée, me repousse de plus belle, tout en criant. Moi je commence quand même à flipper et à reculer, limite me cachant derrière mon coéquipier amusé. Et la garce a commencé à me poursuivre, jusqu'à ce que les autres tentent de retenir son attention pour me laisser filer en douce. Je me suis enfermée dans la camionnette et ne suis plus jamais retournée sur ce puits, déjà pas très courageuse, je suis loin d'être téméraire. Mon coéquipier m'a expliqué par la suite que la peste a cherché après moi genre en me singeant, je vous laisse imaginer...

samedi 4 juin 2011

Point News

Coucou les boudinous !

Ah ça vous avait manqué mes public display of affection, avouez ! Bon ben les boudinous, c'est juste pour vous dire que je suis en congé depuis hier et pour un mois. À l'issue de ces congés, soit je serai encore en congé un mois de plus, soit je retournerai pour quelque temps sur le terrain, une vingtaine de jours maxi, pour retourner en congé ensuite. À la clé, un retour à mon centre technologique, au Royaume-Uni, fixé pour cet été (en juillet ou en août).

Voilà, alors pour le moment je suis en train de visiter la Colombie, et devrais en profiter tout le mois. En attendant de vivre des choses incroyables dans ce pays, je suis en train de résumer quelques unes des anecdotes les plus humiliantes qui me sont arrivées sur le terrain, pour les partager ici !

Et puis si vous êtes en Colombie ou que l'envie vous prend de partir à l'aventure au pays des FARCs et du café en juin, ne vous effrayez pas au passage de l'ouragan, it's just me!

jeudi 26 mai 2011

Roulement de tambour

J'ignore encore ce qu'il adviendra des six à huit prochains mois, mais je sais qu'ils seront loin d'ici. J'ai regagné cette position de pion mu pas une force qui le dépasse. Quand on y réfléchit bien, c'est notre état continu et constant (enfin c'est comme ça que je le vois), mais on n'en prend jamais autant conscience que lorsque l'on va changer de trajectoire ou disons pour être plus précis dans la métaphore, d'orbite, et que l'on ne sait très bien ni comment ni quand.

J'essaie de profiter de ces derniers mois (semaines ?) à Barranca où je me suis fait de bons amis, et de mener à terme certains projets qui me tiennent à coeur, faire en sorte d'avoir servi à quelque chose, d'avoir apporté ma pierre à l'édifice.

Mes amis et collègues, pour la plupart Colombiens, sont bien souvent imprégnés de la culture de travail locale. Je ne pense pas avoir pris le temps de développer les conditions de travail dans ce pays ni les relations professionnelles entre employés et hiérarchie car c'est un sujet épineux, qui n'intéresse pas spécialement, et puis par pudeur pour ne pas transformer des textes qui se veulent gais et légers en pamphlets acides et amers - mes amis m'appellent Pamplemousse.

Bref ces conditions sont très différentes des normes de travail à la française ou à l'européenne. Les droits des employés ne sont pas toujours très clairs, et l'on est en droit de se demander si la hiérarchie n'y trouve pas son intérêt. Bien sûr il s'agit de "faits divers", autrement dit ponctuels et à prendre au cas par cas, il ne faut en rien généraliser ni perdre la dimension humaine du problème.

Alors avant de m'en aller, j'essaie de proposer comme tous les jours depuis mon arrivée, une autre façon de voir, une autre façon de faire. Même si parfois ça signifie élever le ton, ou menacer du doigt, voir se faire entendre à l'étage au-dessus, il est des combats qui valent la peine d'être menés. C'est le moins que je puisse faire pour mes amis, et c'est une façon de justifier mon départ, pour lequel je culpabiliserai toujours un peu...

samedi 14 mai 2011

Mon rêve familier (à moi)

La nuit, quand je n'ai rien d'autre à faire que d'attendre que le soleil se lève pour aller me coucher, plein d'idées me traversent l'esprit, de choses à écrire, à raconter. Puis je dors, et j'oublie. Ou peut-être que la nuit quand je suis très fatiguée, je pense avoir des idées, je ne suis plus sûre.

J'écoute de la musique aussi, en regardant les paysages. Parfois c'est de la musique "d'avant", qui me fait repenser à "avant", et face à l'incongruité de la situation, d'être dans un pick-up au bord du Rio Magdalena sur un puits de pétrole au fin fond de Cantagallo, Colombie, dans un décor digne d'une contre-utopie, entre le mouvement continu des pompes mécaniques qui extirpent inlassablement le pétrole des entrailles de la terre, et l'ombre menaçante des rigs, décor bercé des ronronnements de moteurs et autres cliquetis mécaniques inquiétants, et d'écouter de la musique confortable qui me fasse penser à mes amis, à Paris (ou ailleurs).

J'ai envie de graver ces jours dans ma tête, de m'en souvenir à jamais comme de l'époque où j'ai quitté le monde "réel" des gens qui vivent leur vie normalement, pour celui de ceux qui vivent pour travailler dans l'ombre et pour que ces-premiers puissent mener leur existence en tout confort sans jamais penser à ceux qui suent à eau et parfois à sang pour faire marcher le système. Ici je côtoie les mineurs des temps modernes, sous-payés et exploités, et j'ai appris plus en 15 mois sur la vie qu'en un quart de siècle préalable.

Comment vivre en voyant au quotidien des gens qui travaillent plus que soi, à des besognes ingrates et sous-payées, quand on sait qu'ils sont parfois malades ou bien assez vieux pour être à la retraite. Je n'ai pas de réponse à cette question et j'en viens à envier ceux qui sont loin et n'en savent rien. Au lieu de réfléchir, je me cale dans la camionnette, j'allume mon lecteur et je me laisse porter loin d'ici, dans un monde qui d'ici a l'air imaginaire.

***

C'est l'histoire d'un Australien qui travaille en Inde, qui discute avec une Belgo-Tunisienne qui travaille en Colombie, ça s'invente pas. L'Aussie est un "Music Mate", une personne qui, malgré une vie et un bagage culturel sensiblement différents, se trouve avoir les mêmes goûts musicaux que moi, goûts incluant de la musique qui ne sera sans doute jamais connue ni reconnue à sa juste valeur (exemple) mais qui trouve son public à travers le monde.

Il y a près de trois semaines, cet ami me demandait si j'avais fait de nouvelles découvertes récemment. C'est là que j'ai réalisé que depuis des mois j'avais arrêté d'écouter de la musique. Et depuis des mois aussi je perdais ma bonne humeur, ma joie de vivre. De la poule ou de l'oeuf, je n'ai pas vraiment cherché qui était qui. À la place je me suis remise à jour côté discographie, et me remets à écouter des titres "bonne humeur". La musique que je préfère est celle qui me semble familière, comme l'inconnue de cet autre, qui n'est chaque fois ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. Cette musique qui me suit à travers les années, les pays, les périples, m'accompagne pour le meilleur et pour le pire toujours fidèle et compréhensive.
Je ferme les yeux et me laisse bercer, "et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a l'inflexion des voix chères qui se sont tues".


lundi 9 mai 2011

Mi querida Colombia

Vraisemblablement mon aventure en Colombie approche de son épilogue. D'ici fin août, au plus tard, je vivrai ailleurs, même si ma prochaine destination reste encore floue - entre un retour au centre technologique, au Royaume-Uni, ou une autre base quelque part dans le monde.

Ça fait déjà plus d'un an que je suis ici, mine de rien et pourtant, côté géographie, je n'ai pas visité la moitié de tout ce que j'aurais aimé voir de ce pays. C'est cela dit un prétexte parfait pour revenir, un jour, avec des amis ou de la famille, pour partager un peu de cette aventure que j'ai vécue, et repenser au "bon vieux temps", raconter une anecdote sur la culture local ou un souvenir de "l'époque où je vivais là".

Si je reviens, ce ne sera pas pour les puits de pétrole, ni même pour Barranca, qui derrière ses aspects rebutants, son climat adverse et son histoire mouvementée restera mine de rien un très bon souvenir de petite ville où il fait bon vivre, une sorte de Neverland où les jours se suivent et se ressemblent, où les saisons ne veulent plus rien dire, où l'on perd si facilement la notion du temps, et où l'on pourrait vieillir avant même d'avoir vu passer sa vie.

Si je reviens, ce sera pour visiter la Colombie, ses régions dont on m'a tant parlé, voir ses paysages. Je voudrais découvrir les Caraïbes et ses villes mythiques telles que Cartagena ou Barranquilla. Puis je visiterais les cultures de café, ces vallées à perte de vue qui offrent des paysages dignes de posters de WC au format A-zéro. Je continuerais jusque la côte pacifique encore un peu sauvage, de préférence en suivant le cours d'un fleuve. Comment ne pas découvrir les grandes cités du pays, Medellin, la ville des fleurs, de l'éternel printemps et d'Escobar, Cali pour la salsa et le métissage culturel, Bucaramanga pour ses parcs naturels. Et l'Amazone, ses animaux sauvages, la forêt, le fleuve, les insectes, comment ne pas vouloir découvrir cette région tant redoutée par l'homme, et pourtant si proche et facile d'accès ici. Je ne voudrais surtout pas oublier los Llanos, cette savane équatoriale, entre plaine et marais, sorte de Camargue inter-tropicale, dont beaucoup d'amis m'ont dit le plus grand bien (à part ceux qui y travaillaient sur plateformes et dormaient dans des containers).

J'ai bien peur que les jours manquent pour visiter tout ce pays. Un an à plein temps ne serait pas de trop. En attendant de tout voir, je me contente de regarder les photos de ce qui se trouve à portée de main, mais pourtant inaccessible. À peine rentrée d'un puits, demain j'ai un autre job.

dimanche 1 mai 2011

What comes around goes around

Le temps des congés, j'ai fait comme si je vivais toujours en France, comme si je n'étais jamais partie. J'ai essayé de parler le moins possible de là-bas, d'oublier où je vis, ce que je fais.

Au début c'était parfait. Il faisait beau, j'étais bronzée et en vacances, je voyais mes amis. Et puis je crois que je suis restée un poil trop longtemps, et Paris s'est laissé aller, comme une ménagère qui aurait troqué ses belles manières de jeune mariée pour des bigoudis et des crocs, passées les noces de laine ou le troisième gosse.

D'abord, comme il fait beau, les fous sont de sortie. En me baladant je me suis fait aborder par des gens chelous de manière récurrente, par des fous du quartier, des relous de passage ou des excentriques saisonniers.

Je sais pas vous, mais j'ai remarqué depuis quelques années déjà qu'à Paris vers avril, c'est comme s'il y avait une Felindra tête de Fous qui les lâchait tous sur la ville avec les premières chaleurs. Comment on reconnaît un fou ? Il parle seul ou à la cantonade, voire s'adresse à des passantes, avec un e, car ils s'adressent uniquement aux filles. Il chante ou pose des questions indiscrètes ou demande juste l'heure parfois avec de bonnes manières, toujours imprégné d'un air chelou et d'une odeur qui rappelle que les beaux jours sont de retour, avec tous les mauvais côtés que cela implique. Un jour dans un bus vers Opéra un Fou m'a demandée en mariage. Il a aussi demandé en mariage toutes les autres filles du bus, il était prêt à partager. Le même jour, dans un Mc Do bondé à 22h - autre preuve du retour du beau temps, le classique sundae de dix heures du soir - rue Soufflot, un autre fou avait squatté notre table et avait causé Interim avec une amie à moi (on était alors dans la même classe, en prépa), qui lui avait répondu qu'elle se sentait pas trop concernée vu qu'elle étudiait la géographie à la fac, mensonge qu'elle avait débité avec une telle aisance qu'elle m'en avait presque convaincue, moi aussi.


Retour à ces congés. En discutant avec mes amis, on a forcément parlé politique. C'était pas volontaire je vous jure. Il faut dire qu'après ce que j'ai pu lire ici ou , j'ai veillé à ne pas aborder les sujets qui fâchent. Or il se trouve que beaucoup de mes amis sont étrangers, et sont pile à cette période de leurs vies où ils ont commencé une procédure de naturalisation, ou sont sur le point de se lancer. Et c'est avec curiosité, étonnement puis déception que j'ai écouté le récit de leur marathon au Graal qui leur permettra, qui de pouvoir quitter la France sans cette frousse de plus pouvoir y revenir, qui de repasser du statut de salarié à celui d'étudiant, chose inaccessible aux étrangers, qui enfin de ne plus devoir vivre des humiliations pour le moins annuelles dès qu'il s'agit de renouveler ses papiers.
Je vous avoue, moi j'y comprends rien.
Tout ce que je sais c'est que ça a l'air super hyper compliqué. Rien que la liste de papiers à fournir relève de l'épreuve olympique. Il faut des papiers dont on ignore parfois qu'ils existent donc où se les fournir, puis il faut se les procurer, parfois il faut aller les chercher en personne là où on est né, puis les traduire selon les règles de l'art par des interprètes assermentés (tout cela a un prix), et puis il faut se rendre sur place pour solliciter un rendez-vous, attendre des mois, recevoir une date de rendez-vous arbitraire et irrévocable, attendre des mois, être impérativement là le jour du rendez-vous, et je vous épargne l'amabilité des fonctionnaires rencontrés... Bref paie ta galère. Tout ça pour caresser l'espérance de pouvoir un jour voter pour des gens qui changeront tout ça, enfin j'espère...

Ah cette bonne vieille capitale. Je ne sais pas si c'est le fait que je n'ai pas eu à prendre les transports à l'heure de pointe, le soir, baignés d'effluves fermentées et égayés de conversations incongrues avec d'illustres fous inconnus, ou si c'est le fait que je n'ai ouvert ni un 20 Minutes ni pris connaissance des dernières nouveautés en matière de politique de l'immigration française et que j'ai tout fait pour ne pas savoir ce que pensent les Parisiens des Tunisiens entassés à Porte de la Villette, mais finalement, je serais bien restée à Paris, cette fois-ci.

Mais ce n'est pas prévu, demain je repars.

vendredi 29 avril 2011

Idée lumineuse du jour

J'ai envie d'un talkie-walkie.

C'est pas une blague en plus.


Attention j'ai pas envie de ces Avantel (c.f. ici) que l'on trouve en Colombie et qui sont chers et trop sophistiqués. Je veux un talkie-walkie pourri ! Enfin quand je dis pourri, je veux dire : je le veux VINTAGE ! Genre bien gros, avec une carcasse lourde en plastique de couleur improbable vouée à s'écailler, et je le veux avec une bouton UNIQUE et surtout, une grande antenne, rétractable cela va sans dire.


Comment est née cette envie inutile ?

Un jour il y a quelques années (pas plus de 7 ans, je ne vous parle pas de préhistoire non plus), alors que j'étais au ciné à Paris, j'ai rencontré une camarade d'enfance, de Tunis, assise juste devant moi. On se claque la bise, prend des nouvelles, quand soudain un petit bruit électronique atypique retentit, le même que dans les taxis que contactait leur centrale, avant l'ère du GPS et autres téléphones portables. "Tuututiit". Et voilà que ma camarade sort un TALKIE de son sac, l'air de rien, et parle à son ami parti chercher du pop-corn, pour lui dire où elle était installée, partageant leur conversation avec tous les gens déjà dans la salle. GÉANT ! Bon bien sûr personne n'a rien pigé, eux y compris, à cause des interférences, mais quand même ! Bon et puis c'est sûr qu'au-delà de 250 mètres un talkie devient totalement obsolète, mais ça reste tellement stylé.....


J'imagine déjà ce que deviendrait ma vie si elle était égayée par un talkie. Je trouverais mille choses inutiles à faire avec, à commencer par essayer de capter la fréquence de la police du coin (légende urbaine quand tu nous tiens), avant de définitivement le reléguer aux oubliettes parce qu'on comprend vraiment rien à cause des grésillements continus en "prshchchkrwaaabrrrfttfrchhh"...

L'autre truc qui me travaille, c'est qu'un talkie tout seul, c'est pas hyper pratique en fait. Si ces gadgets se vendent par paire, c'est pour une bonne raison. Mais du coup il faut savoir à qui donner le walkie, cet alter ego du talkie, son frère ami, son âme soeur, acte qui a ce facheux défaut qu'il scelle le champs des possibles pour ne pas dire qu'il restreint les interlocuteurs potentiels à l'unité. Bref choix compliqué... Et c'est peut-être aussi pour ça que j'ai pas de talkie en fait.

mercredi 27 avril 2011

Flash-back sur les congés soudains

Je n'avais pas été aussi heureuse depuis des mois. Dimanche et lundi derniers, alors que je venais d'acheter mon billet d'avion, j'ai plané. Pouvoir rentrer chez soi, de si loin, à peine le surlendemain, c'est le genre de bonnes nouvelles qui cassent la routine et égayent non pas une journée mais au moins un mois !

J'ai entassé le maximum d'affaires que je pouvais dans mes valises, avec ce pressentiment que la prochaine fois que je partirai, ce sera la bonne, le départ avec un grand D, comme définitif.

Mon envie de changer d'air peut sembler soudaine et injustifiée, je pense qu'elle a germé peu à peu dans mon esprit et que depuis des mois mon moral a été en baisse. Partir au Royaume-Uni visiter mon futur centre, rencontrer ma future équipe et revoir des amis proches m'a rappelée au "monde réel", et m'a fait miroiter un espoir de "vie normale". Quand je me suis lancée dans cette aventure, je formais ce voeu qu'une année et demi passée sur le terrain me donnerait l'envie - qui me manquait cruellement - de travailler dans un bureau avec des horaires qui s'y rattachent. Il faut croire que ça a marché !

Aujourd'hui je ne sais pas encore à quand est fixé mon retour, mais quoi qu'il en soit je sais que cette date se rapproche à grands pas, et que je l'accueillerai à bras ouverts, pour de nouvelles aventures !

lundi 18 avril 2011

Quand y en a marre..

et qu'il y a besoin de se reposer et de se ressourcer, ben on fait trois clics et on se paie un billet pour Paris pour le surlendemain (et Tunis, of course) !!!

À mercredi, et d'ici là pas de bêtise :)

samedi 9 avril 2011

Ma semaine pas mytho

Cette semaine a été plutôt riche en événements du genre "faits divers" et complètement inutiles. C'est une raison plus que suffisante de vous en tenir informés.

Lundi c'était un jour pépère à la base, tranquille sous un soleil de plomb, rien à signaler.

Mardi j'ai cédé à la douleur qui m'attaque au cou depuis déjà plusieurs mois. J'en ai jamais vraiment parlé avant parce que je pensais que c'était juste une douleur due à un rythme de vie un peu trop soutenu, mais en fait vu que depuis une semaine je dors beaucoup, je mange très bien et j'ai encore mal au cou, j'ai pensé que c'était le moment d'agir. Profitant d'une après-midi peu chargée, je suis sortie du taf à 17h30 (youhou!) et ai pris rendez-vous dans un spa pour me faire masser ce maudit cou. Bon en vrai ça devient croustillant au moment où le massage s'achève (une heure de relaxation, un pur bonheur), qu'un orage éclate et que les plombs du quartier sautent. Jusque là, rien d'extraordinaire, on a l'habitude. Le massage terminé, je me rends à l'accueil, éclairée à la lumière de mon téléphone portable, et me retrouve nez à nez avec une amie et collègue qui vient de rentrer de 3 semaines de vacances. Un peu étonnée qu'elle se paie un massage au retour de vacances je lui demande ce qui l'amène ici. "Ah en fait je me suis fait opérer pour m'enlever le gras du ventre, j'étais pas vraiment en vacances, du coup maintenant je suis une cure de massages pour aller mieux". Elle me sort ça de but en blanc et avec une aisance déconcertante, comme si elle me parlait de ses courses au supermarché. Alors j'ai pas tout de suite réalisé, moi, et puis il faisait noir alors je pouvais pas vraiment vérifier sur elle. Du coup je lui demande de quoi elle s'est fait opérer, croyant que peut-être j'avais mal compris. Elle me dit en anglais qu'elle s'est fait une liposuccion et me raconte les détails ragoûtants de ses vacances de remise en forme d'opération, et semble un peu déçue que je lui dise "ah oui tiens ça passe presque naturel", la première phrase qui me vient à l'esprit, complètement maladroite et européenne quand on y réfléchit bien, à mille milliard de lieues de l'esprit local (en même temps si une liposuccion semble naturelle, c'est qu'on n'en a peut-être pas retiré assez..). Quelques minutes plus tard, bim le courant revient et je constate que oui, en effet, elle s'est fait aspirer la taille de manière drastique et à la frontière du réel. On dirait un tronc d'arbre grignoté par un castor, sauf que le tronc est encore debout, défiant les lois de la gravité. Je m'exclame que oui oh oui c'est.. comment dire.. liposuccé. Elle est ravie de voir que les résultats sont visibles, me demande de le garder entre nous (à ce propos, je compte sur votre discrétion) parce qu'elle a raconté à tout le monde qu'elle avait "juste" suivi un régime pendant ses vacances, tiens ça a marché, cool...

Bref mercredi a été le jour tampon pour me permettre d'absorber l'information du mardi soir.

Jeudi la terre a tremblé ! Bon je sais que ça fait super ptit joueur de balancer ça après les événements du Japon, mais on fait avec ce qu'on a et oui, ici aussi on a senti la terre trembler, même si aucun sismographe ne l'a enregistré parce que ça doit se compter en partie décimale sur l'échelle de Richter ! À huit heures du matin, alors que nous étions en réunion du matin, on entend un énorme BONG durant 1/2 secondes et on sent une secousse, comme si un camion était rentré dans le mur de la base. C'est d'ailleurs ce qu'on a cru. On a regardé par la fenêtre, mais y avait rien qui ressemble à un camion encastré dans le mur. On est sorti voir à la terrasse, et tous les gens de la base (tous en réunion à cette heure là) étaient eux aussi perplexes et réunis et se demandant ce qui avait bien pu se passer. Au moins ça nous a rassuré, on avait bien senti quelque chose. Une demi-heure plus tard, le verdict est tombé, la terre avait bien tremblé, au Mexique.
De mon côté j'ai joué la fille blasée. Oui ce n'est pas mon premier tremblement de terre. Jadis du temps du lycée, alors que j'étais en terminale, dans une salle de bio à une paillasse à trois avec mes deux copines de paillasse de SVT (spéciale casse dédi W & A, si vous me lisez !), alors qu'on riait comme des dindes à propos sans doute de quelque chose qui n'avait rien à voir avec le cours - il faut dire pour notre défense que le cours de bio de terminale se résument en une phrase à "la reproduction des mouches drosophiles slash les phénocristaux des roches microlitiques" et qu'à ma connaissance personne de ma classe n'a fini géologue ni biologiste - la terre a tremblé une seconde et demi c'est-à-dire 150% ce que j'ai vécu jeudi matin, les paillasses ont vibré, avec mes deux potes on s'est regardé et on a gloussé de plus belle et le prof qui était sorti pour nous apporter une merveilleuse roche qu'il fallait absolument qu'on voie (je ne suis plus cent pour cent sûre mais cet événement a dû se passer la même année alors je ne prends pas trop de risques à l'évoquer) est revenu et il avait manqué le tremblement de terre, un comble pour un prof de SVT..

Voilà. Vendredi j'ai digéré le tremblement de terre, revu les classiques du genre : que faire en cas de tremblement de terre, d'incendie et puis de fuite nucléaire, sait-on jamais. PS s'imbiber la gorge de sel c'est pipeau je vous promets !

Samedi (aujourd'hui), après ma journée de boulot (on est une dure à cuire ou on ne l'est pas), je me suis fait piquer. Car la douleur à la nuque, les noeuds que j'ai ne sont pas imaginaires, et j'ai d'ailleurs carrément flippé que la kiné de jeudi soir (oui, je suis retournée me faire masser, cette fois-ci chez une kiné, toujours pour mes problèmes de cou) les grille sans que je ne lui donne aucun indice :
" - Ah oui tu as des boules là et là. Et là aussi. C'est marrant je les sens, ça te fait mal si j'appuie ?
- AHHHHHHHH."
Alors j'ai décidé de me résoudre à me faire injecter les produits qu'elle m'a prescrits. Deux piqûres, bien symétriques, pour marcher symétriquement comme un pingouin.


Voilà pour ma semaine. Demain, dimanche, départ par voie fluviale pour un job d'une petite semaine. D'ici mon retour portez-vous mieux que moi, et arrêtez de croire aux régimes ciblés miracles, ils s'appellent aiguille à gras !

dimanche 3 avril 2011

Je sais pas vous mais...

Ça fait un peu plus d'un an que je vis en Colombie, et je me fonds peu à peu dans le décor, je comprends l'humour local, et me surprends même parfois à fredonner des airs de Vallenato "à l'insu de mon plein gré".

Les charmes de la phase de découverte ont cédé leur place à la routine, et à mesure que je m'adapte à l'environnement local, paradoxalement, les petites habitudes de ma vie, mise entre parenthèse depuis mon départ, me manquent de plus en plus : aller voir un vieux film au ciné d'en-bas, manger des sushis au jardin du Luxembourg, passer l'après-midi à lire au soleil de la véranda, à Tunis, et bien sûr les miens, ma famille et mes amis, disséminés un peu partout sur Terre, partout sauf ici...

Je suis comme une bouteille vide que l'on plonge dans l'océan, au bout d'un certain temps elle se remplit d'eau, et tout volume supplémentaire ne s'ajoutera qu'au péril de ce qui est déjà dans la bouteille. Je suis saturée en culture locale, et pour apprendre une nouvelle expression je devrai me défaire d'une autre. Je me surprends à me focaliser sur les différences de mentalité qui me déplaisent et à ne voir plus que ces détails.

En ce moment, j'aspire au départ. Où ? À vrai dire n'importe où, de préférence vers une autre culture, car il y a encore tant à découvrir. Attention soyons clairs, la Colombie est un pays qui me plaît beaucoup, de même que la France me plaisait, et je ne pense pas qu'il y ait de contradiction dans ce que je dis. Je pense juste avoir appris ce que j'avais à apprendre ici, et préfèrerais profiter du temps qu'il me reste sur le terrain pour en profiter et apprendre davantage. La routine me fait toujours autant horreur, et est synonyme de déperdition pour moi. Au travail aussi elle s'installe, je la sens, de par des jobs toujours identiques. Il me faut de l'action et j'entends bien me faire entendre !

samedi 26 mars 2011

"sur le terrain"

Je pourrais profiter du temps qu'il m'est accordé aujourd'hui pour aborder la tragique décision de mon estomac de stopper sa digestion, prise hier treize heures pour une durée de 24 heures, le tout sans préavis. Mais je ne gratifierai pas mon organe gréviste en citant ses exploits et préfère profiter de ce jour de répit qu'il m'a offert au péril des siens pour parler boulot, à défaut d'y être.

Souvenez-vous, nous en étions restés ...

En route aujourd'hui sur un puits pour savoir ce qui nous y attend. Un pick-up, une glacière pleine de boissons fraiches, un PC portable, une imprimante portable, un classeur contenant toutes les données clé du job, un adjuvant, gentil casque vert dont on doit assurer la survie et qui en échange nous obéit, et un chauffeur qui nous conduit sur place. Moins d'une heure plus tard, on arrive, après quelques "appels à un ami"-jokers pour se localiser, sur le "wellsite", que l'on peut difficilement réduire au mot français "puits".


(La photo ci-dessus représente un rig ici en Colombie, comprenant le derrick, tous les liens qui le maintiennent droit, on voit aussi une série de tubes posés à même la table de travail ou rotary table et allant jusqu'au sommet du derrick, où travaille le monkeyman, la chose jaune suspendue est l'elevator, qui permet de déplacer les tubes, la BOP est située entre le niveau de la terre et la table de travail, table accessible par des escaliers)


Le puits, c'est le trou creusé sous terre, surmonté par une série de valves en forme d'arbre de Noël. Lorsque l'on intervient sur un puits, et je parle comme toujours de mon segment (car cela varie pour chaque segment), le puits est surmonté d'une valve de sécurité (a.k.a la BOP, celle-là même qui est supposée couper les tubes en train de passer dans le puits et fermer celui-ci hermétiquement en cas de pépin , cf. le drame du golfe de Mexico). Afin d'introduire des tubes dans notre puits, nous disposons d'un rig dit de production ou work-over (par opposition aux rigs de forage), composé du fameux derrick, la structure métallique que l'on voit de loin, et qui sert de support à tous les systèmes de poulies et à l'élévateur de tubes, d'une table de travail, là où nous sommes debout à travailler, et de divers autres éléments que je ne développerai pas ici.

(La photo représente une table de travail avec au centre le dernier tube introduit, qui reste à la surface, accroché par les "slips", en rouge sur la photo, le temps que l'on visse le tube qui vient au-dessus à l'aide d'une machine hydraulique, l'espèce de gros machin rouge au fond qu'un homme en gris est en train de manipuler)

Notre travail consiste à introduire des tubes de fonctions et aspects différents dans un certain ordre, dans les entrailles de la terre. Nous calculons l'ordre dans lequel les positionner, et le faisons respecter aux membres du "rigcrew".

Car il est bon de savoir que le rig possède sa propre équipe. Déjà il appartient à une société de services, qui le loue au client (le client c'est la boîte pétrolière), avec toute une équipe : des personnes en charge de l'électricité, de la maintenance mécanique, de faire respecter les normes de QHSE, et j'en passe, et plus concrètement le rigcrew, composé dans l'ordre croissant des roughnecks, qui sont ceux qui font le gros du travail physique, armés de clés, graisse et huile de coude ; du monkeyman, qui est celui que l'on poste au sommet du derrick pour manipuler les tubes d'en haut ; le driller qui est celui qui actionne les engins mécaniques du rig et le chef de tout ce beau monde, le pusher. L'unique personne au-dessus est le company-man (co-man ou company pour les intimes), chef du site qui mène la danse. C'est le représentant du client, qui vit sur place et travaille à plein temps (plein temps comme dans 24/7). Il y en a des jeunes, des vieux, des sympa des moins sympa, des stressés des stressants des coolos, et à force de travailler sur les mêmes jobs on finit par se connaître, et signer les tickets (autrement dit nos factures, ces papiers tout simples contenant peu de nombres mais des nombres avec beaucoup de chiffres) comme une simple formalité.

En effet après avoir passé 24 à 48 heures à faire descendre des tubes que l'on aura rigoureusement mesuré à la surface, et quelques autres opérations qu'il serait fastidieux de développer ici (mais en lesquelles réside la difficulté de notre travail), on doit rendre un rapport détaillé des opérations au co-man et lui faire signer la facture, grand moment d'émotion pour tous ! Ce n'est qu'après cela que l'on peut plier bagages, faire attention à ne rien oublier sur place, et rentrer se reposer.