"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

lundi 31 mai 2010

À table

Travailler 7 jours sur 7 avec la même équipe, voir les mêmes personnes avec lesquelles l'on vit, crée des liens et nous en apprend beaucoup sur les habitudes alimentaires des gens que l'on côtoie, et sur les siennes, par effet miroir.

Jadis, je pensais que je mangeais n'importe comment, au gré de mes envies sans me restreindre ni contrôler ce qui passait dans mon assiette, et j'étais persuadée de devoir à dame nature un incroyable métabolisme qui parvenait à transformer un régime Chips-Coca en fibres, protéines et autres nutriments nécessaires à une alimentation saine et équilibrée. Car à Paris tout le monde, à part mes colocs 3A de supélec, semblait prêter une attention de chaque instant à la moindre miette ingérée, et être capable de calculer au millième près les calories que compte chaque bouchée de leur menu quotidien. Je me sentais cancre en nutrition, faible face aux plaisirs de la chère, incapable de me refuser trois sucrettes dans dix millilitres de café.


Il m'apparaît de manière limpide aujourd'hui que j'avais complètement tort, et que je dois plutôt ce miracle au fait d'avoir un rétro-contrôle estomac>cerveau plutôt performant (comprendre par là l'information binaire Faim-Plus Faim), ainsi qu'une inclination naturelle pour des produits "relativement" sains.

Pour vous en convaincre, suivons la journée typique d'une quelconque des personnes de mon entourage actuel, de toutes façons ils mangent tous pareil et ça se voit.

6h30 Petit-déj : pain, mortadelle (de poulet ou de porc), deux tranches de fromage fondu. On tapisse le pain de beurre, on fait revenir et on avale. Optionnel : l’œuf frit au centre du sandwich.

9h Goûter : l'empanada rituelle. Il s'agit de pâte feuilletée fourrée avec de la viande hachée ou du poulet et des œufs, le tout frit bien entendu, ou cuit au four pour les versions plus diététiques. Pour passer le tout, compter 30 centilitres de boisson gazeuse au moins.

12h Déjeuner : au choix un gros burger avec supplément fromage et frites, ou un plat plus typique, la bandeja paisa, qui se compose de saucisses frites, œufs frits, haricots rouges bouillis, un quart d'avocat, une portion de riz, une patate douce cuite à l'eau et une banane plantain, frite, est-il besoin de préciser ? Bien sûr la boisson gazeuse est comprise dans le menu, quelle que soit l'option, et fait ici communément 60 centilitres.

16h Goûter : quoi de mieux qu'une glace pour se requinquer, mais attention pas du sorbet de parisien du 4e, non, de la bonne crème glacée parsemée si possible de bouts de gelée verte ou rouge et/ou de chantilly. S'il n'y a pas de glace, un doughnut bien sucré peut aussi faire l'affaire.

20h Dîner : quelque chose de léger, comme du poulet bouilli, seul, pour ne pas s'encombrer non plus. Ou un burger sinon, ou une pizza, pourquoi pas. Et pour les plus téméraires de la bière en grosse quantité.

J'oublie de préciser que sur notre lieu de travail nous avons des boissons gazeuses à volonté. J'oublie aussi de mentionner le temps d'ingestion de nourriture, mais en fait il est suffisamment court pour pouvoir le négliger.

Alors maintenant imaginez qu'on appelle mangeuse d'herbe la seule personne qui met du café dans son sucre le matin...

dimanche 30 mai 2010

Fausse alerte et intermède

Bon ben la partie de pêche est tombée à l'eau, parce qu'il me manquait un papier d'affiliation à la sécu du coin. C'est bête non ? En plus moi on m'avait dit que c'était bon, qu'on m'appellerait pour fixer l'heure du départ et tout. J'ai donc passé la nuit à me réveiller régulièrement chaque demi-heure pour vérifier que mon téléphone était bien là, allumé et chargé, prêt à recevoir les instructions. Elles ne sont jamais arrivées et mon téléphone n'a jamais sonné. J'ai compris que les plans devaient avoir changé quand on m'a raccroché au nez (à l'aurore, qu'espérer de plus ?).
Je vais peut-être pouvoir assister à la suite des événements dès mardi, quand les gens qui ont des horaires de bureau pourront valider mes papiers.

Et puis ce weekend ce sont les élections, enfin le premier tour, alors de toutes façons il y a des restrictions de transport pour éviter de devenir une statistique, donc je n'aurais pu aller au puits qu'à certaines heures décentes, donc finalement, il paraît que je ne perds pas grand chose de cette partie de pêche qui est partie pour durer une bonne dizaine de jours selon les bruits de couloir.

Retour au weekend des élections.
Ici pendant les élections s'applique une interdiction de consommer de l'alcool dans les espaces publics, c'est la ley seca. Alors personne ne sort, même si dans la rue l'on trouve couramment des affiches artisanales promouvant des soirées zanahoria (carotte, ne me demandez pas pourquoi) offrant coca, red-bull et eau plate.

LE meilleur pour la fin, la petite K souhaite une bonne fête à la meilleure maman du monde, qui n'est autre que la sienne, et l'attend en caisse 48 du super-marché.

JE VEUX MA MAMAAAAAAAAAAAN !

samedi 29 mai 2010

Barbecue et cours de pêche

Helli, hello, je rentre du boulot !

En fait je rentre du jardin de la staff house, où nous avons fait un barbecue pour fêter le départ d'un stagiaire et l'arrivée d'un autre. Ça change des tâches quotidiennes, même si j'ai somnolé tout du long... J'ai pu apprécier le guacamole local, fait avec de délicieux avocats locaux (mais alors rien à voir avec les avocats que l'on trouve en France, importés d'Espagne le plus souvent), et jauger les prouesses carnivores des Colombiens. En discutant de cela avec un collègue, il me disait que lui aussi trouvait que ses compatriotes mangeaient bien trop de viande.
"- Moi je fais attention, jamais plus de trois fois...
- par semaine ?
- non par jour !
- ...."
[true story]

J'ai également appris que dans la plupart des pays d'Amérique du Sud, les demoiselles célèbrent leur quinzième printemps à coups de soirée anniversaire en robe de princesse, c'est un genre de rite initiatique pour entrer dans l'âge adulte, un peu comme les Masaï qui doivent tuer un lion à main nue et bouffer son sang pour leur treize ans - dans l'ordre, oui, c'est Kessel qui m'a enseigné ça, non, je n'ai jamais pu finir Le Lion, mais on m'a raconté la fin, et oui, il meurt vers la fin le lion, et oui encore, je vous ai tout spoilé, deal with it. Donc voilà je suis dégoûtée de ne pas avoir eu ma robe de princesse à quinze ans, même si je sais que j'aurais eu l'air d'un guignol à lunettes en robe de bal, l'important c'est la beauté du cœur !

Bon c'est pas tout ça mais au milieu du barbec' on a appris qu'un boulot commencerait demain à l'aube. Et ça veut dire que je vais reprendre du service sur plateforme ! Il s'agit d'un puits injecteur dont on va extraire la "plomberie" pour la changer. Quand tout se passe bien il s'agit juste de quelques (longues) manipulations de machines. Mais la plupart du temps ça ne se passe pas bien, la faute au sol fait de roches sédimentaires du tertiaire, bien sablonneux et dense, qui se met partout dans notre équipement et nous empêche de récupérer les bêtes tranquille. Il faut alors aller à la pêche et récupérer le matos un par un avec des engins adaptés.

Demain donc, je vais à la pêche, j'espère que ça va mordre !

jeudi 27 mai 2010

Après le beau temps...

Ici y a deux saison ici : l'été humide et l'été humide et pluvieux. Je vous ai déjà expliqué pour le premier, aujourd'hui parlons seaux d'eau. Ici quand il pleut, ça rigole pas. Il faut dire qu'avec l'usine à gaz de la taille d'une ville qui travaille jour et nuit, on hérite d'un free-clouds à la cadence des immenses cheminées du machin. Parfois de loin je vois la fumée se fondre littéralement dans la masse nuageuse, imaginez ça, j'assiste à la fabrication des nuages. Bon avec le Moulon on avait la même, sauf que les nuages étaient si bas que le CEA, c'est plutôt du brouillard qu'il fabriquait.

Donc la pluie. On est en plein dans la saison, et il pleut un jour sur deux, mais genre menu XL avec double portion tonnerres, maxi gouttes et supplément foudre. Quand il fait nuit, par la fenêtre ça fait le même effet que quand la télé est allumée chez les voisins et que toute la pièce change de couleur au gré des pubs. Ça c'est le début, quand l'orage est encore loin. Une fois qu'il est là, il est genre au-dessus de l'immeuble. Dans la pièce c'est plus l'effet télé des voisins mais plutôt l'effet paparazzi avec une star dans ton salon, les flashs ne s'arrêtent plus et pourraient t'aveugler si les rideaux n'étaient pas tirés, et on n'a même pas le temps de compter l'intervalle de temps entre l'éclair et le tonnerre tellement des éclairs et des tonnerres y en a en permanence. Et vu le bruit que ça fait, on a aucun doute d'être juste en-dessous.

Vous connaissez ce groupe facebook qui prône le délice d'être sous sa couette en écoutant la pluie dehors. Ici oubliez cette sensation de sécurité. Certes on préfère être sous la couette (enfin sur la couette parce que la température ne dégringole pas pour autant) plutôt que sous la foudre, mais même dans son lit on n'est pas bien sûr d'être épargné. Les chiens pleurent, hurlent, supplient, les voitures elles-mêmes sentent bien le danger et lancent des plaintes gémissantes sous la forme de concerto pour alarmes d'auto. Mais l'orage il s'en fout, il fait la loi.

Et puis quand il a ri un bon coup, qu'il s'est senti tout puissant, il s'en va fanfaronner ailleurs, l'air de rien, et hop en deux temps trois mouvement tout est sec, avec pour seul témoignage du torrent, que dis-je du déluge, deux trois cratères de foudre par-ci par-là, mais rien de plus.

Ou alors parfois il crachote encore quand il est l'heure d'aller au boulot. Les rues sont inondées, et on peut voir des aberrations qui ont le bon goût d'illuminer votre journée...

dimanche 23 mai 2010

Juste pour info

Ça fait plusieurs jours que je n'ai pas donné de nouvelles.

Je ne manque pas de choses à dire pourtant, j'ai pleins d'idées de ce que je pourrais vous raconter, vous faire partager. C'est juste que pour pouvoir se poser et écrire il faut avoir le temps de se poser, et avoir le temps de se retrouver. Souvent pour cela j'écoute de la musique que j'aime, que je découvre la plupart du temps grâce à un blog génial, et je grignote quelque chose de bon et familier, comme des chips (y a pas de pringles ici à Barranca, et ça me manque !) ou des Frosties, quand ils ne sont pas saveur formique ; bref je recrée une ambiance fixée de longue date dans mon inconscient, mon cocon. Et là, seule avec moi-même, je lève l'ancre, largue les amarres et me laisse emporter où mes idées veulent bien me mener, au-delà de l'Atlantique et même de la Méditerranée. Mon âme s'échappe de brefs instants et plus rien d'autre ne compte, et où que je sois, je me surprends chez moi, à entendre au loin le son de la chaîne de radio tunisienne de ma môman, occupée dans la cuisine, et la démarche reconnaissable parmi mille, de mon pôpa dans le couloir.

Il faut dire que j'ai de l'expérience dans le domaine. Plus jeune j'étais grondée parce que j'emportais un livre chaque fois que j'allais rendre visite à certains proches et que ça ne se fait pas de lire alors que les adultes font la conversation, même si c'est le genre de conversations qui vous polluent le cerveau et rendrait la plus innocente des âme complètement parano et/ou hypocondriaque. J'ai donc dû bien malgré moi abandonner ces lectures-sortie-de-secours et apprendre à boucher mes oreilles mes oreilles de l'intérieur et éteindre mon moi-physique pour me concentrer sur mon moi-psychique, et c'est comme ça que j'ai appris à vivre dans ma tête. Personnellement je trouve qu'il y fait super bon vivre. C'est cosy, mais pas design, je ne suis pas une personne design moi, je préfère le confort authentique de me sentir bien chez moi à l'apparat parfois de mauvais goût souvent incommode et toujours éphémère du design. Et ici j'ai appris à exceller dans l'art de vivre dans ma tête. Il faut dire que je suis grandement épaulée dans cette tâche en cela que ma partition interne LV3 espagnol se met en veille automatiquement au bout d'un certain nombre d'heures d'usage, ou lors de surchauffes causées par des conversations trop compliquées. Tu m'étonnes qu'après on me prenne pour une demeurée mi-teubé et mi-cruche...

Bref, ces jours-ci j'étais à l'atelier à m'imprimer une marque de lunettes des plus disgracieuses sur cet appendice que certains appellent nez - c'est ça aussi de travailler à l'air libre à 7 degrés de l'équateur. Du coup le soir j'ai juste envie de me vider l'esprit et de dormir. Pas la meilleure option pour aider le flot d'idées prisonnier de ma cervelle de se libérer, je le conçois. J'écris des bribes par-ci par-là, mais je ne suis pas convaincue, alors j'attends de mûrir mes idées pour vous en faire part, et pour cela j'attends de me retrouver seule avec moi-même car au-delà de la famille, des amis, des pays, et au risque de paraître terriblement égocentrique, je me manque un peu parfois ;)


Allez les gros, lait chaud, rot et dodo ! Et puisque vous insistez, voici à quoi ça ressemble, chez moi. Ah et désolée, j'avais pas rangé ce jour-là...

mercredi 19 mai 2010

La vérité est ailleurs

Vous savez quand je vous disais que la Colombie était un pays safe, bon c'est pas tout à fait vrai quand même, et c'est pas tout à fait faux non plus.

Ce matin comme chaque semaine il y avait une réunion de sécurité à la base - ça fait très Stargate de travailler dans une base je trouve. Et comme les élections approchent (le premier tour est pour le 30 mai), ils nous ont fait un briefing parce qu'il paraît que les guérilleros se lâchent un peu en ce moment.

Donc j'ai appris qu'actuellement il y a 62 séquestrés dans le pays. Comparés aux 200 et des poussières (y picos en V.O.) en 2000, les choses se sont clairement calmées. Mais j'ai aussi eu vent du nombre d'homicides et agressions depuis le début de l'année dans la région, et là j'ai pas été rassurée. Une personne est tuée toutes les 36h environs, et deux personnes sont agressées chaque jour. Quand j'ai entendu passer le mot massacre pour expliquer sept morts en un trimestre dans un des quartiers de la région j'ai été traversée d'un rire nerveux.

Bon je ne suis pas imprudente pour un sou, vous me connaissez n'est-ce pas, je suis plutôt du genre flippée de la vie (si l'épisode du feu d'artifice ne vous en a pas convaincu je ne sais pas quoi faire de plus pour le prouver), mais quand même, pour moi tout ça est complètement irréel je dois vous l'avouer, et entre les moustiques, les fourmis (qui me bouffent mes FROSTIES grrrr) et les chauve-souris, j'ai déjà du mal à suivre, s'il faut que je m'occupe aussi des méchants j'ai bien peur de devoir lâcher du lest sur mes bêtes noires actuelles (au propre comme au figuré), et je sais pas si vous avez déjà goûté de la fourmi, mais c'est ce qui arrive quand on les laisse entrer dans un paquet de Frosties et je peux vous garantir, pour y avoir eu droit, que ça goûte pas bon...

Alors je pense continuer de faire mon petit bout de chemin par ici, et advienne que pourra, pas de drame je l'espère, ce serait un peu triste de finir sa vie en statistique sur un powerpoint de la société. Non ?

mardi 18 mai 2010

Barrancabermeja by night

Il y a une chanson de Radiohead (Fitter Happier) qui exprime exactement le genre de pensées qui me traversent l'esprit tandis que je tente péniblement de trouver le sommeil par les nuits étouffantes barrancabermejoises.

Le premier postulat ici est relatif aux moustiques. Pas le peine de lutter à renforts de pshit ou de citronnelle, le moustique ici est roi, la discussion s'arrête là. Il m'a fallu une douzaine de piqûres pour m'en convaincre. À présent je ne lutte plus.

Pour ce qui est de la température, il y a deux écoles. Pour moi choisir entre ma peau et mes oreilles relève du dilemme chaque soir. Je m'explique. Soit je mets la clim (clim qui s'enclenche par un bouton sur la boi-boite, sans télécommande donc sans accès depuis mon lit) et je passe la nuit à 24oC et avec un réacteur d'avion en bruit de fond ; ou alors j'opte pour la survie de mes oreilles et supporte le combo 35-75-35 ambiant représentant respectivement la température en degrés Celsius, le pourcentage d'humidité de l'air et le bruit en décibels provenant de la clim des autres chambres vu que ma porte reste béante pour ne pas risquer de mourir calcinée.
Oui je vous vois venir, on est loin du 45-98 que j'annonçais presque fièrement avant de débarquer ici. La vérité est que honnêtement, je ne sais pas si à ce niveau là le corps est encore capable de faire la différence, entre très chaud et super humide et super chaud et super super humide..

Bref tout ça pour dire que bien souvent je commence la nuit dans le réacteur d'avion, à combiner des rêves et des réflexions, tout en faisant des calculs de physique bien foireux, le genre de truc horrible où tu es trop conscient pour dormir mais pas assez pour te réveiller et cesser la torture (auditive dans mon cas), le genre de demi-sommeil pesant où tu es vaguement conscient qu'un truc cloche mais t'arrives pas à te concentrer pour mettre le doigt dessus, et tu sens que tu as mal à la tête et tu sautes du coq à l'âne et tu crois comprendre le ligand de l'univers et la clé de l'espace temps mais en fait que dalle. Le genre d'état remarquablement représenté par la chanson à laquelle je faisais allusion plus haut, où tu fais des plans sur la comète parce que tu te crois super puissant mais que tu te réveilles plus fatigué qu'avant de te coucher et incapable de te souvenir de ce qui s'est passé durant ce délire que non je n'appellerai pas sommeil, mais tu sens bien que c'était profond et que tu aurais pu changer la face du monde grâce aux élucubrations que tu t'étais formulées, si seulement tu pouvais te les rappeler. Sí me entienden ?

Au bout de quelques heures de trou noir tel que décrit dans le paragraphe précédent, un instinct de survie me ramène à la réalité du moteur qui me souffle dans les oreilles, et je l'éteins. Là si j'ai de la chance je me rendors vite. Sinon ? Sinon je m'évanouis je pense, comme les chiens qui partout se meurent dans les rues de la ville, au bout d'une durée indéterminable à me tourner dans tous les sens pour ne pas fondre comme du beurre dans un lit poêle à frire (oui je sais c'est librement inspiré pas de moi, mais j'aime la métaphore).

Ainsi sont mes nuits barrancabermejoises, puisse mon témoignage lever le mystère et apporter davantage de lumière sur vos connaissances des contrées lointaines, au-delà des mers, au-delà même des océans et des montagnes.

dimanche 16 mai 2010

Mes madeleines à moi

J'aimerais pouvoir fixer mes souvenirs du passé par écrit, pour en garder une trace plus tangible et durable que l'empreinte qu'il en reste dans ma mémoire, qui me fait penser à ces plages de sable qui sans cesse se voient recouvertes puis ré-assemblées par le remous des vagues et des marées, le flot du temps qui passe.

Mais cette entreprise serait longue et tumultueuse, et son issue demeurerait improbable. Au lieu de cela je préfère marquer mes souvenirs présents du sceau numérique éternel, en prévision de l'avenir, quand ce quotidien ne sera plus que souvenir.

Et quand je peux, j'en profite pour glisser quelques fragments du passé, auxquels je repense intentionnellement, ou d'autres qui surgissent à mon esprit de façon impromptue, comme des éclairs d'une autre vie.
Hier je rentrais chez moi, il faisait beau et chaud, quand j'ai entendu au loin la lambada version midi, genre sonnerie de téléphone portable 1e génération. Cette chanson m'a rappelé les étés chauds de mon enfance, la plage, les vacances en fratrie, chez la famille au bled, la fin des années 80, notre insouciance. Et cette musique en particulier, mono-instrumentale et numérisée a fait ressurgir des tréfonds de ma mémoire l'Isuzu de mon oncle - c'est un modèle de voiture typiquement tunisien, une sorte de camionnette, la sienne était blanche et spacieuse, et il l'avait tunnée de telle sorte qu'elle jouait la lambada quand il enclenchait la marche arrière !

Et avec l'isuzu est remonté à la surface un tourbillon d'images, de voix, de sensations. Les tongs raclant bruyamment le sol de la chaussée lors de nos promenades languissantes dans les chaudes rues estivales de mon enfance, pour passer le temps et acheter des glibets ou une glace granit. Ces longues journées de juillet et d'août, où aller au marché avec mon grand-père dans sa voiture bleue qu'on aurait dit sortie d'un film en noir et blanc et qui était même marquée d'un trou au sol sur la plage arrière de telle sorte que l'on voyait la chaussée, constituait le meilleur passe-temps qui soit, en attendant le week-end pour aller à la plage.
Pour moi toutes ces choses que je ne voyais qu'en Tunisie formaient un monde à part, une vie parallèle que je ne partageais avec personne au retour des vacances, cela dit peut-être étais-je trop jeune à l'époque pour cela, mais aussi par où commencer, tout était tellement différent en Tunisie que j'aurais été incapable d'expliquer à mes camarades de classe, et peut-être eux de la saisir, en quoi consistait cette différence, certains étant d'ailleurs pétris de vagues certitudes inspirées peut-être de quelques réflexions colonialistes de leur entourage, selon lesquelles la Tunisie était une dune de sable où les gens se déplaçaient à dos de chameau et vivaient sous des tentes.

vendredi 14 mai 2010

Tous aux Urnes

2010 est une année d'élections présidentielles en Colombie. C'est aussi une année où l'on sait que le président va changer, car Uribe, le président sortant, ne peut pas se présenter à nouveau car il a déjà fait deux mandats.

Mais qui le remplacera ?

Déjà il faut savoir qu'Uribe, c'est un peu le Messie. Tout le monde l'aime, et beaucoup étaient même favorables à modifier la constitution pour l'autoriser à se présenter à nouveau. Uribe a été élu en 2002 pour la première fois. À l'époque c'était un outsider - apartide si je puis dire, après s'être détaché de son parti d'origine (parti Libéral) - face aux deux gros partis de l'époque, le Parti Conservateur et le Parti Libéral (même schéma qu'au Royaume-Uni), enfin pas vraiment puisque le parti conservateur s'était retiré de la course et l'avait supporté. Il a ensuite créé son propre parti, le Parti de la U, U comme Unité sociale, tout rapprochement avec un personnage existant étant purement fortuite cela va sans dire. Durant ses deux mandats, il a changé la face de la Colombie (dixit les gens avec qui j'en parle), rétablissant la sécurité dans le pays, lâchant l'armée sur les guérilleros et lançant la chasse aux FARCs - la première fois que j'ai vu des avis de recherche à la télé, entre une pub pour du lait et une pour un parc d'attraction, je suis restée bien perplexe d'une part face à ces images et d'autre part face à l'absence de réaction de ma colloc plantée là, à mâchouiller nonchalamment un bout de poulet.

Aujourd'hui c'est son ancien ministre de la défense, Santos, qui se présente pour le parti de la U. C'est un peu la tête pensante d'Uribe, ou plutôt son bras actif, responsable en grande partie du rétablissement de l'ordre ces huit dernières années puisqu'il était alors à la tête de l'armée. Le peuple lui a d'ailleurs déjà montré une preuve de soutien lors des législatives de mars.

Oui mais il y a un mais !

J'ai l'impression que les Colombiens, quand il s'agit de choisir leur souverain, font passer la personnalité politique avant le parti, comme ils l'ont déjà montré aux deux précédentes présidentielles. Et un autre personnage politique a clairement le vent en poupe depuis quelques semaines, il s'agit de l'écologiste Mockus.

Il a tout de l'outsider : coupe des Beatles et lunettes à la Paul Mc Cartney, pas soixante-huitard mais presque puisqu'après avoir passé son bac au lycée français de Bogota en 69, il a poursuivi ses études (maths et philo) en France au début des années 70 et of course il est écolo par-dessus le marché !

Il a quand même un minimum de crédibilité politique, ayant été maire de Bogota un temps. Mais outre ça moi je pensais que c'était juste un vert comme partout dans le monde, un moins de 5% quoi.

Sauf que...

En ce moment ce gars c'est un peu le phénomène de mode local. Je croyais que c'était juste une tendance au sein de la boîte, parce que mes collègues locaux sont des jeunes issus de milieux favorisés, genre bobo qui travaillent dans le pétrole mais votent vert (c'est super cynique ce que je dis là, note pour plus tard : regarder ma conscience dans le blanc des yeux et faire le point). Mais là je commence à voir des affiches de gens qui le supportent un peu partout, et même ici à Barrancabermeja, la capitale du pétrole, la seule ville au monde où y a plus de motos que de piétons.

Il faut dire que l'affiche en question est vraiment réussie et qu'elle ferait un malheur dans les milieux branchés parisiens. Ici les commerçants la placardent sur leur porte, pour afficher leurs idées, propager la mode ou décorer leur devanture, je ne sais pas trop.

Et je me dis aussi qu'Ingrid doit sérieusement se bouffer les doigts. À huit ans près elle aurait fait campagne dans un pays prêt à passer au vert. À huit ans près elle aurait fait campagne dans un pays où l'on ne kidnappe plus aussi facilement les étrangers. À huit ans près elle n'aurait pas moisi six ans dans la jungle...Tiens je me demande aussi : pour qui va-t-elle bien pouvoir voter ? hehe !

jeudi 13 mai 2010

Il était une fois...

Cette histoire commence aux aurores, comme (bien trop) souvent depuis quelque temps pour moi. Réveil avec les poules pour aller à une formation chez notre client, Ecopetrol. Cette formation est une condition sine qua non pour aller sur le terrain et ça fait quinze jours que je l'attendais !

Ecopetrol, j'ai déjà dû vous le dire, possède tous les puits des environs et la raffinerie de pétrole de la ville, celle dont la superficie représente la moitié de Barrancabermeja, et qui fournit 60% de la consommation pétrolière du pays, soit pas des masses, selon les dires de celui qui m'expliquait cela ce matin sur le chemin, mais que je ne peux me résoudre à croire en y repensant ce soir !

Les bureaux où nous nous rendions se trouvent à Casabe, à une petite heure de route d'ici dans un camp qui a été construit il y a plus de trente ans, à l'époque où Shell gérait la production locale.

[Digression]

Je pense à un truc là. Quand on dit camp, on pense instinctivement (en tous cas moi au passé) à quelque chose de provisoire et insalubre, genre ça :


Mais dans ce contexte, précisons que le camp a été construit par des Hollandais dans les Sixties. Le résultat est pas mal ma foi : un immense terrain où se côtoient chênes, manguiers et palmiers, avec quelques résidences éparpillées. Je regrette de ne pas avoir emporté mon appareil photo, mais pour vous donner une idée, ça m'a fait beaucoup penser aux décors de Jurassic Park, les camionnettes n'y sont peut-être pas pour rien !



[Fin de la digression]

Le camp s'appelle El Centro, ce qui est marrant quand on sait que le logo d'Ecopetrol met en scène un iguane qui ressemble assez à un caméléon... Mais pour la petite histoire, le camp s'appelle ainsi car il se situe pile à équidistance entre deux grosses zones de production. Je préfère quant à moi croire que je vais y croiser Miss Parker un de ces jours en train de pister Jarod.


Bon maintenant que j'ai planté le décor et la situation initiale de mon histoire, je réalise que le reste est beaucoup plus banal. En gros c'est moi à une journée de formation. Plus de détails ? C'est pas compliqué, à chaque fois que je suis dans une salle avec plus de trente autres personnes, qu'il y a un rétroprojecteur impliqué et qu'on baisse la lumière, je pique du nez. Ajoutez à cela que je suis narco-chronique, narco comme dans narcolepsie et chronique comme dans quelques jours tous les mois, et vous aurez une image nette de mon diagnostic.
C'est comme ça que je n'ai jamais été plus loin que l'intro de l'amphi Indispensable des Dangers de l'électricité lors de ma première semaine à Supélec, comme ça que j'ai manqué quasi toute la réunion de sécurité mega importante à l'échelle du continent de la semaine dernière, et comme ça que ce matin je me suis fait largement choper par une grosse pointure d'Ecopetrol qui expliquait qu'on attendait de nous de ne pas être passifs à cette formation.

lundi 10 mai 2010

Histoire de surnoms

Vous connaissez l'angoisse de passer un oral quand vous savez que vous passez derrière une tête ? J'ai toute une théorie à ce sujet, pleine d'analogies avec des bascules à mémoire, et d'autres trucs d'automaticien, mais ce n'est pas le propos du jour. Revenons à l'angoisse en elle-même, celle de passer pour plus raté qu'on ne l'est, juste par comparaison.
C'est un peu l'impression que j'ai alors que j'écris ce post. Pour le dernier je me sentais inspirée, c'était profond, émouvant, larmoyant. Du coup c'est obligé, à côté, ce post paraîtra une crotte de pigeon - voilà, le ton est donné !

J'ai remarqué souvent sans le noter jamais - mais zut même quand je me lance dans des chiasmes, je sens qu'on perd l'asme bien vite pour ne garder que le reste. Bon je vais plutôt me contenter de me maintenir au ras des pâquerettes et éviter de vouloir philosopher ce soir !

Alors parlons de choses de la vie courante.

Ici en Colombie, les gens se donnent des surnoms. Alors certes il y a les abréviations communes basées sur le prénom, ça tout le monde connaît.

Mais il y a aussi, et c'est l'objet de ce post, des surnoms plus génériques, qui reprennent le plus souvent une caractéristique de l'individu surnommé, et pas toujours des plus flatteuses. Ici par exemple un collègue un peu rond m'a dit la première fois que je l'ai rencontré :
"- Tu peux m'appeler le gros ! [el gordo]
- euh mais pourquoi ? (l'air bien naïf limite, "quiii me parle ??") je vais pas t'appeler comme ça....
- Oh mais tout le monde m'appelle comme ça, ou petit gros si tu préfères ! [gordito] "

Par tout le monde, il entendait tous les collègues, DU BOULOT !
Là j'ai pas réagi. Je ne me suis pas non plus mise à l'appeler comme ça pour autant. J'ai juste attendu que toutes les données éparpillées remontent à mon cerveau, pour qu'il fasse la corrélation entre tous ces sobriquets que j'avais déjà entendus auparavant.

Il y avait eu jusque là el negro (pas besoin de traduire je suppose), cucho et flaco, avec bien souvent l'option encore plus diminutive de souder le suffixe "ito" en fin de mot, ce qui se traduirait en français par l'ajout du suffixe "et(te)".

Et c'est là que j'ai fini par comprendre que ce qui m'apparaissait comme un manque de tact, voire une vacherie, n'était qu'une vue différente de l'esprit. En Europe (oui, en Tunisie on est déjà vachement plus colombiens sur ce point), on ne parle pas de ces choses-là, qui pourraient gêner et froisser, ça ne se fait pas. Si bien que ce tabou sur les tares - disons plutôt traits non conventionnels, pour rester européennement politiquement corrects - de chacun ne fait que les amplifier aux yeux de l'heureux "taré". Peut-être que si l'on arrêtait de se taire et qu'on disait les choses comme elles sont, grosses, laides, mal-formées et repoussantes, chacun vivrait plus heureux ?

Bref les boudinous, tout ça pour dire : vous ne vous vexerez plus dorénavant quand je vous appellerai comme ça j'espère !

N.B. : je tiens à clarifier la situation, je continue de faire la grève des sobriquets hein, pas de méprise...

samedi 8 mai 2010

Un an déjà - séquence lyrique

Wouah on oublie parfois à quel point le temps passe vite !

Il y a un an je venais de ré-emménager à Paris, et pas n'importe où, dans le quartier de ma prépa, pour éviter l'inconfort du dépaysement, après deux ans et demi passés sous la grisaille du Moulon.
Je me souviens comme si c'était hier de cet épisode de déménagement. En moins d'une semaine j'avais visité le studio, signé le contrat, fait des millions de cartons et emménagé sur le boulevard, le premier mai. Bien sûr on avait mis deux heures à faire les 30km séparant Paris du Moulon, et 1h du périph au centre, puis on était restés bloqués à Montparnasse car toutes les grandes artères étaient fermées : les Français et leur bon goût de faire grève même le jour de la fête du travail ! Malgré tout il faisait bon vivre ce jour-là, et tous les embouteillages du monde ne m'auraient pas empêchée de savourer cette première journée de soleil en tant que riveraine, depuis bien longtemps !

Quand vers 20h les Parisiens sont allés boire un coup, on a pu se garer sur l'une des plus belles places du monde, et transporter les cartons vers mon cagibi. Et là, pour marquer l'occasion, j'avais été accueillie par une coupure de courant dans tout le pâté de maison (je n'avais jamais connu ça en France), jusqu'au Quick de la rue Soufflot ! Un déménagement aux chandelles, difficile de faire plus romantique pour ma première soirée en compagnie de Paris !

Ahlala la place de la Sorbonne...

Souvent le samedi je me faisais réveiller par des slogans scandés par les manifestants en tout genre, des doux rêveurs luttant contre la faim dans le monde, aux extrémistes verts voulant interdire la consommation de viande animale. Puis je descendais, et en ouvrant la porte cochère vert olive, j'avais toujours ce petit frisson en me demandant s'il pleuvait ou si c'était la fontaine qui se jouait de moi, au début elle était très taquine, mais l'hiver l'a vite rattrapée... Puis je disais bonjour à la serveuse du resto d'en-bas, bien en chair et souriante, Rosalie, car elle doit forcément s'appeler Rosalie tellement elle me fait penser à celle de Maupassant. Ah le resto d'en bas, au nom que je n'ai jamais retenu, Les Patios je pense mais je ne suis pas sûre ; ses frites et ses hamburgers... Je n'ai jamais goûté autre chose que ses frites et ses hamburgers, mais ses tartares avaient l'air bien tentants aussi, c'est juste que la viande crue c'est moins mon truc. Puis la journée commençait. Promenade au Luco ? Courses au monop ? séance de ciné ? tout était à portée de gambettes et chaque jour apportait son lot de découvertes. Combien de séances ciné surprise, combien de rencontres fortuites au détour d'une rue ou dans un bus bondé, combien de kilomètres parcourus à pieds. Où que j'allasse - dieu que c'est moche la concordance des temps parfois, Paris m'appartenait, et je m'y sentais en confiance, et en sécurité, car je savais qu'au bout de la journée un petit foyer confortable m'attendait, au boulevard de mes souvenirs, au trois bis de la place de mes désirs.

jeudi 6 mai 2010

On nous écrit de Barranca

Je suis toujours vivante, gracias a Dios comme on dit par ici, et même que vous savez quoi ? je dois être maso parce que je commence à bien me plaire ici. Une fois qu'on s'acclimate aux moustiques, à la chaleur, aux iguanes, à l'humidité, ben c'est tout de suite plus facile !


Une mise à jour s'impose.

Ici je dois repartir de zéro question tâches ingrates, ce qui veut dire retour aux séances de lavage intensif d'outils ! Quand j'ai vu la taille des outils, des valves d'injection d'eau de 60 cm de long et 6 cm de diamètre, j'ai souri. On les lave dans un produit tout blanc qui sent fort comme la lessive, avec un nom bizarre en -ol, et dont on m'a dit, quand j'ai demandé aux stagiaires s'il était safe niveau santé, qu'il l'était jusque preuve du contraire et qu'en plus il faisait super bien dormir la nuit... Puis j'ai commencé ma besogne, gantée de latex et vêtue de mon PPE (protection personal equipment, comprendre par là coverall, bottes de sécurité, casque et tout le tintouin), au milieu de l'atelier situé en plein air, dans la ville la plus chaude de tout le pays, rappelons-le.
Au bout de 3 valves, j'ai commencé à avoir des fourmis dans les pieds, à avoir les mains qui étouffaient de l'intérieur et la tête qui bouillait. Puis suivirent 38 autres valves, quarante-six insolations, treize brûlures sévères et quatre évanouissements causés par autant de violentes intoxications au lessivol. Jusque là ça allait.
Mais voici quand le supplice a commencé : quand j'ai dû remplir cette tâche en voyant imposer à mes précieuses oreilles habituées à de doux sons folk et mielleux, du vallenato (et honnêtement celle-ci c'est loin d'être la pire), style musical gros gras et moche, comparable à Félicien du Loft Feat. Les Musclés, qui pousseraient la chansonette sur un mix de Big Bisou et du Petit Bonhomme, avec MarcEL* Azolla jouant des accords du haut de ses 107 ans.

Mais j'ai survécu, et mes oreilles aussi, tant bien que mal.

Ah et sinon je m'interroge en ce moment sur la probabilité de rencontrer des gens qu'on connaît ici, dans la seule ville du monde où y a de la buée quand on prend sa douche bien qu'il n'y ait qu'un bouton d'eau froide.
Parce que prenons aujourd'hui par exemple. Je lavais ma 6e valve de la journée quand je vois s'approcher un ami qui de Bogota, qui bosse aux ressources humaines et que j'avais rencontré à Rio. Facile vous pensez. Ok. Moins d'une heure plus tard je suis tombée sur une autre personne que je connaissais de Bogota, ici quant à lui pour quelques semaines...

Ah et puis aussi y a "l'autre" Frenchy de la base : un vrai Français (lui), qui est aussi tech& field et qui a mon âge et a fait prépa et tout ! Bon j'avoue, lui, je ne le connaissais pas avant, mais on a quand même passé 2 ans sur le même plateau, et de savoir qu'ici, dans la seule ville du monde où y a autant de parcs d'attractions que d'hypermarchés, vit quelqu'un qui partage les mêmes souvenirs brumeux du Moulon pluvieux et du Big Tasty intemporel du Mc Do gris de Gif, ça m'émeut !
On n'a pas encore eu le temps de papotailler parce qu'on a pas mal d'autres choses à faire, mais c'est sur ma To-Do List, tout comme laver 56 autres valves prochainement et envoyer près de 114 mails.

Sur ce pioupiou les pilous, pleins de poutous
(je passe par une zone de pipapopou là tout de suite, veuillez attacher vos ceintures et rester à vos places).

lundi 3 mai 2010

À nous deux maintenant !

J'ai bien fait de partir avec des a priori négatifs sur Barranca, car tous les jours je me plais davantage ! Et j'ai eu de la chance aussi de vivre deux mois à Bogotá avant, je pense qu'arriver ici directement et sans transition aurait été très déprimant.

À présent je commence à me faire à l'idée que BB sera mon nouveau chez moi, tout du moins jusque ma school je pense - ce qui fait deux mois quand même !

Mon organisme s'habitue peu à peu à la chaleur ambiante, même s'il reste très pénible de travailler à l'atelier dans ces conditions. Ici au moins les horaires sont plus cléments : on travaille de 7h à 17h avec deux heures de pause le midi. Je m'habitue également à l'appart, et ai découvert qu'il y avait des ventilateurs dans les pièces sans clim', ce qui m'évite de suffoquer en tapant ce message, même si de manière générale je supporte assez bien la chaleur grâce à des dizaines d'étés caniculaires tunisiens de pratique !

Et je suis également contente d'apprendre de nouvelles techniques au boulot, de découvrir le projet sur lequel on travaille ici : de l'injection d'eau par le biais de puits annexes pour booster le rendement du puits de production. Il y a environs cinq puits d'injection par puits de production. Je n'ai pas encore été sur le terrain, mais ici il n'y aura vraisemblablement pas de containers, car les puits sont à une demi-heure de la base. On y fait des rotations de six à huit heures, ce qui garantit des pauses sommeil régulières.

Voilà j'ai aussi appris que les autres personnes ici (tous sauf les stagiaires) travaillaient en rotation : 3 semaines de suite puis une semaine de congé (une rotation 3x1 dans notre jargon). Je ne sais pas si je suis moi-même éligible, du fait que je suis trainee et en régime international, mais je compte bien me renseigner auprès de ma nouvelle manager ! Ah autre nouvelle, le coefficient géographique ici est plus élevé et je verrai donc mon salaire augmenter de 20% supplémentaires, ce qui n'est pas de refus, surtout si j'ai droit à une rotation !!

J'ai pas eu vraiment le temps de prendre de photos, car quand je suis dehors j'essaie d'aller vite pour pas me transformer en hot-dog vivant, mais voici quand même le Rio Magdalena, énorme fleuve sur lequel la ville est située, vu du ciel. Ça donne une idée de mon nouvel environnement, et je suis prête à l'affronter !

samedi 1 mai 2010

Frayeurs et idées reçues

Première journée à Barrancabermeja, la ville où les taxis n'ont pas de compteur et te font payer la course au pifomètre.

Aujourd'hui, j'ai eu chaud, très chaud, comme un 6 août à Tunis. Sauf qu'à Tunis en été y a un truc sympa dont devraient s'inspirer les locaux, qui s'appelle la séance-unique : les gens au lieu de travailler toute la journée, condensent leurs horaires pour faire du 7h-14h sans pause. Ben ici c'est pareil sauf que pas du tout en fait.

À la pause déjeuner, je suis allée avec mes nouveaux collègues (des pitits stagiaires qui, car ils sont ici depuis janvier, essaient de me traiter comme leur trainee, les pauvres ils ne me connaissent pas encore) déjeuner. Tout le monde dans la rue était en coverall, de toutes les couleurs, y en avait de toutes les couleurs. Nous on était en fringues normales parce qu'on nous demande de garder low profile, eh ben c'était raté !

Ah oui je vous l'ai peut-être pas encore dit, mais Barrancabermeja, c'est la capitale colombienne du pétrole, il en est le coeur des activités - en même temps il faudrait être cinglé pour vouloir fonder une ville ici sans un réel motif tel que l'or noir.

La ville est donc formée autour des puits locaux, tous appartenant à Ecopetrol, l'équivalent colombien de Total. Il y a même une raffinerie de la taille d'une ville. Je n'ai pas vu à quoi ça ressemblait de près, mais de loin oh que c'est moche. Ça ressemble aux décors des films contre-utopiques genre ville barricadée avec des miradors et des flambeaux...

Mais venons-en au film d'horreur de ce soir !
Ce soir j'étais dans le salon occupée à regarder un docu sur le net (le fameux Infiltrés - À droite du père). Autant dire que j'étais préparée mentalement à voir le mal partout, rapport à ces néo-nazis-catho-tradis, quand une ombre noire surgit au plafond. Je m'affole, le truc aussi, il fonce au sol et se met à ramper en direction des chambres à coucher. C'était une espèce de croisement hybride entre un papillon radioactif comme ceux de Yopal et une grenouille, genre amphibien noir rampant aux bras palmés pouvant voler.......
Bien sûr aucune envie d'aller voir à quoi ressemblait le monstre, je suis donc restée prostrée sur le canapé à mater des racistes apprendre à tabasser du beur, le truc super réconfortant en de telles circonstances...

Puis j'entends comme un coup de fusil dehors. Un deuxième. Un troisième. Puis un son qui ressemble à une explosion. J'essaie de garder mon calme et me dis qu'il y a forcément une explication rationnelle, genre y a un puits de pétrole pas loin et il est en train d'être perforé, même si je suis quasi sûre que ce genre d'explosions ne fait aucun bruit à la surface (on se rassure comme on peut dans ces moments-là). Sauf que pendant que je réfléchis à ça, les bruits continuent, de manière régulière, comme si des kalachnikovs attaquaient puis des bombes répondaient aux assauts. Ça dure cinq bonnes minutes pendant lesquelles je me dis que si je fais comme si tout ça n'existait pas, eh ben peut-être que ça disparaitrait, [mode hyper gore : on] un peu comme les gens qui palpent leurs kystes-proche-de-la-métastase et vont toujours pas consulter et je suis sûre que la même chose m'arrivera un jour [mode hyper gore : off]. Et là, je me mets à entendre au loin des gens crier, genre CRIER, et me convaincs que le bruit vient d'une autre direction que celles des détonations. L'angoisse commence à me gagner néanmoins, même si j'ose pas aller voir ma colloc pour ne pas lui faire peur et surtout parce qu'il y a un gremlin dans le couloir qui nous sépare. Je me mets à penser au pire. Peut-être que la guérilla a repris. Et au meilleur. Aucune chance que je reste dans un climat de guerre, youpie Bogota me voilà.

C'est à ce moment que ma colloc est sortie de sa chambre, l'air patraque. Les explosions continuaient et leur cadence s'était même accélérée. KESKECEEEEE je demande affolée. Elle baragouine, l'air blasé, un truc que je comprends pas, puis ouvre la porte d'entrée qui donne sur un escalier en plein air. Je la suis, accrochée à ses fringues, limite planquée derrière son dos. Je commence à voir de la fumée. Puis des étincelles. #quandjaicompris
Ah. Non. Oups. Honte sur moi.
C'était un feu d'artifice. Un super long feu d'artifice genre 14 juillet. Et je l'ai manqué par couardise. Oui parce que bien sûr ça faisait déjà 10 minutes qu'il avait commencé. Les dix minutes de mon agonie, qui m'avaient semblé dix ans.

On rentre à l'intérieur, et je lui demande pour le bruit des gens qui crient. Ahhh répond-elle en souriant de toutes ses dents et en ouvrant le rideau du salon. La fenêtre donnait sur un parc d'attraction. Ben voyons. Honte (bis repetita)

Tant qu'à m'enfoncer, j'ai pris une pelle et ai creusé, en parlant du monstre qui s'était engouffré dans le couloir.
- Oh la chauve-souris ?
- Non, le monstre je te dis, une chauve-souris ça rampe pas, ça a pas les bras palmés, c'est pas noir et gluant, et ça voo. ..... Euhhh en fait ouais c'était peut-être une chauve-souris.

On ne l'a jamais su, elle a réussi à se barrer d'ici, et maintenant il faut que je sache comment pour m'enfuir à mon tour !

En prime une photo de la vue du salon, avec sur la gauche le parc d'attraction et sur la droite une partie de la raffinerie de nuit (toutes les lumières autres que la tour et la grande roue du parc).