"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

vendredi 30 avril 2010

New start

Je suis arrivée hier vers 17h20 à Barrancabermeja, la ville de tous les superlatifs, après avoir bossé à la base de Bogota toute la matinée. Sur place, on m'a menée directement à la base locale.

Ma journée de boulot s'est achevée à 21h, puis j'ai découvert mon nouveau chez moi, et croyez moi si toute l'humidité de mon corps n'avait pas déjà été évacuée via mes glandes sudoripares, mes yeux auraient été abondamment irrigués, longtemps.

La ville me fait beaucoup penser aux villes balnéaires paumées de Tunisie, en plein mois d'août. Il y fait chaud, ici il fait super humide en plus. Et puis il fait chaud. Et les maisons sont vaguement vides, mais on s'en fout en Tunisie, ce sont des maisons de vacances et on passe le plus clair de son temps à la plage. Ici c'est pareil, sauf que je ne suis ni en vacances ni à la plage.

Je suis en colloc avec deux demoiselles. Étant la dernière arrivée j'ai donc la chambre pourrie, sans salle de bain, sans réelle armoire, sans vrais matelas (c.f. le paragraphe où je parle des maisons de vacance en Tunisie). Y a la clim dans les chambres, c'est toujours ça. Mais juste dans les chambres. Ah et y a pas de wifi et le modem est dans le salon, donc il faut choisir entre confort ou internet.


Voilà. Pour vous donner une idée de la chaleur qu'il fait, les chiens passent leur vie occupés à mourir au sol. Ah et le plus marrant dans tout ça, c'est le travail à la base : notre atelier est en plein air ! Bref faut que je file, j'ai sauna cet aprem...

Bientôt des photos, mais pour le moment je boycotte ma vie.

jeudi 29 avril 2010

Barrancabermeja - Un nom de rêve pour une ville de rêve

Ça y est : l'épée de Damoclès qui pesait sur ma nuque s'est abattue dessus, explosant ma jugulaire sans crier gare.

Je savais que dans ce métier il fallait être mobile et s'attendre à bouger à tout moment. Je savais aussi qu'une autre location me pendait au nez depuis mon arrivée à Bogota, je vous en avais déjà parlé, Barranca (le nickname de la ville au nom le plus pourri du monde), ce petit patelin où il fait 45oC et 98% d'humidité, toute l'année.

Eh ben demain c'est le départ. Je l'ai appris aujourd'hui à 17h30. Ça fait plaisir ! Donc là je fais mes valises, ça fait plaisir ça aussi. Bientôt les photos de la ville au climat le plus pourri du monde, et en attendant, un cri de détresse que j'avais vu ici en ville..

mercredi 28 avril 2010

Les clones

Vous avez déjà eu cette impression, de revivre un moment déjà vécu ? Je suppose que oui, et personnellement je ne suis pas convaincue de l'explication scientifique répandue selon laquelle notre cerveau analyse l'image avant le reste ou je ne sais quoi.

Mais je ne suis pas vraiment là pour parler de ça, mais d'un phénomène similaire : avoir l'impression de déjà connaître quelqu'un qu'on vient à peine de rencontrer. En gros tu débarques quelque part, tu rencontres quelqu'un, et pour une raison obscure d'abord, cette personne te dit quelque chose et t'est étrangement familière ! J'ai connu cette impression pour la première fois en arrivant en France je crois. Y avait des gens qui m'étaient plus familiers que d'autres. Je ne les appréciais pas particulièrement davantage, c'était juste un fait, j'avais l'impression de les connaître et j'avais comme des automatismes comportementaux en leur présence.

Au bout d'un moment j'ai compris qu'en fait ces individus me faisaient penser à d'autres personnes (de Tunisie à l'époque) que je connaissais déjà, et que mon instinct reconnaissait cet étranger comme une personne familière avant que mon cerveau ne réalise que c'était parce qu'il me faisait penser à un ami. Je sais pas si c'est très clair.

L'essentiel c'est que depuis que j'ai réalisé ce truc, je me suis mise à reconnaître des clones en chacun. Parfois un grain de beauté peut suffire à susciter cet effet, même si le plus souvent c'est de clonage de caractère qu'il s'agit. Je ne parle pas de figures de littérature classique : le lèche-bottes, la belle gosse tout ça, mais bien de personnes ayant réellement existé dans ma vie : wouah Jojaiver me fait quand même drôlement penser à Yves-Pierrick (cherchez pas, ces prénoms sont purement le fruit de mon imagination, parce que déjà vous imaginez quand même pas que des gens avec des noms pareils pourraient être mes amis, no offense à tous les Jojaiver et Yves-Pierrick du monde). C'est encore plus fou quand la ressemblance est physique ou comportementale, et j'ai rencontré ici quelqu'un qui ressemblait comme un frère à un ami décédé, et ça ça fait vraiment bizarre...

Enfin bref je me demande si plus on grandit et plus on compartimente les gens dans ces boîtes d'équivalence. Est-ce la mort de la spontanéité et de la découverte et sommes nous voués à rencontrer sans cesse les mêmes personnes ? Bah oui parce que si je rencontre une personne qui me rappelle quelqu'un que j'aimais pas, je n'irai sans doute pas vers lui, et inversement proportionnel. Ou peut-être sommes-nous simplement plus à même en grandissant de se rendre compte de notre réseau de neurones (au sens scientifique du terme, cette espèce de boîte noire qui apprend des expériences), et que c'est simplement comme ça que le cerveau fonctionne, en essayant toujours de se raccrocher à quelque chose qu'il connaît pour ne pas être dans un environnement totalement neuf et hostile.

Enfin bref, je m'interroge quoi...

mardi 27 avril 2010

Faits Divers

En en parlant avec un ami, je me suis rendue compte que j'avais omis un trait local particulier, le journal télévisé !

Un gars, une fille, qui auraient tout à fait leur place dans La Belle et la Bête. Un plateau télé bleu ou rouge avec pleins d'écrans dans le fond. Et des news trash.

Voilà la formule gagnante pour un JT colombien à succès. Ici le 13h (qui commence à midi) est une institution à ne pas rater à la pause déjeuner. Il dure une bonne heure entrecoupée de pauses pubs toutes les 5 minutes.

Pour ce qui est des news, là aussi il existe une recette miracle : une célébrité, du sang, des morts. C'est le sésame pour captiver l'attention des téléspectateurs en train de déglutir leur bandeja paisa. Et ça marche ! Au début je ne comprenais pas grand chose et me contentais de regarder nonchalamment les images de feu, de flammes, de violence et de policiers qui courent, tout autant de clichés que la crise des banlieues de 2005 m'a appris à démystifier et à relativiser. Mais à présent, je comprends même ce que les présentateurs racontent.

On a eu droit à une explosion urbaine dans le nord du pays. Le lendemain, deux hélicos se sont rentrés dedans. En fait y en avait un où voyageait un général important du pays, alors pour assurer sa protection, y en avait un autre qui était en rotation autour du premier. Ça doit être super coton de diriger un hélico sur une trajectoire hélicoïdale. Visiblement oui vu le désastre qui en a résulté. Ironie quand tu nous tiens...

Puis quelques jours plus tard, une starlette locale s'est jetée du 6e étage - comprendre le 5e étage puisque la Colombie a ce fâcheux défaut de compter le rez-de-chaussée comme 1er étage. Tout le monde en a discuté, pour essayer de comprendre ce geste auquel personne ne s'attendait. Un chauffeur de taxi m'a dit qu'elle avait tout pour elle, belle, riche, connue. Une dame de la cantine a ajouté qu'on ne sait jamais ce qui se passe vraiment dans la tête des gens, qu'on ne connaît jamais leurs vrais problèmes. Et puis d'autres ont émis la théorie du meurtre, qu'il faudrait mesurer l'écart de son corps au mur pour analyser convenablement si elle s'est jetée ou si on l'a poussée. Mais elle était chez ses parents, comment a-t-elle pu faire une chose pareille. Silence embarrassé de l'assemblée, perplexe et visiblement sous le choc. Moi je dis rien, pour faire comme si ça m'émouvait. Remarque ça marche très bien.

Un autre truc qui marche très bien quand on ne dit rien, c'est passer pour une abrutie. Alors là croyez-moi que ça marche. En vrai moi je dis rien parce que soit je comprends pas ce qui se passe, ou alors je suis incapable d'élaborer une argumentation en espagnol en deux tiers de secondes dans ma tête. Parce que souvent ce genre de mutisme m'envahit quand quelqu'un me reproche quelque chose et que je dois répondre par un truc pas standard, car heureusement s'il s'agit juste d'une question fermée, j'arrive à peu près à formuler une réponse satisfaisante. Bref toujours est-il qu'alors qu'en français je pourrais non seulement lui répondre mais aussi à loisir l'émouvoir ou le faire pleurer des larmes (ou du sang), eh bien pas en espagnol. Enfin pas encore. Alors je dis rien et me ronge le frein en imaginant des scènes de meurtre qui passeraient bien au JT local, à coup de crayon-Nikita judicieusement enfoncés dans divers organes du corps, ou carrément à renfort de tuyau métallique pulvérisé sur la tronche.

En attendant, je passe juste pour une débile.

lundi 26 avril 2010

Yo soy Tunesina

C'est toujours bien marrant d'écouter les réactions des gens ici quand je leur dis que je viens de Tunisie. D'abord y a comme un blanc, qui veut clairement dire que la personne n'a aucune idée d'où ça se trouve. Alors je complète en disant que c'est en Afrique du Nord. Et là c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres. J'ai eu droit à une montagne d'idioties, de l'ordre de celles qu'on m'avait servies quand j'avais annoncé que je partais en Colombie !

Figurez-vous que dans l'imaginaire local, l'Afrique est un pays, qu'il y fait chaud, genre très chaud partout, un désert de sable, et que la population y est noire. Aucune idée de la langue qu'on peut bien y parler. Pour ce qui est de la religion, il y a une vague conscience du mot islam, grâce au 11 septembre sans doute, mais un flou total concernant le concept général - Vous fêtez Noël quand même ? Mais si vous buvez pas d'alcool, comment vous pouvez faire la fête ?



Ah oui, j'allais oublier le plus important !
Avant de demander d'où je viens et où j'ai appris l'espagnol, il y a une question prioritaire, quelque soit l'interlocuteur. C'est la première question qu'on te pose ici, avant comment ça va, ou toute forme de salamalec. Cette question c'est "Tienes hijo ?" [Tu as un enfant ?].

La première fois que la question m'a été balancée à la gueule telle un couperet bien aiguisé, heureusement j'étais face à une demoiselle sinon le réflexe pavlovien de la gifle aurait été enclenché à l'insu de mon plein gré. Là, ma seule réaction a été interne quand l'information a eu fini de remonter à mon cerveau, d'être traduite et analysée : Euhh j'ai une gueule à avoir un rejeton ? Dis tout de suite que j'ai l'air d'avoir 35 ans ce sera limite moins insultant ! pendant que je répondais hinhin non !!! hinhin pourquoi ?!!

Alors en fait cette première fois qu'on m'a posé cette question, j'ai eu bien fait d'être prudente, parce qu'il s'est révélé que mon interlocutrice, elle, en avait un, de rejeton. Parce que oui, ce que j'ai mis un peu de temps à comprendre, c'est qu'ici à 23 ans, marié ou pas, tout le monde est parent. C'est la norme, si j'ai bien compris. Et c'est juste une forme de politesse que de demander si t'as des enfants, un peu comme c'est le cas par nos contrées quelques dix ans plus tard.

dimanche 25 avril 2010

Bogota pour les Nuls, la suite

Ça fait longtemps que je repousse le moment de vous divulguer plus de détails sur la vie courante dans cette ville. Stop à la procrastination, j'ai enfin pris la photo qu'il me manquait pour illustrer mon chapitre 5, alors continuons si vous le voulez bien !

(suite de ce post)
Chapitre 5 - El Punto Rojo
C'est le nom du point vente en face de notre base. Il s'agit d'un étal comme on en voit partout en ville, qui te vend tout ce que tu peux désirer acheter, et davantage encore. La singularité de Punto Rojo réside en le fait que c'est un étal-voiture intégrée. Il y a plusieurs glacières sur les sièges arrières (boissons, yaourts, glaces) et des produits diététiques au possible allant du chewing-gum à l'empanada (sorte de pâté local) présentés dans le coffre, sans oublier les minutos, plus communément connues sous le nom de recharges téléphoniques en France ! La propriétaire des lieux sait allier sens des affaires et communication, elle tient ses comptes, fait crédit consciencieusement et gère ses stocks en vraie Pérette - buisiness woman ! Retenez bien son visage, un jour elle possèdera la moitié de la planète, je vous le garantis !


Chapitre 6 - Le vernis à ongles
Les Colombiennes raffolent de cet accessoire de mode [mode gore : on] qui sert aussi de cache-misère aux demoiselles qui comme moi travaillent quotidiennement au contact de graisse mécanique qui a le don de s'infiltrer partout [mode gore : off], et ont le choix entre un vaste éventail de marques et couleurs. La marque locale par excellence est masglo. Ce produit est une prouesse technologique, solide comme j'ai jamais vu, dans des couleurs vraiment innovantes.
Mais ceci reste anecdotique, et je suis sûre que peu d'entre vous s'intéressent à la qualité des vernis à ongles locaux, alors venons-en au Fait ! Le vrai truc surprenant c'est qu'ici les hommes aussi mettent du vernis. Si si, je ne vous mens pas ! Transparent, ok, mais du vernis quand même ! La première fois que j'ai vu ça, j'ai cru à l'hallucination visuelle. Puis ça s'est reproduit : j'ai pensé que la personne était un original. Mais bon ça a continué de se reproduire jusqu'à ce que je ne puisse plus nier l'évidence. Le constat s'impose : ici le vernis est mixte. Et la prochaine fois qu'on me dira que les Français sont efféminés, et Dieu sait que ça arrive régulièrement, sous prétexte qu'ils sont frêles et portent une frange (mais que rétorquer à ce genre d'observations qui sautent aux yeux de quiconque s'est déjà promené Rue Saint-Jacques à une heure de sortie des cours de lycée ?), je soulèverai la question du vernis à ongle chez les hommes...

Chapitre 7 - le climat
Encore un truc qu'on ignore quand on est pas d'ici. Moi je croyais débarquer dans une ville d'Amérique du Sud, chaude et humide, avec des lianes, des bananiers, des palmiers et pourquoi pas des singes en liberté dans les rues. Au lieu de ça je me retrouve sur un plateau à près de 3 kilomètres au-dessus du niveau de la mer, à me les geler parce que oui, quand on a prévu que des habits d'été, on se les gèle ici. Bon n'exagérons rien le mercure ne descend jamais au-dessous de la dizaine de degrés, mais bon il faut dire que depuis le début du mois, un déluge s'abat quotidiennement sur la ville, et que les soirée sont vraiment fraiches.

Chapitre 8 - les hôtes de boutiques
À cause de ce que je vous expliquais au chapitre 7, après un mois de souffrance (et c'était l'été), j'ai été contrainte de me fournir en vêtements chauds. C'est comme ça que j'ai été livrée en pâture aux hôtes des magasins locaux. D'aucuns les appelleraient plutôt des vendeurs, mais ce n'est pas exactement ce qu'ils sont. Pour une raison que je ne m'explique pas encore, dès que quelqu'un franchit le seuil d'une boutique, il se fait accoster par un gars ou une fille qui se présente et propose de l'aide, ou raconte sa vie, ou un truc du genre que je n'ai pas encore complètement identifié. Dans ma tête voilà ce que ça donne :

Bonjour, bienvenue dans notre boutique. Je m'appelle Carmen et je vais vous accompagner aujourd'hui dans ce magasin. Puis-je vous aider en quelque chose, cherchez-vous quelque chose en particulier ? En tous cas n'hésitez pas je suis là aujourd'hui pour vous servir ici
.

Et systématiquement quand j'écoute ce speech, chaque fois presque pareil mais quand même différent, j'angoisse tout du long pour essayer de savoir si l'intonation générale est celle d'une question, auquel cas je prépare mon "no gracias solo estoy mirando" ou celle d'un discours informatif auquel il suffit de répondre par un sourire poli ponctué d'un gracias. À tous les coups tout de suite après avoir maladroitement répondu, je m'éclipse, toute penaude, de la vue du vendeur, essayant de reprendre plus calmement dans ma tête ce qu'il a dit, me rendant compte chaque fois que j'ai répondu à côté de la plaque, me surprenant à avoir un deuxième coup de chaleur dû à l'embarras de la situation. Et comme je fais mine de m'intéresser aux tringles pour me fondre dans la boutique je me vois assaillie à nouveau par le même ou un autre hôte me proposant au choix des renseignements / un bras pour tenir les vêtements qui me plairaient / de l'aide pour trouver ma taille. MAIS VOUS POUVEZ PAS JUSTE ME LAISSER TRANQUILLE ?! Bref nouveau coup de blush, montée d'adrénaline, balbutiement, sueur froide, je baisse la tête et je trace en repensant à cette veste qui était plutôt pas mal mais qui ne me réchauffera pas cet hiver parce que je ne suis pas encore bogotanaise...

samedi 24 avril 2010

PTBoD - Passe ton Break-out d'abord

C'est la fête, mon ordi marche. Merci McAfee, merci XP, merci nos boîtes de nous fournir ce combo parfait pour vivre avec joie sa première infection virus en un quart de siècle et presque autant en âge numérique.

C'est la fête, on a internet et même le wifi à l'appart, désormais je peux donc mater l'équivalent sud-américain de Sous le Soleil tout en tapant un post sur la moitié d'un écran, en checkant mes cours techniques sur l'autre moitié.

En ce moment je travaille sur ma bonne conscience, vous avez dû le remarquer. Je dois apprendre une quantité considérable de choses techniques, tout en passant plus de 12h par jour dans un atelier à jouer la Marise de Pierre Bellemare - pour les ignares qui ne saisiraient pas l'allusion hautement cult(urell)e, deux mots : Télé et Shopping.

Voilà en gros la vie du trainee. Ici on dit qu'il vaut moins que le chien de l'atelier, no vale ni como el perro del taller, expression très sympa que vous pourrez à loisir placer dans une conversation mondaine afin de briller en société. Prévenez-moi, ça me fera vivre autre chose par procuration.

Oui parce qu'en ce moment, à part par procuration, je ne vois pas trop comment vivre autre chose que mon quotidien. Le rythme est intense et il est très facile de se "laisser aller" à ces horaires pas très équilibrés. Et le soir, une seule envie : dormir (et manger). Et le week-end n'est pas vraiment un week-end, vu sa longueur ce serait plus un week-between, une sorte de courte parenthèse, quand on y a droit, histoire de laver son linge et avoir le temps d'étudier davantage !


Voilà donc mon quotidien. Rien de très palpitant, mais il faut bien que training se passe...


J'ai essayé de changer les choses, pour avoir plus de temps de repos, ou pour pouvoir prendre sur mon temps à la base pour étudier. Mais la mentalité sur place n'est pas toujours en faveur de l'efficacité et du bon sens. Si je m'éloigne de l'atelier plus de dix minutes je suis cataloguée feignasse, et quand on me demande d'y aller plutôt que d'étudier et que je rappelle que ma première priorité est ma formation technique, je suis cataloguée rebelle.

Bref je nage en eaux troubles, et j'aimerais avoir plus de recul pour pouvoir me diriger vers la berge sans embuche ni dommage.

mercredi 21 avril 2010

À propos de sport...

On est toujours privés d'Internet à la colloc, alors quand je rentre tard le soir, l'esprit plein de calculs de pression différentielle, les muscles en purée, les neurones pareils, je n'ai plus qu'une solution : allumer le quart de mur qui me sert de télé.

Je regarde tout ce qui passe. Ça fait double-emploi, c'est ce que je me dis lorsqu'il est 23h et que je ferais mieux de me coucher : d'une part ça me vide l'esprit, et d'autre part ça me fait pratiquer à la fois mon anglais et mon espagnol (je regarde essentiellement des programmes en anglais sous-titrés espagnol).

Bref en m'adonnant à cette nouvelle passion, je suis tombée sur un film qui m'a rappelé des souvenirs d'enfance : le cauchemar des cours de sport ! Suis-je la seule à avoir eu droit à un prof de sport type armée américaine, comprendre par là le stéréotype véhiculé par les séries et films américain du prof bête et méchant ? Le prof qui est persuadé que tomber malade est une preuve de faiblesse, que la meilleure façon de motiver les individus est la compétition et qu'en se moquant du niveau sportif d'adolescents on ne pourra que les aider à s'améliorer...

J'avais une prof comme ça, qui nous faisait courir par orage de mars, dix minutes, histoire de s'échauffer. Elle ne daignait adresser la parole qu'aux trois premiers de la classe. À cet âge l'EPS, comme on disait à l'époque, était encore une matière mixte, alors inutile de préciser que les filles étaient toujours à la traîne, ce qui nous valait de gratifiantes remarques du genre "Rholala les filles vous êtes vraiment nulles, en plus toujours en train de se plaindre ! Prenez plutôt exemple sur Lui" où Lui s'appliquait à l'un des trois premiers de la classe, ce qui était d'autant plus absurde qu'elle était jusqu'à preuve du contraire membre à part entière de la gent féminine.

Bon ce n'était pas que la prof, c'est sûr : moi en sport j'étais nulle (je le suis toujours) alors forcément c'était pas ma matière préférée. Mais c'était pas ma faute. C'était un cercle vicieux : jusqu'il y a 6 semaines, je n'avais pas de muscles. Enfin juste le minimum vital : un cœur, et deux cents grammes de fibres rouges savamment répartis dans le reste du corps. Un jour une prof qui tentait de nous expliquer comment lancer un poids en est même arrivée à me dire, embêtée, que le seul moyen d'améliorer mon pitoyable Pi mètres de performance (Pi comme 3,14) était en augmentant la masse musculaire de mes bras, car ma technique était à présent imperfectible. Note pour plus tard, quand j'aurai à nouveau du temps : me remettre au lancer de poids, et tenter le Pi carré maintenant que j'ai (presque) des épaules !

lundi 19 avril 2010

Panne de réseau

Ah tiens je vous ai pas dit ? En rentrant du puits mardi, j'ai découvert que j'avais un nouveau colloc, équatorien, qui sera en plus chargé du suivi de ma formation (c'est mon "mentor").

Je l'avais peut-être pas mentionné avant mais pendant dix jour en mars j'avais déjà eu un colloc, vénézuelien, de passage pour réaliser quelques jobs. Il va d'ailleurs être muté sous peu ici et reviendra donc certainement vivre dans la colloc. Nous atteindrons alors la capacité maximale de l'appart !

Donc comme maintenant nous sommes deux à avoir une passion non dissimulée pour notre PC, nous avons décidé de régler le wifi à l'appart. Oui parce que jusque là il fallait se brancher par câble au modem, le truc pas pratique quand on est plusieurs à vouloir surfer en même temps...

Bref hier on bidouille, on cherche, en vain. Sur internet on trouve le manuel du modem et sur un coup de tête, mal inspiré, on réinitialise le modem à sa configuration d'origine, en appuyant sur le bouton reset, vous savez ce petit bouton planqué à l'arrière du boîtier, qu'on ne peut enclencher qu'avec un objet pointu, et c'est limite si y a pas un pop-up qui s'enclenche demandant si on est sûr de vouloir continuer et qu'on a intérêt à bien réfléchir avant de dire oui.

Bref tout fiers comme seuls deux ingé en train de réfléchir savent l'être, on essaye de reconfigurer le machin. Oups on a pas le CD d'installation. On s'en fout on est des ingé on va y arriver. Tu parles ? Au bout de quelques heures d'acharnement on laisse tomber.

Dimanche matin, profitant d'une journée libre (la première depuis 20 jour pour moi... Ouf ça fait du bien !) on trouve le carton du modem, avec le CD. On le lance et au bout de quelques étapes il faut insérer les login et mot de passe de notre FAI (fournisseur d'accès Internet). Vous connaissez le smiley rolling eyes ? Croyez moi, il a été créé pour cette situation : le moment où tu réalises que t'as oublié ce truc basique et indispensable faisant partie du package minimal que même un demeuré sait. OUUUUPS !

Mais t'inquiète, on est des oufs, on va pas laisser une machine nous lier les mains. Commençons par le commencement, qui est notre FAI ? C'est là que j'ai compris qu'un truc clochait dans cette maison : tout marche, sans qu'on sache comment ni pourquoi. On ne reçoit aucune facture, quand je sors le matin en laissant mon lit en bataille, avec des vêtements humides dans la machine, je les retrouve secs, repassés et pliés sur un lit fait, dans une maison immaculée. Perso, j'étais convaincue qu'il y avait un truc magique qui se produisait, je ne voyais pas d'autre explication ! Ben pour le modem, la magie a disparu.

Et un dimanche midi, à Bogotá, les FAI se pressent pas pour répondre au téléphone. Voilà on n'a donc plus Internet à l'appart, dumoins le temps de trouver le grand manitou de la boîte qui se cache derrière la magie de la staff house !

mercredi 14 avril 2010

Leçons tirées du premier job

Je pourrais vous faire un récit assez précis de pourquoi je suis restée 10 jours sur le rig au lieu de 4, avec des jolis dessins des soucis de matos, répétés, qu'on a eus ; mais je ne m'épancherai pas, j'ai d'autres priorités.

Si je vous l'ai pas dis je m'en excuse et vous le dis à présent, j'avais préparé ce que je croyais être un baluchon de survie, le truc qui me permettrait de braver tous les dangers sur place. Parce qu'en arrivant sur place mes coéquipiers m'avaient raconté leurs petites anecdotes traumatisantes du terrain, qui m'avaient fait compléter ce que j'avais déjà anticipé depuis des mois. C'est l'heure de faire le bilan de ce qui a servi, ce qui n'a pas servi, et ce qui me manquait !

Les tongs : ce qui peut passer pour un accessoire de mode à une personne non avertie se révèle être l'arme de survie No1 sur le terrain. Cet outil multifonction, outre orner vos membres inférieurs et les parer de mille feux, vous permettra de prendre des douches tranquilles, sans avoir à se soucier de la propreté du sol ni de la quantité de champignon choppable au centimètre carré. Je sais c'est trash, mais il fallait que je vous prévienne, pour votre sécurité !

Le pshit sent bon : excellente idée, là encore du multi-usage en veux-tu en voilà ! Tu rentres dans ta chambre, pshit ! Tu entres aux toilettes, pshit. Tu partages ta chambre, pshit. Tu as envie de sniffer des senteurs d'une nuit d'été de Provence, re-pshit !! Je ne peux que remercier I qui m'avait mise en garde et indiqué où je pourrais m'approvisionner en pshit, et N qui a complété ma collections de pshits de Nature & Découverte.

Le jean : alors là, ce fut un grand flop de ma mission. Un jean ce n'est ni confort, ni rafraichissant sur un lieu de travail où il fait 35oC et que de toutes manières on porte par-dessus ses fringues une combi 100% coton. Donc mauvaise idée le jean...

Le livre de lecture : moué, difficile de rivaliser avec Internet quand il faut se vider l'esprit.

Le chocolat : gros fail là-dessus aussi, je n'avais qu'une moitié de tablette (super bon le chocolat colombien d'ailleurs) et j'ai vite eu fait d'être en manque.

Les chips : autre bourde à ne plus jamais répéter pour la chipsovore que je suis, j'ai mal géré, j'avais pas prévu rester si longtemps, je n'avais aucune miette chips à sucer pour me sentir revivre.

Le vernis à ongles : quand je suis partie, mes ongles étaient impec comme au sortir d'une manucure, tout vernis, beaux, solides. Je me disais qu'en 4 jours j'aurais jamais le temps d'en prendre soin, donc pas la peine d'emporter de matos de fille avec moi, je me la jouais aventurière... En définitive, je me suis retrouvée avec un vernis écaillé pas glam, pas sortable, tout court. Shame on me! Mais depuis, je me suis rattrapée :)

Poste à Poste

J'ai un problème. Vous me direz, avec un titre pareil, ça pouvait pas en être autrement (c.f. ici)

Dans un lieu sympa et un peu exotique, on a tous envie d'envoyer des cartes postales, pour faire un coucou et dire que tout vas bien. Sauf qu'ici, ben aucune trace de cartes nulle part.
Mais ce n'est pas tout, j'ai demandé à des autochtones comment ça marchait la poste, les timbres, les boîtes, et tous ont répondu comme un seul "bah euh boh moâ chépa... Ahh si DHL".

Je sais pas si vous savez, mais DHL c'est un peu comme Chronopost ou UPS, c'est un service de courrier international sécurisé, et, détail important, ça coûte un bras. Or des bras, je n'en ai que deux, et ici à l'atelier j'en ai quand même encore un peu besoin. Certes je sais les 54 cartes postales arriveraient, et en 2 jours, mais bon il faudrait que j'économise plus d'un salaire pour envoyer à chacun son message. Bref.

Donc les cartes vont mettre plus de deux jours pour arriver, mais je continue de demander autour de moi.

D'autant que j'ai fait un test et me suis fait livrer un colis de l'étranger. Oui parce qu'avant mon départ, en cherchant sur des forums j'avais pu lire que le courrier se faisait piller en Colombie (sûrement par les Farcs quand ils ne sont pas en train de kidnapper des étranger ou de faire du trafic de came). Et ben autre idée reçue, parce que recevoir du courrier en Colombie, ça MARCHE !! Je sais pas trop combien de temps le colis a mis pour arriver (j'étais pas là pendant 10 jours, vous savez) mais le fait est qu'il est bien arrivé. Alors moi je réfléchis - parce que oui ça m'arrive - et je me dis qu'il y a forcément un gars (ou une dame, pas de sexisme sur ce blog) qui a livré mon paquet. C'est lui que je dois pister pour savoir pour qui il travaille et s'il peut pas faire le même boulot mais dans l'autre sens !!!

Bref no worries je mène l'enquête ! En attendant, je vous laisse mon adresse :)
Attn: K. T. (NdMoi : c'est mon nom ici, mais je veux pas balancer !)
Conjunto Avenida Parque (NdM : c'est le nom de la résidence)
Calle 24A No 59-59 (NdM : c'est ma rue ça, n'oubliez pas le A à côté du 24, car la rue 24 existe aussi !)
Tr 8 Apt 802 (NdM : c'est mon appart)
Bogotá - COLOMBIA (NdM : vous avez compris je crois)

mardi 13 avril 2010

Chiriguaro Uno - le départ

Mon manager a appelé tout à l'heure pour dire que comme les choses n'avançaient pas ici, il serait plus sage pour moi de quitter le rig...

Les nouvelles ici ont cela d'exaltant qu'elles sont toujours sujettes à fortes fluctuations, alors moi je n'y croirai qu'une fois dans l'avion ! Je ne sais d'ailleurs pas encore si je pars pour un autre rig où de nouvelles aventures m'attendent ou si je rentre à la base de Bogotá.

Je propose cependant que l'on observe une demi-minute de silence par compassion pour mon coéquipier, qui, lui, reste ici. Une demi-minute parce que compte-tenu du contexte actuel (la Pologne toussa toussa) je ne voudrais pas paraître indélicate en proposant une minute complète, ça ferait mauvais genre. Bref c'est parti, fermons-la. .... ... Voilà qui est mieux, maintenant que j'ai fait preuve de respect envers mes aînés, je vais essayer de profiter du temps qu'il me reste ici pour étudier : après m'être lobotomisé le cerveau à coup de D&CO en intraveineuse, ça ne pourra que me faire du bien.

Bien à vous, K.

lundi 12 avril 2010

De comment s'occuper sur un rig

Être sur plateforme, c'est comme être malade : tant qu'on n'y est pas on ne peut s'imaginer ce que ça fait d'y être, et une fois qu'on y est, on a plus qu'une envie, de plus y être...

Ça fait maintenant 10 jours qu'on est sur place, on est loin des 4 jours initialement prévus. On travaillerait d'arrache-pied, je dis pas, mais là on ne fait plus rien de nos journées, on attend juste que l'accessoire bloqué au fond soit délogé pour pouvoir finir de travailler.

Je ne sais pas si vous réalisez à quel point c'est culpabilisant de ne rien avoir à faire ici alors que nos collègues (ceux qui doivent sortir le machin) en dorment plus, de travail et de stress. Alors on fait de la présence, on brave la chaleur et les insectes, qui se sont multiplié exponentiellement depuis les dernières pluies, et on leur tape la causette pour s'enquérir de la situation. Vu mon niveau d'espagnol, je dois en plus d'opiner du chef glousser des oooh et des haaa régulièrement pour faire mine de comprendre le schmilblick. Bref, après seulement je peux retourner à mon container climatisé mater une série ou M6 Replay.

M6 replay c'est un peu ma comfort food quand tout va mal et que je n'ai ni chips ni coca à disposition, une sorte de succédané pour palier mes angoisses métaphysiques. Rien de mieux que de mater des moches en quête de style ou des provinciaux se tapant dans les pattes pour savoir qui reçoit le mieux et se faire rembourser le prix du dîner qu'ils ont fait, pour se sentir bien dans sa peau : tu te sens forcément beau, jeune et intelligent quand tu regardes ce genre de trucs bidons avec des gens dont tu comprends jamais d'où ils sortent tellement ils sont collector. Bien sûr ça ne vaut pas un petit Confessions intimes ou Pascal le grand frère, mais c'est plus court alors c'est comme un concentré de self-booster ! Bref en plus c'est de l'or en barre niveau expérience purement sociologique et psychologique ; car outre le fait que je suis clairement téléphage, je me découvre des aspirations ethnologues de jour en jour. Si si je vous jure !

Et puis ça me fait oublier où je suis, un peu comme quand je lisais Harry Potter ou Dumas en prépa (là je viens de caser Dumas et Harry Potter dans la même phrase quand même !)... Sur ce les boudinous, le petit journal m'attend : c'est un peu mon Pujadas hebdomadaire, en plus court et plus rigolo...

samedi 10 avril 2010

Pensées d'une Nuit d'Avril


Ça fait 7 jours que nous sommes échoués ici, entre ailleurs et nulle part, sans autre signe de civilisation qu'internet, l'eau courante et l'électricité.

Cette mission qui devait durer 3 jours s'éternise, un accessoire ayant élu domicile au fond du puits, nous y plongeant avec lui.

Depuis deux jours nos collègues d'un autre segment prient, travaillent et mangent, les yeux cernés, l'esprit préoccupé et l'estomac toujours occupé. Il leur faudrait pas moins de Bruce Willis et Will Smith pour les sortir de là, je le sais mais je n'ose le leur avouer, ils sont un peu à cran en ce moment.

Et nous du coup on attend, et on supporte avec eux l'ire du company man, parce qu'on est solidaires et déguisés en schtroumpfs nous aussi.

De se battre mon corps a arrêté. Je mange trop et ne dors pas assez, je vais finir obèse c'est obligé.

mercredi 7 avril 2010

Toujours sur le rig

Après ma nuit blanche, j'ai passé la journée à comater, car employer le terme dormir serait de la désinformation, compte-tenu de la qualité de sommeil que peut offrir un container qui délivre du 5.2 sur l'échelle de Richter chaque fois que le voisin du container d'à côté tousse un coup, sans parler du bruit incessant de la clim'.

En fait on attendait que les opérateurs finissent de hisser le demi-millier de tubes indifférenciés, l'équivalent d'un demi Mont Blanc, pour vous donner une idée. Ben franchement je les ai trouvés un peu lents, ils auraient pu faire des efforts quoi ! Nous en attendant on n'avait rien à faire que dormir et attendre, je les aurais bien encouragés avec des pompons en scandant des slogans débiles mais en coverall et casque je sais pas si ça les aurait vraiment encouragés.

Bref au bout de 28h de travail, les 2km de tubes ont été mis en place et il a fallu se remettre au travail. En attendant j'ai pu écouter un peu tout le monde me raconter sa vie. Je sais pas si c'est l'effet "Tunesina" ou si j'ai une tête-à-écouter comme d'autres peuvent avoir une tête-à-claques, mais dès que je reste plus de trois minutes avec quelqu'un, il se met à me raconter sa vie, après bien sûr le passage obligé des questions classiques résumables en "Tunisie/Afrique/Couscous/Dinar". Gertrude a un rejeton de 12 ans, et a commencé son tour de rotation il y a deux mois ; Dagobert travaille aux champs, mais fait des heures sup de nuit 10 jours par mois ; il a un fils mais chacun vit séparé, chez sa mère. Je soupçonne Alphonse d'être sourd parce qu'il passe son temps à lire sur les lèvres quand on parle et à prononcer les mots qu'on débite. Pourtant il a quand même su deviner que je n'étais pas d'ici. J'ai un doute. Bref tout le monde ici a son histoire, loin d'être banale, car travailler ici n'est pas une chose facile.

Sinon au déjeuner on a eu droit à une spécialité locale, la mamona, de la viande de veau avec cuisson à mi-chemin entre le barbec et la viande fumée. Elle a cuit pendant cinq heure sous nos yeux et sous la pluie, protégée par un toit suspendu par une grue !

mardi 6 avril 2010

24h Chrono

Hier (et aujourd'hui) j'ai passé ma première nuit blanche sur un puits, et peut- être pas la dernière...

Debout à 5h, réveillés par une émissaire du company man pour la première réunion de travail du jour, mon coéquipier et moi y avons tout suite vu un mauvais pressentiment pour la nuit à venir. La matinée et l'après-midi se sont passées relativement vite, à réaliser la première partie de la complétion du puits, avec trois collègues d'un autre segment. Sauf que vers 18h, alors qu'ils commençaient à remballer leur matériel, nous on commençait à préparer la suite des événements : introduire dans le puits nos autres packers puis un demi millier de tuyaux pour arriver jusqu'à la surface, un vrai régal !
On les introduit pas à la main, faut pas exagérer, il y a des machines avec des mécanismes qui hissent le matériel d'en bas puis le suspendent verticalement avant de pouvoir le connecter au matériel déjà dans le puits.
Début des opérations à 21h, et fin de la partie où l'on était indispensable (pour donner l'ordre des tubes) à 5h30, pile à l'heure pour prendre un petit déj et dodo.
Entre ces deux instants, un nuage de souvenirs bien obscur à présent. Il a plu, il a fait chaud et humide, puis il a plu à nouveau. J'ai passé le plus clair de ce temps à attendre, en discutant avec des opérateurs, et répétant que la Colombie me plaît beaucoup, que la nourriture aussi, que je viens de Tunisie, qu'on y parle arabe et qu'on y paie en dinar. Récit de ma soirée, à la lumière de mon horloge interne (j'ai pas de montre) et de mon regard...

21h : début de la réunion de travail pour la nuit à venir. Elle a lieu sur la plateforme, soit une quinzaine de mètres au-dessus du sol, avec pour seul accès un escalier de métal en plein air. Je peux le faire.

21h18 : j'ai pu le faire, je suis maintenant au sommet, la réunion ne m'a pas attendue.

21h19 : pendant que la réunion se passe, en espagnol, je me fais attaquer par une bête sauvage, je me secoue. Les gens me regardent bizarre car je lutte en fait contre un papillon (de la taille d'un canari quand même) tout moche qui veut que je l'adopte.

21h35 : fin de la réunion, on sort du local frais et climatisé et on se fait tous adopter par une colonie de papillons géants attirés par les projos de la plateforme. Je me dis que la nuit va être longue, tout en gigotant sporadiquement les membres de mon corps. J'ai une pensée émue pour toutes les victimes du syndrome de Gilles de la Tourette.

22h40 : les deux premiers tuyaux ont été connectés par une étrange machine qui me fait penser à mon enfance et aux cours de SI où l'on devait vectoriser des torseurs.

23h52 : le tuyaux 3 est assemblé, je crois que les gars ont trouvé leur rythme, on est bons là. Je décide de descendre indiquer l'ordre des tuyaux suivants aux 3 opérateurs en bas, pour fuir les papillons géants et incroyablement moches (ils ont une peau de caméléon entre vert caca et jaune pipi) et descendre de cette plateforme où à chaque pas que je fais je vois une nouvelle façon de mourir ici. Le sol est mouillé par les averses discontinues, l'air est humide, la nuit est noire et aucune étoile n'arrive à transpercer les nuages et braver les projos allumés nuit et jour.

00h04 : ah qu'il est bon d'être au sol.

00h38 : pendant que la 5e connexion se fait là-haut, nous conversons, mes nouveaux amis opérateurs et moi, de la Colombie, de la Tunisie, du dinar et du couscous.

02h46 : assise sur un matelas de tuyaux, je faiblis et fais une sieste de 3 micro secondes. La première d'une longue série. Pour être forte, je marche. Il fait frais à présent, mais toujours pas d'étoile.

03h25 : les tuyaux s'enchaînent plus vite, je me sens un peu utile en prévoyant pour mon coéquipier, resté là-haut, les tuyaux suivants. Je repense, émue, au fait qu'il y a moins d'un mois pour moi tous les tubes cylindriques étaient les mêmes, quelle naïveté !

04h13 : le dernier tuyaux différencié est hissé du sol d'où ma présence a perdu toute utilité, il faut remonter sur la plateforme. En début de soirée j'avais de l'appréhension ; maintenant j'ai carrément les jetons. Je m'aggripe comme je peux, respire et monte en veillant à ne pas me faire surprendre par un papillon géant.

04h25 : Le Moulon avait ses moustiques radioactifs, victimes des travaux conjugués du CEA, du synchrotron et de la chaire de méchatronique du 5e étage de Supélec. Eh bien Yopal a aussi ses papillons mutants, pensé-je en regardant le miracle des machines ingénieurs vissant deux tuyaux ensemble.

04h31 : dissimulée loin de la lumière pour me protéger de ces aberrations de la nature, je m'appuie contre un mur histoire d'aider un peu en soutenant la plateforme.

04h31 + 2 micro secondes : wouah je me réveille grâce à cette sensation incroyable de jambes molles, tête lourde et cerveau engourdi. J'ai l'impression d'avoir failli tomber dans un abîme et d'être complètement droguée. Soyons forte : dès que la dernière pièce sera dans le puits je pourrai aller me coucher.

04h41 : mes micro-sommeils sont comme des contractions chez une femme enceinte, leur fréquence augmente peu à peu. Je pousse l'analogie en me demandant sur quoi ils pourraient déboucher pendant que 4 papillons dorment sur mon coverall. Je ne fais plus qu'un avec la nature.

04h53 : il faut que je descende chercher des outils de mesure. Au moins ça me fera marcher.. Mes jambes sont lourdes, l'escalier est haut.. Papillon de lumière, je t'aime. Peut-être que si suffisamment de papillons s'accrochent à moi ils pourront me faire voler ?

05h01 : mon coéquipier vient me demander si ça va et me conseille d'aller dormir. Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ? Je me demande si ça se voit quand je fais des micro-sommeils. Je me demande si ce sont toujours des micro-sommeils. Je me demande si c'est normal d'en avoir même en étant debout, appuyée à rien du tout. Je me demande si tomber du haut de ces 4 étages me réveillerait le cas échéant. Je me demande à quelle vitesse je réfléchis et aimerais bien pouvoir le mesurer. Je me demande pourquoi on a toujours l'air de réfléchir plus intensément et à des sujets plus profonds sous la fatigue. Peut-être qu'il vaudrait mieux que je me couche...

05h17 : dans ma chambre, prête à me laver, je découvre un papillon géant dans la douche. Lutte à mains nues. Je le tue à coups de jets d'eau chaude dans la tronche et prends ma douche en tongs sur sa dépouille. Je savais que la journée finirait par une mort...

05h30 : passage obligé par la cantine, qui ouvre à peine. Il fait bientôt jour mais trop de nuages pour prendre de jolies photos du lever du soleil. Et puis la flemme.

05h40 : ça fait plus de 24h que je suis debout. Je m'allonge et ferme les yeux et plus rien n'existe autour de moi. OUF !

dimanche 4 avril 2010

Premier Job !

Ce matin, je me suis levée bien avant le soleil pour commencer la journée. A 4h30, oui ma bonne dame, je quittais mon domicile et après quelques heures de transport nous sommes arrivés, mon coéquipier et moi, à Chiriguaro 1, le Puits. En gros après être arrivés à Yopal, nous avons roulé une heure dans la campagne la plus profonde, croisant de la végétation, des cochons, de la végétation, des vaches, jusqu'à voir au loin ce qui ressemblait à un pas de tir de fusée sans fusée, et de près à un camps de Roms sans Roms.

tout autour c'est vert, humide, chaud et plein de petites bébêtes au sol. On arrive à voir la ligne d'horizon, aucun arbre bien haut mais beaucoup de végétation alentours.
La plateforme est composée du puits et de la partie 'civile'. Le puits est surélevé et tout ce qu'on en voit c'est le derrick qui le surplombe. Puis sur le côté il y a une vingtaine de containers. Des bureaux, une cantine, une infirmerie, et nos chambres. J'en partage un avec mon coéquipier et nous avons l'eau, l'électricité et la clim' à fond tout le temps (et le wifi). Je n'ai pas bien compris où était le générateur de courant, la pompe à eau ni l'évacuation des eaux usées, mais je me demande vraiment combien ça coûte de fabriquer un truc pareil ?

Bref on ne commencera à travailler que lundi, en attendant, on vérifie le matériel, on prépare le programme avec le company man (le représentant du client sur le puits) et avec des collègues d'un autre segment avec qui on va être amenés à travailler et bien sûr se repose !