"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

jeudi 30 décembre 2010

Vous me manquez

Voilà c'est dit !

Bisous de loin, à bientôt de près, joyeux anniversaire au(x) gen(s) qui se reconnaîtront et Bonne année à tous !

mardi 28 décembre 2010

La France vue du ciel

Les Français sont connus dans le monde pour trois traits caractéristiques : leur hygiène douteuse d'abord, leur incapacité à parler autrement qu'en français, et leur manie de toujours se plaindre de tout.
Je ne sais pas dans quelle mesure les étrangers (Colombiens en premier) ont tort ou raison, mais je sais pour sûr que les Français en général et les Parisiens en particulier se plaignent beaucoup. Ils se plaignent de tout et de rien, du mauvais temps, de la canicule, des transports en commun, des embouteillages, de la pollution, des touristes, des provinciaux, de la retraite à n ans, de la retraite tout court, des grèves, des conditions de travail, du chômage, de tout et de rien.
C'est marrant de voir que les sujets des plaintes sont souvent ridicules (c'est pas en se plaignant qu'il fait moche qu'il fera moins moche), voire complètement contradictoires. En somme le parisien veut travailler moins que son voisin, gagner plus, vivre mieux, et aimerait bien que son voisin soit là pour l'aider dans cet objectif. Si le climat pouvait coopérer aussi ce serait la moindre des choses. Il faut que le métro arrive en même temps que lui sur le quai, à n'importe quelle heure, et en toutes circonstances, de même que l'avion qu'il a programmé pour ses vacances, d'ailleurs il en voudrait plus, des vacances.

Parce qu'il faut arrêter de se foutre de nos gueules, chaque année il neige, les aéroports devraient prévoir. Prévoir comment ? le Parisien ne le sait pas vraiment, et pour tout dire il s'en soucie comme de son voisin. Il a une vague idée du truc : il suffit d'employer plus de gens pour déblayer-dégivrer-décequ'ilfaut les pistes et d'acheter plus de produits anti-givre et puis voilà, si les pays du nord le peuvent, nous aussi, on est en France voyons pas dans un pays du Tiers-Monde.
Le produit anti-givre, encore une autre blague de ces espèces de feignasses de fournisseurs qui veulent visiblement pas travailler. Ah ça quand y a du boulot, ils sont en rupture de stock, ben voyons ! Ils pouvaient pas mettre le turbo pour les fêtes ?
Le Parisien n'a qu'une idée approximative de notions telles que l'espace de stockage de marchandise, la vitesse de fabrication versus la vitesse de consommation, le dimensionnement d'une entreprise et de sa production, les conséquences d'embauches saisonnières. Encore une fois, tout ça c'est secondaire, tout ce qui compte c'est que le l'avion du Parisien décolle.

Alors le Parisien qui a pris un billet pour le 24 au soir, qui a dû réveillonner à l'aéroport dans des conditions minables, qui a passé la nuit à bougonner que c'était Scandaleux, oh-la-la, on est en France bon sang, j'aimerais lui poser une question : pourquoi diable acheter un billet pour cette date ??


Alors le Parisien me répondra de son accent et de ses airs parisiens : mais co-mment je pou-vais prévoir à l'avance, tu tfous dma gueule ! C'est la meilleure ça, comme si c'était de ma faute en plus ! Attends les vols étaient dispo en septembre, alors oui, j'ai foncé, normal, j'allais pas passer à côté d'une telle occasion.

C'est d'autant plus drôle que pour qu'ils comprennent pourquoi l'avion n'a pas décollé, les Français, ils ont juste à réaliser que les compagnies aériennes et des aéroports, eux non plus, n'avaient aucune raison de ne pas proposer ces vols, en septembre, car le manque à gagner financier est plus important pour eux que d'écouter les plaintes des clients par une nuit à Orly. Le risque valait la peine d'être pris, ce même risque que toutes les victimes des vols annulés ont pris, en évitant soigneusement d'y penser au moment où ils l'ont pris.

vendredi 24 décembre 2010

Enfin seule..

Ce qu'il y a de bien avec les fêtes et les congés, c'est que tout le monde se bat pour pouvoir les prendre comme jours de repos
Pendant ce temps-là, je me tais, et savoure à l'avance la satisfaction que me procurera le court moment où j'offrirai gracieusement de travailler ces jours-là et me sacrifier ainsi pour la communauté, dans mon infinie bonté ; ainsi que le plaisir que j'éprouverai le jour-dit, à venir travailler, seule ou presque, et pouvoir terminer la montagne de petites tâches, qui ne font pas partie de ma description d'emploi, mais qui rendront mon travail quotidien bien plus facile (et que personne ne veut faire de toutes façons), dans un silence complet ; et enfin la joie de profiter de vacances quand tout le monde est de retour au bureau. Bref un cadeau trois en un, comment refuser ?


Merci tout le monde de vouloir prendre vos week-ends, vos jours de Noël et de l'an, continuez comme ça !

PS : et pour couronner le tout, je ne suis plus une trainee depuis hier !

mercredi 22 décembre 2010

2010 tu ne t'en tireras pas comme ça

Que peut-on ajouter après un post de bilan de l'année, alors qu'on est encore dans l'année courante ?

Bon ben en fait je voulais parler. Parler de ces journées qui disparaissent, les jours passés sur le terrain. Tu pars samedi, tu fais tes shifts, repasses en ville pour dormir et repartir. Et quand tu retournes à la base, trois jours se sont volatilisés. Vous vous souvenez des théories de l'agent Mulder, sur les heures qui disparaissent. Eh bien sur le terrain, c'est notre pain quotidien.

Après quand on revient on réalise qu'on a trois millions de choses à faire et qu'on a laissé filer des dead-lines. La boîte email explose (la professionnelle) et on a l'impression que nos amis facebooks nous ont enterré sans laisser de message au livre d'or. (ou, quand on a pris la peine de bombarder nos amis et notre famille de messages avant de partir, on peut espérer un taux de réponde de 0.2% soit 14 notifications.)

Voilà, c'était pour vous donner une idée. Je vais me coucher. Ah avant que je ne vous quitte, quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi certains (qui ne travaillent pas sur le terrain) souhaitent un joyeux Noël le 21 décembre ? genre comme s'ils allaient disparaître d'internet trois jours... la blague.

mardi 14 décembre 2010

Bilan 2010

J'ai réussi à ne pas succomber à l'attrait des blagues faciles sur Justin B parce que 1. on a tous été ado un jour même si on avait bien plus de style [écrite si petit, une vanne ne compte pas] et 2. ce serait apporter de l'eau au moulin médiatique de cet extraterrestre dont personne ne peut vraiment dire la profession, et il n'en vaut pas la peine ; je n'ai pas non plus cédé aux pressions de la mode qui en ce moment crient "body en dentelle" à tout va, sauf en Colombie. Il faut savoir rester sobre et intemporel, et puis les body c'est moche et la dentelle ça gratte !


Comme tout le monde je me suis ouvert un compte twitter et n'y ai jamais rien posté, faute de comprendre comment marche le site de réseau social le plus "user-friendly" d'Internet.


J'ai été contrainte d'abandonner pour un temps mon (merveilleux mais encombrant) appareil argentique pour acheter mon premier appareil numérique après des années de résistance. Depuis je prends 456 photos par jour, dont aucune n'arrive à la cheville des précieux clichés que prenait mon bébé argentique qui, lui, prend des vacances à durée indéterminée à Tunis.

J'ai découvert Mark Ronson et Miike Snow, et écouté en boucle leurs albums respectifs des heures durant, dans des aéroports, dans des avions, dans des pick-ups, dans ma chambre, dans une salle de classe, dans la rue, à la plage, que ce soit en Amérique, en Asie, en Europe ou en Afrique. J'ai aussi (enfin) découvert LCD Soundsystem, Hot Chip, Yeasyer, Passion Pit, Portugal. The Man, Eliza Doolittle, Ou est le Swimming Pool, Germany Germany et d'autres de la même veine, et si vous ne connaissez pas, écoutez leurs albums 2010, ils valent le détour. Oui, avouer que je continue d'écouter de la musique indé-électro-pop-rock-folk occidentale est complètement anti-"je vis en Colombie et je m'adapte aux valeurs locales", mais pour ma défense, j'estime m'investir déjà suffisamment en luttant activement pour la propagation du Vallenato dans le monde, par le biais de mentions régulières sur ce blog. Et puis j'ai même une playlist de ces chansons colombiennes qui, à force de les écouter à la radio ou à l'atelier, ont marqué mon subconscient et me donnent l'impression de les apprécier. Dans quelques années je les écouterai la larme à l'oeil, nostalgique. Mais en attendant j'écoute de la bonne musique à la place !


Mes miles ont explosé en même temps que mon bilan carbone, il m'a été donné de fouler le sol de 9 pays, 7 capitales, 16 aéroports, sur 4 continents ; mettre la main à l'eau de 3 océans ; travailler 27 dimanches (and still counting) ; passer une dizaine de nuits blanches (bis) ; publier 163 billets (ter) ; envoyer une vingtaine de cartes postales ; voir des billions d'octets de séries américaines ; travailler des milliers d'heures.


Bref en ce mois d'étrennes (n'oubliez pas les éboueurs, ils peuvent vous rendre la vie dure), merci et adieu 2k10 en espérant que 2K11 sera encore plus fun (ce qui ont lu en english ont eu droit à une rime en bonus, c'est cadeau) !

dimanche 12 décembre 2010

De retour en Tierra Caliente

Ne pas avoir de rythme, de congé ni de vacances conventionnels ne m'aide définitivement pas à m'adapter au non-changement de climat local.
Nous sommes presque en fin d'année, et ici il fait encore plus chaud depuis que je suis rentrée. Les pluies nocturnes régulières continuent d'alimenter le Rio Magdalena, de même que la chaleur diurne alimente notre quotidien. Il fait en moyenne 30 degrés et le soleil semble taper plus fort encore que dans mes souvenirs.

Pourtant l'atmosphère est bien celle de Noël : des lampions sont venus égayer les rues de la ville, et tous les foyers se sont fournis en décorations diverses, allant de la guirlande lumineuse au sapin, en passant par les crèches, très en vogue ici. C'est l'occasion pour la famille de se réunir dans la rue pour peindre les figurines de plâtre achetées au marché, sous le regard bienveillant des voisins (true story).

(photo prise de nuit au bas de l'immeuble où je vis)

Tout le monde ne pense plus qu'aux fêtes, et chacun élabore des stratégies pour s'assurer de pouvoir les passer en famille plutôt que sur un puits. Nous nous sommes arrangés à l'amiable au sein de l'équipe, et dans un élan de générosité j'ai volontairement proposé d'échanger mon 25 et mon 31 contre la promesse de pouvoir partir en congé un peu avant (ça, c'est fait) et un peu après les fêtes. C'est ce qu'on appelle se sacrifier pour la communauté, au moins, non ?

vendredi 10 décembre 2010

Chapitre III, épilogue - Cuba, Terre exilée

Je vous épargne le goût insipide ainsi que l'affront du récit des trois journées que nous passâmes à la plage, pour raconter en vrac les dernières impressions que me laissa mon court séjour à Cuba, dernier bastion d'un empire qui fut Jadis rayonnant et en lutte pour la suprématie du monde.

De retour à la Havane, nous avons souhaité acheter de l'eau en bouteille. L'épicerie face à l'hôtel fut pour nous une nouvelle surprise. S'il est évident que nous ne nous attendions pas à y trouver monts et merveilles, il est vrai également que nous ne nous attendions pas à ce qui ressemblait davantage à une épicerie en temps de guerre qu'à un supermerché en face d'un hôtel international. Rhum, eau, pâtes, et quelques autres produits de première nécessité étaient clairsemés sur les quelques étaux de la boutique, sans aucune variété de marques synonyme d'aucun choix pour les consommateurs. Le centre commercial mitoyen était, lui, plongé dans l'obscurité, et il baignait dans le hall d'entrée une odeur rance d'eau stagnante que nous attribuâmes à la plage toute proche. Nous n'avons jamais osé nous aventurer plus loin à l'intérieur, par souci de survie.

Le dernier jour, après un dernier regard plongé dans le bleu de la mer, venant frapper dans un raffut sonore et écumeux les remparts du Malecón, unique animation de la jetée Havanaise, nue et déserte, cette première calle primera, comme on nous l'avait expliqué sur place, par opposition à la seconde calle primera ou première rue parallèle, nous nous rendîmes à l'aéroport, soulagées que nous étions de rentrer "chez nous" en Colombie, la tête remplie des promesses de connexion Internet décente et de coca rafraîchissants.



Je n'entrerai pas dans les détails de la Mastercard de S qui ne fut acceptée nulle part sur place, des frais de change exorbitants pour chaque opération monétaire effectuée, de ce couple qui nous a extorqué plusieurs pesos après nous avoir abordé puis insisté pour nous conduire à la poste la plus proche qui était, disaient-ils, sur leur chemin, puis enfin réclamé plus que ce que nous étions prêtes à leur offrir. Je tairai l'épisode de la panne générale de (l'unique) distributeur automatique de l'aéroport, ainsi que notre surprise en découvrant que si nous avions déjà payé pour entrer sur le territoire, il nous faudrait raquer à nouveau si nous voulions pouvoir en sortir.

Par un heureux hasard, j'emportai avec moi lors de ce séjour une oeuvre qui m'a donné à réfléchir sur ce pays, sur la culture caribéenne , sur les thèmes du voyage et de l'éloignement. C'est un recueil de "Douze contes vagabonds", du Colombien Gabriel G Marquez. Je lus d'abord avec amusement les premières lignes du conte "Un métier de rêve", que j'avais déjà lu par le passé. Elles décrivent avec une précision toujours d'actualité la vue que j'avais du hall de notre hôtel, plus proche voisin de l'hôtel Riviera, autrefois renommé, où nous avions failli séjourner mais nous nous étions ravisées après avoir lu qu'il n'était plus que l'ombre de son ombre.
Cet incipit résumait tout. En trente ans, seule l'injure du temps était venue modifier l'aspect de cet hôtel déchu, du malecón dont "le lugubre" se mesure à la teneur en nuages gris du ciel qui le couvre, et en définitive de la Havane tout entière. C'est d'un côté ce qui fait son charme je pense : qui n'a jamais rêvé de pouvoir retourner dans les lieux de ses souvenirs et les retrouver intacts, tels qu'ils l'étaient restés dans leur mémoire. Le soleil agit sur la ville comme sur un visage, cachant les rides et les taches grises. Mais dès que le ciel se couvre, la Havane ne peut plus dissimuler la marque du temps. Et nous l'avons vue, vieille et fripée, comme nous l'avons vue presque jeune et joyeuse.


Je tiens à préciser que je ne souhaite nullement faire ici le récit d'une ville misérable, car La Havane ne l'est certainement pas. Cette capitale restera pour moi une grande ville par la culture, par l'art, par ses gens pour la plupart accueillants. Je m'y suis rendue parce que je souhaitais voir par moi-même ce pays tout proche qui semble suspendu dans une autre époque. Je voulais me faire une idée propre et claire de la vie sur place, découvrir quelque chose, sans savoir exactement quoi. Je ne m'étais pas beaucoup renseignée avant mon départ, de la même façon que je n'aime pas lire les critiques d'une pièce de théâtre ou d'une exposition d'art avant de la voir par moi-même, pour me faire ma propre opinion, libre et personnelle. C'est à peine si je savais qu'il y avait deux monnaies sur place.

Pour moi la Havane se tient du haut de son île, telle une grande reine déchue, qui aurait perdu son panache au fil des années, sans s'en apercevoir, persuadée que son exil ne serait qu'éphémère. Car elle est comme exilée, loin de Miami, loin de la Colombie, loin de tous bien que toujours sur la carte, loin par la pensée.

J'aime à croire que la fin de cette triste ère que connaît Cuba approche, que bientôt la Havane se relèvera, et que cette péninsule s'ouvrira au monde, pas nécessairement pour s'américaniser de façon primaire, mais pour offrir plus de liberté aux gens, leur offrir le rêve de pouvoir voyager, comme en Colombie ou malgré tout les gens sont généralement suffisamment heureux chez eux pour ne pas se sentir pousser des ailes migratoires. J'aime à penser que les Cubains se souviendront de cette époque uniquement comme d'un mauvais rêve, et qu'une poignée de vieux réac' continueront de clamer que c'était mieux avant.

Mais ce n'est pas pour tout de suite. Aujourd'hui, les Cubains ne connaissent du monde extérieur que ce que les touristes ou la radio locale veulent bien leur dire. Les seuls ouvrages disponibles dans les librairies sont des ouvrages communistes ou d'autres relatant la vie du Che, jaunis par le temps, quand ils ne sont pas écornés. "Heureusement" pour eux, beaucoup de gens se bercent de la certitude que ça pourrait être pire, car tous n'ont pas la cruelle lucidité de l'artiste que nous avons rencontrée, ou les mêmes aspirations au voyage que cette âme égarée, prisonnière de son propre pays et de son propre esprit. En attendant, elle peint.

mercredi 8 décembre 2010

Chapitre II - Cuba, Terre isolée

Après une bonne nuit de sommeil, nous sommes prêtes à affronter notre destin, et à sortir visiter la ville, bravant tous les obstacles, le mauvais temps et les visages moins affables que ceux que nous connaissons en Colombie.

Le soleil nous fait l'honneur de sa présence, et le bus de l'hôtel nous emmène à La Habana Vieja. Les rues nous enchantent, le soleil donne une autre teinte aux maisons décrépites, un certain charme vieilli, mais soudain joyeux, tout juste comme nous.

Nous nous éloignons vite des autres touristes et commençons à déambuler, sans savoir trop ce que nous cherchons, de l'authenticité, capturer un peu de cette vie locale, et non pas uniquement regarder des murs rouges et bleus et des voitures des temps passés.


Notre promenade nous conduit devant une boutique un peu spéciale. Il s'agit de l'atelier d'une artiste, qui a élu domicile loin de la rue des vendeurs de peintures de paysages locaux certes kitsch mais ô combien réchauffés, et elle peint autre chose.

On entre découvrir cette petite pièce lumineuse, composée d'un chevalet, d'une petite table où sont posées les peintures. Ici une plante, là un fauteuil, sont autant d'accessoires qui insufflent à ce local un parfum d'authenticité. Ici il s'agit de meubles courants, rien à voir avec des trouvailles d'antiquaires, cependant ils ont été choisi avec soin et disposé avec goût. L'artiste, une cigarette à la main, semble avoir entamé la soixantaine, bien que ses courts cheveux noirs nous inviteraient à croire le contraire. Elle est vêtue comme elle a décoré son intérieur : avec soin et goût. Plusieurs bagues parent ses doigts, et elle semble savourer chaque minute de son travail. Je me l'imagine ayant voyagé toute sa jeunesse, pour nourrir son imagination et son inspiration, aussi parce qu'elle a l'air ouverte et intellectuelle, comme une dame du monde qui aurait beaucoup voyagé, toujours avec classe, élégance, et un carré Hermès noué au cou (oui mes a priori sont ridicules, mais ils ont été nourris à coups d'encarts publicitaires de magazines féminins, on ne se refait pas).

Nous engageons la conversation avec elle de manière plutôt naturelle. Elle nous explique ses techniques, nous décrit certaines de ses oeuvres. Un tableau me tourmente, et je ne le comprends pas : un mur tout noir, duquel se détache une main qui soutient entre le pouce et l'index une boule métallique. Cette boule contient une fenêtre au milieu de sa face visible, fenêtre sur une plage luxuriante de végétation, au bord de la mer. Un homme au visage déconfit se tient sur cette plage. Il ne profite pas de son île, au lieu de cela il est accroché aux barreaux de la fenêtre, des barreaux de métal, inaltérables. Pourquoi cet homme, qui vit sur une île de rêve est-il cramponné à cette fenêtre, qui donne sur une pièce noire. L'artiste me dit que c'est comme ça, et que même le plus bel endroit du monde devient une prison si l'on ne peut en sortir. Je reste perplexe, un peu décontenancée.

Cependant nous continuons de converser, et nous apprenons à notre hôte de fortune que nous résidons en Colombie. Elle nous demande comment c'est, si ce n'est pas trop dangereux - les idées reçues ont la vie dure… Nous lui chantons notre amour pour ce pays, et lui conseillons vivement de le visiter si elle a l'occasion de voyager. Non, je ne voyage pas. C'est sa réponse. Nous demandons des détails, étant donné cette phrase qui semble sans appel. Elle nous explique alors que quand on est Cubain, pour pouvoir sortir du pays, il faut un motif de voyage (le tourisme n'en est pas un), et une invitation personnelle de la part d'une personne qui se porte garant pour nous. Notre artiste nous explique que du haut de ses nombreux printemps, elle n'a jamais voyagé de sa vie et ne voyagera sans doute jamais, et que ses compatriotes en majorité non plus. Pas de télévision par satellite non plus, et seul un accès restreint à Internet est disponible, avec une connexion médiocre et un unique fournisseur d'adresses mail, correodecuba.com.

Le tableau prend alors pour moi tout son sens.


Nous la quittons en prenant les coordonnées de notre charmante amie, qui nous a apporté en une demi-heure ce que nous cherchions depuis la veille, parler franchement à des gens d'ici, profiter de ce que la langue ne soit pas une barrière, et de ce que la culture ne soit pas pour nous qui vivons si près, un si grand clivage.


Nous nous éloignons, repensant à cette rencontre, et à ce que nous venons d'apprendre, pour nous diriger vers une église, au sortir de laquelle nous nous attardons à prendre des photos artistiques. Jusqu'à ce que la vue d'un couple m'arrête tout net. La fille me dit quelque chose, je crois la connaître, mais ne me souviens plus d'où. Il faut dire que je ne m'attendais pas à devoir faire appel à ma mémoire de souvenirs parisiens si loin de la Tour Eiffel. Je suis incapable de quitter mon regard de cette jeune fille, et finis par tenter une approche timide en leur demandant s'ils sont Français. Ils répondent par l'affirmative. La fille ressemble à cette ancienne miss météo de Canal, dont bien sûr j'ai oublié le nom. C'est marrant qu'elle fasse du tourisme au même endroit et au même moment que moi. En bas de la rue j'ai l'impression que des gens sont assis et se préparent. Je m'imagine que c'est un orchestre de rue qui va donner un petit concert. Ma camarade de voyage pose et je prends des photos, et cette star parisienne est là, toujours. Alors je lui pose la question : "C'était pas vous la fille de Canal + ou un truc comme ça ?", auquel elle répond un oui timide, presque chuchoté. Et alors que je m'apprête à répliquer que ça fait dix bonnes minutes que je me le disais, mais que je n'avais pas pu avoir de confirmation de mon amie parce que bon elle est Italienne et de toutes façons on vit en Colombie alors j'ai un peu oublié la France et son showbiz, elle me coupe l'herbe net en me disant qu'en fait là ils sont en train de tourner…

En fait ce n'était pas un orchestre, c'était l'équipe de tournage, et deux personnes viennent nous demander de continuer de marcher plutôt que de rester immobiles à deux pas de la prise de vue. Ah euh bon, ben euh on descend, et on se retrouve au milieu de l'équipe de tournage, qui n'en a rien à faire visiblement. Je capture deux trois photos, pour chercher plus tard à qui appartiennent les autres visages qui ne me reviennent pas (bien que j'ignore si c'est dû au fait que je n'ai jamais vraiment connu le nom des célébrités françaises ou au fait que ce n'en soient pas). Ils filment trois fois la même prise, et nous nous lassons, et préférons passer notre chemin. Je me demande en m'éloignant si les Français que nous laissons ont la moindre idée de la vie ici, coupée du monde, sans autres nouvelles que celles véhiculées par l'Etat, ou si l'on verra uniquement des décors de carte postale et des acteurs parisiens dans leur film dont j'ai déjà oublié le nom…



Nous continuons notre route, pour nous arrêter par hasard dans deux boutiques de souvenirs mitoyennes, où nous faisons la connaissance d'une jeune femme aussi chaleureuse que serviable. Elle nous proposera, en même temps que des souvenirs de son pays, des activités pour l'après-midi, et des lieux à voir. Elle nous expliquera que si l'on n'a pas de quoi payer, elle accepte le troc, de vêtements, ou de produits d'hygiène (savon, shampoing) ou encore de sucreries pour les enfants, qui sont si dures à trouver ici. Nous n'en revenons pas, bien que cette rencontre nous offre des réponses aux questions que nous nous posions depuis la veille : où les gens achètent-ils leurs vêtements, eux qui semblent vêtus au même siècle que nous, sans que l'on puisse trouver aucune trace de magasins actuels.


Cuba, terre où communiquer et partager semble si facile et si difficile à la fois...

samedi 4 décembre 2010

Chapitre I - Cuba, Terre du passé

Jeudi matin nous arrivions à l'aéroport international de La Havane. S me confie dès les premières minutes que c'est le plus moche aéroport (international) qu'il lui ait été donné de voir. On arrive dans le taxi après avoir déjà parlé à six personnes dont la dame de l'immigration, qui nous demande où nous avons appris à parler l'espagnol ; madame pipi, qui voulait échanger 4000 pesos colombiens contre la devise locale et ne voulait pas croire qu'ils ne valaient que 2$ ; un type qui attendait ses bagages ; des gens devant le guichet automatique qui nous expliquent les deux monnaies locales, le cours du pesos convertible et les taux de change divers.


L'arrivée à l'hôtel est pour le moins décevante. Il fait gris et nuageux à l'extérieur, et sombre à intérieur de l'hôtel. La décoration relève davantage du film d'auteur des années soixante, et l'on apprend bien vite que notre chambre ne sera prête qu'une heure plus tard, qu'il n'y a pas de connexion à Internet gratuite et que le wifi n'est disponible que du lobby. La carte de S ne lui permet pas de retirer de l'argent sur place et tout le monde fume un peu partout dans l'hôtel.

Après avoir déposé nos affaires nous sortons faire un tour, dans une ville défraîchie, dont la croisette morne et vide semble sortie d'un film d'horreur. Nous entrons dans une supérette sise face à l'hôtel, et ne trouvons qu'une dizaine de produits disponibles, des produits de base : cigarettes, rhum, eau, pâtes. À côté, se trouve un "centre commercial". Dedans ça sent les eaux usagées, il n'y a pas d'éclairage et les magasins semblent nus.

Dehors des voitures des années cinquante, des gens plantés dans leurs maisons, qui regardent les passants, passants qui eux aussi regardent les passants.


Cuba, île oubliée, terre désolée, où tout le monde semble échoué.


[rassurez-vous, it can only get better!]

mercredi 1 décembre 2010

Jingle Bells

Noël est à nos portes. L'automne nous quitte (déjà) et l'hiver s'engouffre.

Les lumières ont envahies les rues, des chants chrétiens s'ajoutent au rythmes endiablés de Reggaeton et de vallenato, en journée à la base, comme en soirée, partout dans les rues de la ville. Le centre commercial s'est paré de mille feux, de faux rênes, de faux ours polaires, de la fausse neige, de faux tigres (cherchez l'intrus). Le rayon déco du supermarché a remplacé les citrouilles et diablotins par des guirlandes et des séraphins.

Tout cela sous un soleil de plomb qui n'en finit pas de taper, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai cela dit. Je connaissais les hivers doux, ici je découvre les hivers chauds, c'est à en perdre le Nord. En avant-première une photo des décorations de Noël du centre commercial du coin, avec des boutiques plutôt inattendues en arrière-plan :-)


Allez, bonnes vacances les boudinous, à bientôt pour de nouvelles aventures, au pays où le Coca Cola n'a pas sa place !

mardi 30 novembre 2010

Un pas plus loin : de l'esthétique

À mesure que le temps passe, les petits détails de la vie courante en Colombie, qui me frappaient il y a quelques mois, se fondent dans mon inconscient.
Je ne suis moins choquée de rencontrer des gens qui, passée la trentaine, arborent encore des bagues métalliques aux dents. Les vendeurs de minutes dans la rue font partie du paysage, les motocyclistes et leurs gilets orange fluo eux aussi, et je me suis presque habituée aux douches froides.

Maintenant je découvre peu à peu une autre facette de ce pays. En comprenant davantage la langue et après quelques mois de vie ici, je pénètre peu à peu la culture colombienne, les mentalités locales, je comprends davantage les gens et découvre ces différences qui étaient trop complexes pour que je les saisisse au premier coup de pinceau...

1er tableau.
Je l'avais déjà remarqué avant, les Colombiennes sont très soucieuses de leur esthétique. Il y a autant de coiffeurs que de banques à Paris. Elles ont toujours les cheveux fraichement coupés et colorés, les ongles impeccablement vernis.
Ce que je découvre peu à peu, c'est l'importance cruciale de l'esthétique dans la culture colombienne. Les coiffeurs ne sont que la partie visible de l'iceberg. Pour avoir un corps conforme aux canons de beauté, les femmes ne rechignent pas sur les moyens. Mais alors que nos commères européennes se mettraient au régime, au footing, à la salade et à la gym suédoise, ici l'arme fatale contre les kilos en trop ou les formes pas comme il faut c'est le bistouri. On aspire le gras, on insère du silicone, un anneau gastrique par-ci, une injection de botox par-là. Ici pas de tabou ni de complexe, la fin justifie les moyens.
Et la fin, c'est l'apparence. Il faut être vu. Ni elles ne cachent, pour être regardées, ni eux ne se cachent, pour regarder.
Est-ce la morale judéo-chrétienne qui a inculqué en Europe cette idée qu'il faille souffrir pour être beau (ou pour changer) ? Je ne saurais répondre à cette question, mais il me semble que même les personnes qui ont recours à la chirurgie esthétique en Europe tendent à le nier, comme si c'était mal ou honteux. Il réside une sorte de fierté à être maître de son corps, et à pouvoir le remodeler par la force de sa volonté, armé de patience, malgré les peines musculaires, et/ou la diète drastique.

Ce qui est sûr, c'est qu'en Colombie, les gens ne sont pas prêts à patienter, ou à s'imposer de changer d'habitudes alimentaires. Ajoutez à cela que les prix des opérations de chirurgie plastique sont moins élevés qu'en Europe, et que, au pire, bien des Colombiens ne résistent jamais à la tentation de contracter un n-ième crédit conso, et vous avez le cocktail idéal pour une prolifération de corps féminins qui, selon les lois de physique newtonienne ne devraient pas pouvoir tenir debout.

lundi 29 novembre 2010

un week-end (presque) comme tant d'autres

Il fait chaud en ce moment. Chaud comme une sieste grenadine tunisienne, comme un cagnard d'août caniculaire parisien, chaud et moite comme un jour banal de Barranca.

Troisième week-end du mois passé en entier sur un puits, on se fait à tout même aux nuits blanches, qui l'eût cru ! Pour le moment je suis en charge des jobs mais suis supervisée, ce qui veut dire que je suis responsable de tout, la préparation, l'exécution, la relation avec le client, mais qu'un "casque blanc" m'accompagne au cas où je ferais des bêtises, un peu comme quand on se fait couper les cheveux dans une école de coiffure ! Sauf qu'ici globalement le superviseur dort dans le pick-up et empoche le bonus des jours sur le terrain. Plus tard ça ne me déplairait pas d'être superviseur :) Mais bon avant cela il faut déjà que je sois promue...

Les nuits blanches ont cela de bien qu'elles nous offrent des "journées de repos". Dormir en plein jour étant une tâche ardue, et sachant que l'on ne remplace jamais vraiment du sommeil perdu, j'ai passé trois dimanches du mois en épave échouée sur mon lit, à regarder des films, des séries, et à manger des plats commandés. Aujourd'hui j'ai pris les choses en main et suis allée acheter une serviette de bain et de l'écran solaire au supermarché, car ma semaine de congé approche !

Avec S, mercredi matin nous décollons pour Bogota et dès jeudi, à nous Cuba !
xo xo


jeudi 25 novembre 2010

Entre rêve et réalité

Ça va faire un an que j'ai quitté paris, le mois de décembre gris et froid. Pour la deuxième année consécutive, j'échappe à un hiver rude, pour un mois de décembre chaud, ensoleillé, voire même carrément hallucinogène...

Tonight I have a dream.
Je m'étais assoupie, sous prétexte de reposer mes paupières, en rentrant du boulot vers 18h. À un moment je me souviens d'avoir allumé la clim, rapport à la chaleur de ce mois de novembre. Puis plus rien jusque 21h, et là je reprends conscience, le bruit de la clim ayant disparu, remplacé par une voix outrée au débit de parole qui est à un débit humain ce que la fibre optique est au 512k. Prostrée dans la pénombre de ma chambre, j'écoute ce bruit au loin.

Il y avait vraisemblablement une coupure de courant, mais je ne compris d'abord pas si c'était général ou propre à notre appartement. Une voix masculine menait l'enquête au dehors, et se plaignait : ah ça ! déjà ce matin j'ai dû laver ma chemisette Safari Lacoste, une édition spéciale que j'ai achetée super cher en plus, à la main car la machine à laver était en panne, et puis hier je voulais regarder le match, mais le câble fonctionnait pas, ça va pas là, ça va pas. Il entrecoupait ses plaintes de coups frénétiques sur l'interrupteur, ou peut-être était-ce quelqu'un d'autre, comme un tambourin accompagnerait un solo a capella. Au moment de reprendre sa respiration, cet individu qui parlait plus vite que Florence Foresti et Nelson Monfort réunis, en quelle langue je ne saurais vous dire, asséna 219 coups consécutifs sur l'interrupteur du corridor (des fois que y aurait une dynamo cachée dessous) ; je ne sais pas non plus comment j'ai fait pour compter, mais dans les rêves on remarque toujours ce genre de détails bidon, et on arrive à compter juste en réfléchissant, puisque finalement on crée le rêve à mesure qu'on le vit.
Ensuite il gueula un bon coup que cte vieille proprio n'était pas gênée, et scanda que c'était un scan-dale de devoir dormir par une telle chaleur sans clim ni télé ni accès internet et qui si c'était comme ça, ce n'était pas la peine.
Puis il sortit en claquant la porte, et une tripotée de petites voix se firent entendre, puis tout le monde sortit, silence. Puis retour du transistor vivant, seul. Je suis toujours blottie dans mon lit et écoute le bruit. Il va aux toilettes, ne ferme pas la porte, fait sa commission, ne se lave pas les mains, et s'en va à jamais. Silence.
Puis quelqu'un d'autre entre dans l'appartement, la voix semble celle de ma colocataire. Elle ouvre la porte de ma chambre, ce qui transforme ce rêve déjà bizarre en cauchemar, car elle n'est pas seule et car j'ai le vague souvenir d'avoir fermé ma chambre à clé. j'essaie de bouger, de parler, car elle m'appelle par mon nom et me dit de me réveiller. J'essaie d'articuler, de me mouvoir, mais je suis prisonnière, et ne peux que voir et entendre ce qui m'entoure sans être capable d'interagir. J'essaie de me concentrer, de me convaincre que ce n'est qu'un rêve, mais tout a l'air si réel. Je me sens saisie par le pied, coupe ma respiration pendant ce qui semble des heures... Je finis par reprendre une profonde inspiration, comme au sortir d'un plongeon prolongé. J'ouvre les yeux, bouge mes membres, ce n'était qu'un rêve.
La clim est éteinte, j'essaie de la rallumer, n'y arrive pas, mes yeux sont lourds, ma main aussi, la télécommande du climatiseur reste entre mes doigts à mesure que le sommeil me remporte. Je me rendors.

lundi 22 novembre 2010

boulot, intempéries et congés

Coucou les loulous !

Je suis de retour d'un job, mon premier en tant que superviseur ! Du design à l'installation, j'ai tout pris en main, comme une grande, que je serai bientôt (plus que un ou deux jobs et on m'offre un casque blanc !). Bilan du job : deux nuits blanches, dont une sous la pluie déguisée en stabilo jaune, cinq gros chiens qui ne m'ont même pas fait peur, treize packers enterrés sous terre, et UNE UNIQUE piqûre de moustique (sur la main gauche, qui a un pouvoir attractif visiblement très développé).

Ça c'était pour la partie qui intéresse le moins.

Sur le chemin vers le puits, le niveau de l'eau avait encore monté, à cause des gros orages que l'on subit quasi quotidiennement en ce moment. Les inondations touchent une grande partie du pays, il paraît qu'à Bogota c'est pire. Ici au moins, quand il ne pleut pas il fait très bon (25-30degC).

L'autre bonne nouvelle de la semaine, c'est que je suis libérée en congé lundi prochain en principe, pour une semaine. Je ne sais pas encore quoi en faire, j'essaie d'organiser un voyage avec S, une amie Italienne dont l'époux travaille à la base. Plus de nouvelles à venir.

Je vous laisse entre les mains de notre compère Barranmejo pour qui la pêche a été bonne (à la main je vous prie !). Photo non contractuelle prise sur le chemin du puits.

samedi 13 novembre 2010

S comme...

Imaginez un instant que l'on puisse retourner dans le passé juste l'espace de quelques minutes, et prodiguer à notre moi du passé quelques clés de l'avenir, comme le fait Marshall dans un épisode de HIMYM.

Quand j'étais plus jeune, mettons il y a dix ans, que n'aurais-je pas donné pour avoir juste un flash de l'avenir, de la profession que j'exercerais, de l'endroit où je vivrais, de toutes ces questions existentielles qui commencent à nous triturer l'esprit à mesure que l'on sort de l'enfance.
Je me dirais ceci...

Ma ptite K, du haut de tes ** printemps, tu vis en Tunisie, vas au lycée (collège et lycée étaient jumelés en un même établissement) tous les jours, et aimerais bien savoir comment ce sera dans dix ans.
Eh bien dans dix ans, tout le monde sera connecté à internet en permanence (oui ça ne marchera plus à la minute) et tu auras retrouvé tous tes camarades d'enfance via facebook (c'est comme un annuaire mondial, mais ça fait aussi msn) et les auras même revus, oui même les Belges.
Tout le monde aura un téléphone ET un pc portable, et le téléphone fera aussi appareil photo, et sera aussi connecté à Internet. Les jeans taille basse auront révolutionné la notion de bon goût vestimentaire, et il y aura un remake des schtroumpfs au cinéma qui aura plus de succès que Titanic à l'époque (t'en fais pas, tu resteras fidèle à tes principes d'Outkast cinématographique s'obstinant à refuser de voir ce genre de navets).
Bon sinon ma cocotte, tu ne seras pas encore mariée, et puis tes plans d'être mère au foyer à 23 ans et de procréer une équipe de basket au complet pour tes 30 ans auront lamentablement échoué (ou alors tu es grave à la bourre sauf si tu comptes sur des quintuplés).
Ah oui au fait tu vivras à Barrancabermeja, c'est une petite ville en Colombie, le pays ; et puis tu travailleras sur des plateformes pétrolières. Ah et au fait, achète des actions Google, et bosse bien ton espagnol.
Honnêtement, mon moi du passé n'aurait jamais gobé ça (surtout le coup des schtroumpfs), ou alors j'en n'aurais plus dormi la nuit, à rêver de la jungle et cauchemarder des narcotrafiquants et tout en essayant de comprendre comment ça arrive à tenir tout seul un jean taille basse...

vendredi 12 novembre 2010

Flooding

Avant, j'étais persuadée que pour qu'il y ait des inondations, il fallait qu'il pleuve des trombes d'eau gigantesques en peu de temps et/ou que le système d'évacuation d'eau de la région soit catastrophique, un peu dans le genre de celui de Tunis, où en guise d'égouts, ont été creusés des trous, plus ou moins profonds et plus ou moins reliés entre eux, qui en définitive recrachent leur trop-plein à la moindre bruine.

Depuis avant-hier, j'ai compris qu'il suffisait de se trouver près du lit d'un fleuve, là où il est bien large, pour être sûr de se trouver dans une cuvette, et sur la rive la plus en pente pour mettre toutes les chances de son côté de se prendre tout l'excédent de flotte en cas de crue. Après il suffit qu'il pleuve en amont, pour offrir une raison de s'émerveiller de la force de la nature et de s'arrêter pour contempler le paysage sous un autre jour...

Ça tombe bien, une bonne partie du champ pétrolier de Casabe, là où nous effectuons l'essentiel de nos opérations, de l'autre côté du Rio Magdalena, regroupe toutes ces conditions en ce moment !

En rentrant de notre job de dimanche, tout allait bien. Il n'avait pas plu les derniers jours, ou à peine quelques averses, mais rien de comparable aux gros orages pourtant très fréquents dans la région, qui auraient pu être présage de ce qui se tramait. Et hier, alors que nous nous rendions chez notre client, qui a planté ses bureaux d'opérations au milieu du champ pétrolier, nous avons vu ça :


Les machins rouges au milieu, ce ne sont pas des bouches d'égouts, mais des puits producteurs de pétrole, inondés à mi-hauteur (la moitié basse de chaque bouche est le reflet de la moitié supérieure dans la "flaque") ! C'est le cas de tous les puits qui bordent le fleuve dans la région, et c'est en train de chambouler tous les plans de nos clients, démunis, puisque les puits en cet état ne peuvent absolument pas être opérés...

Mais au-delà des puits, il y a quelques malheureux, moins nombreux que les puits certes, mais plus à plaindre je pense, qui avaient élu domicile près du rivage, dans des sortes de paillotes qui faisaient aussi buvettes ou vendeurs de glaçons, activités très en vogue dans cette région dont l'activité économique gravite autour des puits et de leur population qui travaille dehors, sous le soleil, et a besoin de se nourrir et s'hydrater, et de maintenir des boissons au frais toute la journée sans avoir de frigo. (oui ici on n'utilise pas des sacs de liquide bleu, on y va a la dure, à renfort de kilos de glaçons)


mercredi 10 novembre 2010

Du jour au lendemain

Les moustiques je connaissais depuis un bail, leurs piqûres immondes, j'avais déjà donné enfant, tant et si bien que mon corps ne se défendait même plus et que je ne ressentais plus rien.

Pourtant, mon histoire d'escadron de moustiques m'a quand même valu une main boursouflée relevant plus du gant de chirurgien dans lequel on aurait soufflé que du membre humain, des démangeaisons vingt-quatre heures durant sans discontinuer, et deux prises d'antihistaminique pour calmer le jeu.

(Voici la preuve en image, pour les plus sceptiques d'entre vous qui me prendraient pour une chochotte)


Mais cette histoire m'a surtout valu d'oublier l'essentiel de ma nouvelle aventure au pays des rigfloors : je ne crains plus les chiens !

Ne me demandez ni pourquoi ni comment. De même que ma phobie était inexplicable, sa disparition l'est tout autant. Un quart de siècle, une enfance à se cacher derrière la robe de ma maman au parc de Wolvendael, une crise de panique et de sanglots sur un puits en Colombie, et des litres d'adrénaline sécrétée auront été nécessaires à vaincre ce mal.

Faut imaginer la scène. Moi en coverall, bottes à coques, casque, gants, j'arrive sur le puits. Premier réflexe, instinct de survie oblige, je sonde le terrain, chien y es-tu, histoire de savoir où je mets les pieds. Un chien rat, un sac à puces et deux molosses (j'attribue le qualificatif de molosse à tout clebard dépassant mon genou au garrot, autrement dit à tout ce qui pourrait atteindre mes organes vitaux et à ma personne) constituent le cheptel sur ce puits, au moins je suis avertie. Ma vie de phobique suit son cours jusqu'à ce que...

Je ne sais comment, je me suis retrouvée immobile à un moment donné, soit le pire état pour la parano de la life que je suis, celui de vulnérabilité maximale, que cette lâche crapule que certains élèvent au rang de meilleur ami de l'homme saisit pour te bouffer la main, ou tout autre point d'accroche qu'il trouvera libre d'accès hors de ton champ de vision.
D'ailleurs un des deux molosses s'approche en catimini le bougre, et imaginez-vous qu'il me rentre dedans. Et moi, au lieu de hurler, de grimper sur les épaules d'une des personnes présentes autour de moi au moment des faits, ou simplement de vomir, je suis restée neutre, on aurait dit la Suisse, et stoïque. Enfin stoïque pas tout à fait, je me grattais la jambe gauche, membre par lequel les suceurs de sang avaient commencé leur assaut.

Alors maintenant je sais plus trop si j'ai vraiment plus peur des chiens ou si j'ai muté au contact de tant de moustiques, un peu comme le gars dans La Mouche, qui transmute, se voit pousser des ailes et se met à penser comme un insecte..
Mais j'ai bon espoir : l'avenir nous le dira !

dimanche 7 novembre 2010

moustiques, pétrole et propagande

Je rentre d'un job, fatiguée et transformée en piqûre de moustique ambulante. Rien que sur ma main gauche (juste la main, ni le bras et l'avant-bras) je dénombre pas moins de six bosses disgracieuses, qui chatouillent et qui grattouillent, autant que les 23 autres piqûres disséminées sur le reste de l'épave qui me sert de corps.

J'étais de shift de nuit, et j'accompagnais un coéquipier sur son job de promotion au grade supérieur, un petit avant goût de ce qui m'attend bientôt.

Pour passer le temps pendant les périodes où l'on doit rester en stand-by mais où il vaut mieux éviter de dormir pour ne pas sombrer, l'idée folle m'a prise de regarder un film, et pas n'importe lequel, The Hurt Locker, ce film se déroulant durant la guerre en Irak, qui a gagné l'oscar cette année.

Ce film m'a laissée la même impression que Munich il y a quelques années. Cet aigre-doux [Edit: nauséabond, pour mieux vous donner une idée de mon avis qui n'est vraisemblablement pas bien passé à l'écrit] des films qui plaident une cause et en servent une autre.

Ici l'on parle de guerre, et l'on suit donc des personnages de l'armée américaine postée en Irak. Ce sont des démineurs, dépeints, je vous le donne en mille, en valeureux soldats, un peu foufous mais au fond héroïques. Les Irakiens, eux, n'apparaissent que sous forme de silhouettes dans le désert qui mitraillent les soldats américains ; de badauds silencieux aussi tenaces que les mouches du désert et d'autant plus dangereux qu'ils sont proches d'une mosquée ; ou de méchants garnements qui caillassent les tanks de l'US army. Les (nombreuses) répliques prononcées en arabe ne sont à aucun moment sous-titrées, si bien que si l'on ne comprend pas cette langue, on passe à côté de tout ce qui sera dit par les locaux durant le film, ce que je trouve incroyablement dommage (en particulier la scène où une dame chasse un GI de chez elle en le traitant de criminel, mais qui ressemble davantage à une scène d'hystérie sans les sous-titres).

Le seul Irakien rendu attachant par le scénario est un gamin surnommé Bekham qui parle anglais, joue au foot, vend des DVD en tous genres aux GI et les escroque allègrement, et qui fume à même pas 13 ans. Le doute plane un moment sur son meurtre sanglant par des fabricants de bombes artisanales pour des raisons obscures. Charmant portrait.

Bref je suis curieuse de savoir en quoi ce film est anti-guerre, n'y ayant vu pour ma part qu'un apologue à la bravoure de certains citoyens américains et à l'animosité du peuple irakien, qui rappelons-le, s'est vu envahir par l'armée américaine en 2003, sans motif réel (hum hum) démontré à ce jour.

[pas d'image, car la guerre c'est mal]

vendredi 5 novembre 2010

chrysalide

Jeune, je ne savais rien
Jeune, je n'comprenais rien
Un beau jour j'ai changé tout d'un coup


Tout a commencé en avril dernier. Fraîchement débarquée de mon école de super électricité, je découvrais un nouveau monde, celui de la haute technologie et des services pétroliers.
À Clamart, au tech center où j'effectuais mon stage, les immeubles étaient pimpants, les outils flambant neufs, fringants, sophistiqués, bourrés de gadgets technologiques, limite capables de faire ton café. Si tu avais besoin d'une licence pour un logiciel super pointu, qu'à cela ne tienne, tous les moyens étaient mis à ta disposition. Tout fonctionnait bien dans les labos, tu essayais bien les "cas critiques" du terrain, vas y que je lui balance une température de -50degC, s'il survit on est bon. Attends bouge la pression voir.
C'était pas le monde des bisounours, mais on était quand même loin de la réalité du terrain. À des milliers de kilomètres, de facto...

Comment, quand on prend les transports en commun pour aller bosser, qu'on ne se soucie même plus d'arriver en retard quand le RER B fait des siennes, on n'aura qu'à prendre la 4 à la place, et puis de toutes façons on n'a pas vraiment d'horaires fixes, on rentrera plus tard ce soir ; bref comment dans ces conditions peut-on imaginer les galères du terrain.

Comment imaginer que le conducteur du camion, là-bas sur le terrain, va stopper sa course de 14 heures pour décès d'un membre de sa famille, et retarder le job de 6 heures. Comment imaginer que cet outil qui a mis 27 jours à arriver du centre de production, va avoir un filetage bousillé par 400 kilomètres de route cabossée et de vibrations continues d'amplitude variable et aléatoire, et que ce filetage nous obligera à attendre trois jours, le temps d'envoyer une réplique de rechange.
Jusqu'au climat, tous les détails comptent sur le terrain, pouvant nous retarder, nous arrêter ou nous nuire, car le moindre joint que l'on aurait oublié de vérifier peut mener à une catastrophe écologique à l'échelle de la planète.

Prendre conscience des conditions réelles, dans la vraie vie du terrain, celle où le sol est une mélasse de 1 mètre moins le quart de profondeur, où des vaches viennent dormir autour du rig, où des chiens (quand ce ne sont pas des jaguars) squattent allègrement parce qu'ils sont nourris des restes alimentaires des employés, voici l'un des objets du programme Tech and Field. En arrivant, je restais béate face aux conditions presque préhistoriques, du moins en comparaison du centre technologique, dans lesquelles tout semblait se passer ici. Et à présent, ou plutôt il y a dix jours, j'expliquais à mon futur collègue venus d'Oxford pourquoi le logiciel qu'il nous proposait n'était que d'une utilité relative pour notre location, alors que jusque mars j'habitais en Abstraction, là où règnent les axiomes et les récurrences...

Comme quoi les miracles existent !

jeudi 28 octobre 2010

Enclave toi-même !

Ça vous arrive à vous parfois de passer par une mode verbale ?

Parce que moi en ce moment, toutes les 3 secondes j'ai envie de placer le mot "enclave" et je trouve ça un peu suspect.

Je dis suspect parce qu'en les N printemps qui constituent ma vie, j'ai déjà eu des crises uni-mot, à treize ans je prononçais plus de fois le mot "grave" que les mots "salut / présente / ciao / merci" réunis. Puis, quelques années ont passé, et quand bien même je m'étais promis de ne jamais tomber dans ce vice, je suis passée dans le camp de ceux qui remplacent indifféremment les expressions (liste non-exhaustive) : "par exemple / mettons / comme si / quel(le) plouc(asse) / imaginons / il(elle) veut nous faire gober que / dis-moi" par le double syllabes GENRE. Quelques mois plus tard, le mot zaama s'y substitua. Et ainsi de suite, régulièrement, au gré des saisons, passèrent par là les "enfin voilà quoi", les "à base de", les "rapport au fait que", et d'autres expressions tout aussi éphémères que ridicules, mais oui je suis un petit peu word-fashion-addict sur les bords, je l'avoue.

Oui mais revenons à notre mouton, ou plutôt à notre brebis galeuse, pour vous exposer où le bât blesse.

Bon ben déjà, clairement, en ce moment - ni jamais par le passé, et sans doute pas pour l'avenir non plus - je n'ai pas ouï dire que le mot enclave était particulièrement hype. Et quand bien même il l'eût été, franchement, enfin honnêtement quoi, j'ai pas souvent l'occasion de parler français ces derniers jours. Donc de une, cette nouvelle mode me serait arrivée en retard, et de deux, mettons qu'elle soit arrivée, je n'aurais pas des masses d'occasions de placer ce mot dans le cadre d'une conversation francophone vu que là je ne parle cette langue que sur internet, à l'écrit donc...

Mais le problème est plus pernicieux que ça, puisque, alors même que je parle espagnol, j'ai ce mot, enclave, sur le bout de la langue.

- ehh.. ehh (oui en Colombie on dit ehh pas euhh)... es como... una enclavia ? sabes lo que es ?

Maintenant en VF pour que tout le monde suive
- euuuuuuh...... c'est comme... genre... enfin tu vois quoi.. una enclavia, tu comprends ? ça existe en espagnol ça comme mot ? oui ? ça veut dire quoi, dis-moi, en espagnol ?

Du coup j'ai eu droit à une bonne réponse de Normand à base de
- moué, je vois le concept du mot en espagnol, mais je serais bien incapable de te donner le sens exact. Ça veut dire quoi en français ?

Et là je me suis remué les méninges, retourné les neurones, et pif paf pouf, jeu set et match, un deux trois soleil, #jairéalisé que ben non en fait, je savais pas non plus.

ET LÀ RÉSIDE TOUTE L'ÉNIGME QUI M'HABITE : pourquoi diable ai-je envie de balancer 412 fois par jour un mot dont j'ignore le sens exact. Ça m'a frappée comme ça d'un coup. J'ai bien essayé d'analyser, de voir dans quel contexte j'avais voulu utiliser ce mot les 411 fois précédentes, essayer de recouper les sens, voir si y avait pas au moins une idée générale commune, mais bien sûr les neurones de ma partition francophone ont eu le bon goût de faire grève pile à ce moment, et ça ne m'a pas trop étonnée je dois dire. Donc blanc, aucun moyen de savoir ce que j'avais voulu dire. Ben voyons.

Alors j'arrive à ce constat affligeant : non seulement je perds la mémoire (sémantique et vive), quoique à la limite, ça pourrait s'expliquer par l'enclave de ma situation ; mais en plus j'ai choisi un mot hideux pour jouer le rôle de jocker dans mon jeu de mots de 32 cartes déjà bien vermoulu.

dimanche 24 octobre 2010

La vie après le Field

Cette fin de semaine nous avons reçu la visite d'un collègue venu du Royaume-Uni pour nous former à un des logiciel que nous utilisons.

J'ai eu la surprise de découvrir qu'il travaillait pile là où je serai envoyée, genre ce sera un de mes co-bureau à Abingdon !

Il m'a donc donné un aperçu de la vie qui m'attend là-bas, les horaires de travail (normaux), les week-ends (inaltérables), la vie à Oxford (ville très cosmopolite), le climat (mauvais) - d'ailleurs il y fait déjà -3 degC présentement...

Ça fait du bien de se reconnecter à une future vie normale, et ça me conforte beaucoup dans mon choix de retourner à terme en centre technologique, puisque parfois je suis prise de l'envie folle de rester sur le terrain au-delà de mon assignation initiale.

Ce qui reste frustrant, c'est de ne pas savoir, ou plutôt de ne savoir qu'à six mois près, pour quand est mon retour au "monde réel". Le programme est supposé durer au plus dix-huit mois, mais il paraît que cela dépend des segments et qu'il serait étendu à vingt-quatre pour le mien. J'attends de vérifier cela lorsque j'irai rendre visite en personne à mon centre technologique, d'ici à janvier, et me prépare déjà mentalement au fait de devoir survivre sans vêtements chauds lors de ce court séjour !

Entre temps, la visite de notre collègue fut l'occasion pour nous tous de découvrir un peu plus Barranca, et ses paysages, pour certains vraiment dépaysants. Je n'avais malheureusement pas mon appareil photo sur moi, donc il va falloir attendre que j'y retourne ou que je récupère les photos prises par les autres pour partager cela avec vous, en attendant voici un avant-goût des paysages le long du fleuve...


jeudi 21 octobre 2010

Ça pourrait être vous

Depuis mon retour de congé il n'y a pas eu de jobs sur le terrain, alors nous travaillons (dur) à la base.

Je me sens presque de retour à Bogota, avec pour seule envie, en rentrant le soir, de dormir. J'ai toujours autant de mal à me faire à ce que nous soyons en automne, et les jours passent bien vite.

La base a vu l'arrivée d'un nouveau membre, dans un autre segment, qui nous vient de Chine. Il ne parle pas espagnol et à peine anglais. Je n'ose imaginer ce qu'il doit traverser, le simple fait de communiquer étant pour lui un énorme challenge, et ne peux m'empêcher de repenser à mes premières semaines ici en Colombie. Il fait l'objet de blagues par les opérateurs de son segment, blagues qu'il ne peut même pas comprendre - rien de bien méchant, mais ça en dit long sur la nature humaine.

La barrière de la langue est un gros handicap, et l'on a tendance à juger les capacités de quelqu'un sur la manière dont il les communique. Nous l'avons tous fait au moins une fois : être blasé de devoir expliquer quelque chose à quelqu'un qui ne parle pas notre langue ; éviter de se mettre en binôme avec un étranger pour ne pas avoir à faire tout le boulot (suppose-t-on) et passer des heures à lui expliquer, tout autant de petits détails qui maintenant m'apparaissent bien différemment, à la lumière de ce que j'ai vécu et de ce que je vis encore parfois. Il m'a fallu passer pour une cruche des semaines durant, me sentir dépourvue, frustrée et impuissante de ne pas savoir exprimer ce que je voulais dire, pour me rendre à l'évidence et cesser de juger les gens par leur vocabulaire. L'important c'est que le message passe, non ?


Alors je vous dirai ceci, mes amis : quand un touriste vous demande son chemin, quand quelqu'un vous parle en langue étrangère, ne tournez pas le dos : ça pourrait être vous, ou votre ami, livré à lui-même, seul, en terre lointaine.

vendredi 15 octobre 2010

Pensées d'un vendredi d'automne


Les feuilles mortes qui s'amassent au sol, cuivre et or, salies par la pluie, puis s'envolent au gré des bourrasques du vent.

Le vent qui caresse le visage, bouffée de fraicheur revigorante ou gifle glaçante prémisse de l'hiver qui s'insinue.

S'insinuer, comme la nuit, qui point un peu plus tôt chaque jour, s'installe confortablement, sans se faire prier, et languit en silence.

Silence de ces longues nuits, froides. Sous la couette il fait bon, et le matin il fait dur de se lever avant le jour.

L'automne c'est l'été qui s'achève, emportant avec lui son soleil, ses vacances, ses rêves et ses promesses, cédant la place aux saisons tristes, mornes et monotones.

Pourtant j'aimais l'automne partie de moi ce froid mon enfance ce gris mon Eden. Et puis c'était le prétexte parfait pour ne pas sortir du lit, pour dormir, manger, déprimer, en somme être en harmonie avec la nature. Point de ça pour moi cette année, je devrai trouver d'autres prétextes à ma paresse saisonnière ou enseigner à mon horloge interne le concept uni-saison.


Ici l'été a pris le pas, il fait toujours aussi beau et chaud et humide et jour et lumineux et pluvieux. L'année est un continuel été, les mois se suivent et se ressemblent.


Alors je pense à l'automne, à défaut de le vivre.

samedi 9 octobre 2010

Un soupçon d'ici (3)

[suite de ce message]

Au menu de ce soir, des patacones, plat à base de bananes plantain écrasées et frites, surmontées de viande ou de poulet, de fromage fondu et de ketchup-mayonnaise. Un plat à la hauteur des canons diététiques, gustatifs et décoratifs locaux. Car ici la présentation des mets a autant d'importance que leur teneur en lipides et protides, les principales sources de saveurs selon la coutume locale. Les plats doivent être bien décorés, colorés et festifs, comme les maisons... et les gens, du reste. La maîtresse de maison en est l'exemple parfait. Elle porte d'énormes créoles d'argent aux oreilles, fait commun ici, où les bijoux ont tendance à être king-size quand ils ne sont pas bling-bling. Elle est vêtue relativement sobrement, haut blanc et short en jean, et ses pieds portent cette marque de fabrique typique des manucures en salon de beauté, une french manucure standardisée.

Elle se fait un plaisir de disposer méticuleusement les patacones sur un lit de laitue, "batavia" me confie-t-elle comme on transmet une recette de grand-mère, religieusement, solennellement, et en murmurant presque au creux de l'oreille, "et non lechuga comme beaucoup croient à tort" poursuit-elle. Elle remet les sauces dans le frigo high-tech sur-dimensionné qui constitue, avec la pile de briques, l'autre élément de séparation de la cuisine avec la pièce principale. Réflexe d'ingénieur, je me demande comment ce qui s'apparente en première approximation à une masure de bidonville sans eau courante peut ainsi alimenter en électricité un frigo, plusieurs lampes et un PC, pour découvrir au niveau du mur de l'entrée ce qui doit être le compteur électrique. Je me demande en dernière instance pourquoi se poser tant de questions, et m'arrête net de penser. Au lieu de cela, je vis le moment présent, ce dîner simple mais tellement riche...

vendredi 8 octobre 2010

De Berkeley/San Francisco, je retiendrai...

la nourriture bio, les SDF, les feux pour les piétons qui clignotent avant de passer au rouge, le faon et sa mère croisés au bord de la route, la maison au jardin kitsch, les annonciateurs de fin du monde dans la rue, les gens qui te sourient quand leur regard croise le tien, les prix affichés qui ne comptent jamais la TVA, les collines, le raton-laveur, la junk-food, le golden gate, le climat méditerranéen, l'immense terrain de sport de l'université, le tri sélectif des ordures, le chien qui portait un tutu, la table de ping-pong au milieu du salon de la colocation, l'océan Pacifique, les gens qui envahissent les cafés avec leurs MacBooks pour réviser leurs partiels, les styles vestimentaires bobo extravagants, les restos bio, les fruits secs improbables qu'on achète au supermarché du coin, le BART (équivalent local du RER), les vendeuses qui te demandent comment tu vas, le réflexe Amex plutôt que Visa, le brouillard, les belles voitures, les bus électriques, les billets de 1$, la couleur du ciel au coucher du soleil, le financial district de SF vu en arrivant de Berkeley par bus sur le pont.



Merci encore Rémi de m' avoir accueillie !

mercredi 6 octobre 2010

Welcome to America

Je vais tacher de mon mieux de vous faire revivre comme si vous y étiez ma première visite du pays de l'oncle Jack. Les détails seront peut-être dans le désordre et certains accents circonflexes feront défaut en attendant que je maitrise ce nouveau clavier.

Je suis arrivée sur le continent Nord-Américain par Miami. Exit les voitures de luxe et les immeubles sur l'océan, j´ai eu à peine le temps de récupérer ma correspondance aérienne. Entre temps j´ai fait connaissance avec les services d´immigration à l'entrée du territoire, ceux qui prennent tes empreintes digitales, les dix, plus une photo de toi, et qui te demandent ce que tu viens faire aux Etats-Unis, et t´envoient te faire fouiller les bagages quand tu viens de Colombie. Le bon coté est que tout du long ils te parlent espagnol, comme s´ils savaient d'avance que tu viens d´Amérique Latine...

Puis je suis arrivée en Californie, dans un terminal qui ressemble à tous ces terminaux de vols internes que l'on voit dans les films et les séries, et j'ai pris un RER sauce américaine avant de débarquer à Berkeley.

Ai-je regardé trop de films et de séries américaines ? Suis-je un pur produit de la mondialisation, élevée au Coca et au Mc Do, écoutant du Rock et portant du Levi's ? Toujours est-il que je n'ai pas eu de surprise particulière ici, si ce n´est quelques détails sur lesquels je reviendrai. Une fois la barrière de la langue franchie, tout fonctionne à peu près comme je m'y attendais. Les gens roulent à droite, les Escalators aussi et la voie rapide est celle de gauche. Dans les transports en commun, on laisse descendre les passagers avant de monter. Bref rien de bien dépaysant dans cette culture américaine que je ne connaissais qu´à la télé. Mais San Francisco et Berkeley, c'est une autre histoire !!

samedi 2 octobre 2010

Good Morning San Francisco

Un court message pour confirmer que je suis bien arrivée à San Francisco, où je rends visite à un de mes anciens colocs qui a bien voulu m'accueillir malgré ma demande très tardive !

Plus précisément il réside à Berkeley, avec deux autres étudiants. Berkeley c'est le nom de la grande université, mais aussi de la ville qui l'accueille.


Bref je n'ai qu'un accès restreint à Internet, donc je vous laisse, mais tout va bien et il fait beau !! plus de texte et d'images à mon retour !

jeudi 30 septembre 2010

Update

Un ptit coucou de l aeroport de Bogota.
Je suis arrivee ici hier, il faisait moche, comme souvent ici (temps gris et pluie), mais dans quelques heures le climat devrait etre bien different ! Vous ne savez pas encore ou je vais. Bon je peux (presque vous le dire) : la mon avion s envole pour Miami. Et ce n est pas ma destination finale !!

Bisous bisous et a bientot !

mercredi 29 septembre 2010

Congé !

J'interromps mon récit sans fin pour revenir à des choses plus concrètes : je suis "envoyée en congé".
Peut-être ai-je omis de le mentionner, notre rotation a changé ici et je bénéficie maintenant de 7 jours de congé tous les 21 jours travaillés (avant c'était 6 jours pour 24). Ces jours, on ne peut pas vraiment les choisir, ils dépendent de l'activité, et aussi d'un ordre de rotation. Bref là j'ai appris lundi que demain c'est mon tour, même si je savais depuis un moment que mes congés étaient imminents (sans jusque là avoir de date fixe cependant).

Le gros souci c'est de trouver que faire de ce temps libre, et avec qui ! Ça peut paraître absurde, mais quand on y réfléchit, être en terre étrangère en vacances seul, c'est pas spécialement ce qu'il y a de plus sympa. J'ai sondé les gens autour pour voir qui serait susceptible d'être aussi en congé, pour aller voir à quoi ressemble les Caraïbes, ou autre chose. Mais comme on travaille tous dans la même boîte, on est soumis aux mêmes aléas des congés, et je ne sais toujours pas qui serait en mesure de se joindre à un tel périple !

Bref tout ça pour dire qu'en cette fin d'après-midi j'ai arrêté de tergiverser, pris une décision, sondé les intéressés, et acheté mes billets d'avion. Demain après-midi, je retourne à Bogotà, et pour la suite, vous verrez bien, inchallah ;-)

dimanche 26 septembre 2010

Un soupçon d'ici (2)

[suite de ce message]

En entendant le nom de notre hôte de ce soir, les passants nous indiquent sans hésiter une direction. Un GPS n'en aurait pas fait autant.


La casa de notre ami est petite, mais cossue. C'est la maison de la mama, un savant mélange de passé et de présent, de moderne et de désuet, un joyeux gourbi plein de couleurs et de convivialité, qui ne doit d'être confortable et toujours debout qu'au climat clément de la région.
Les murs sont en briques rouges, de l'extérieur comme de l'intérieur, semblables au jour où ils ont été bâtis. D'ailleurs les briques qui serviront sans doute à achever la construction sont disposées dans deux coins de la pièce principale, en piles plutôt larges et à hauteur de coude, formant des meubles de fortune. Une tôle ondulée fait office de toit. Aux murs sont accrochés des photos d'enfants, deux casques de moto et le gilet orange fluo serti du numéro d'immatriculation du bolide qui va de pair, un casque de vélo, un miroir rectangulaire un peu usé, que l'on dirait sorti d'un film en noir et blanc.

Sur le meuble de fortune, en retrait, on distingue un mini PC portable qui joue des tubes colombiens, et une autre photo d'enfant, au milieu d'un cadre aux finitions approximatives, en bambou, tel que ces cadeaux que l'on nous fait confectionner à l'école primaire pour la fête des mères, que notre maman garde toute sa vie plus pour nous faire plaisir que pour la valeur artistique ajoutée à la décoration de son intérieur. Trônent aussi des objets aléatoires tels qu'un bloc note, quelques crayons, et quatre gros cylindres de bambou, percés de trous à diverses hauteurs, comme s'il s'agissait d'instruments à vent. J'apprendrai plus tard qu'il s'agit d'un prototype de chaise en bambou, dont notre hôte a lui-même dessiné le modèle, car il a pour projet de monter sa boîte de confection de meubles originaux en bambou. Il a déjà commencé avec d'autres objets, expliquera-t-il en brandissant le cadre dont l'arrière a été coupé dans du carton, et qui reposait en fait sur la table non sur un pied, qui n'a pas encore été taillé, mais en équilibre sur deux tiges métalliques recouvertes de plastique vert.

Cette pile de briques fait triple emploi puisqu'elle marque également la séparation entre la pièce principale et le coin cuisine. Sur une table siègent quelques marmites, tandis que d'autres ustensiles pendent au mur : à côté de la râpeuse kitsch vert fluo, la cuiller grand format en téflon et le marteau pilon traditionnel en bois. Sur une autre table placée à angle droit, a été installée la gazinière, une double-plaque électrique de camping, sur laquelle deux poêles cuisent déjà le dîner de ce soir, une en téflon et une sans manche, noire de graisse et pleine d'huile, cette juxtaposition résumant parfaitement le mariage cavalier des tendances, époques et moyens de ce home sweet home colombien.

Ne cherchez pas l'évier, il est dehors, ainsi que les sanitaires et la douche, dans la petite cour derrière la maison. C'est là que vit aussi la poule domestique, chagrine depuis le suicide de sa sœur, par obésité volontaire. Le deuil ne l'empêche pas de manger cela dit, elle est d'ailleurs en bonne passe de rejoindre sa frangine au paradis des cocottes, nous dit le maître des lieux.

[à suivre]

samedi 25 septembre 2010

Un soupçon d'ici (1)

Aujourd'hui je souhaite vous plonger dans ce pays qu'est la Colombie, juste le temps d'une escapade, histoire de partager avec vous un peu de cette culture qui m'entoure, de ce que je vois, perçois et ressens, à défaut de vous la faire découvrir en vrai (avis aux amateurs je devrais avoir la première semaine d'octobre de libre, si voulez la version 3D de ce post, c'est l'occasion !).

D'abord fermez les yeux, et oubliez ce qui vous entoure. Le bureau, le boulot, le bruit des collègues autour, la maison, la grisaille. Exit. Tout est noir à présent autour de vous et silencieux.

Une musique se fraie un chemin jusque vos oreilles...


D'abord les percussions et leur son rythmé et régulier. Pi-pa-poum-poum Pi-pa-poum-poum-paf (bis) Puis à cette toile de fond se mêlent tour à tour les trompettes et les cordes. La voix du chanteur retentit à son tour, sonnant comme un instrument de musique à part entière, qui lie le tout dans cet air de salsa qui semble venu tout droit du bord de mer.

De mer il n'y en a point. Pourtant dans l'air règne cette langueur propre aux stations balnéaires, cette chaleur moite et presque salée. Seules l'odeur de l'iode et la brise marine manquent, et leur absence nous rappelle que nous sommes au milieu des terres. Tierra caliente on dit ici, pour se référer au climat, puisqu'il n'y a pas vraiment de saisons auxquelles se rattacher.

On ouvre les yeux, dans un taxi local, sans compteur mais avec un indicateur de vitesse, avec ceinture de sécurité à l'arrière mais sans point pour la boucler. Il passe devant quelques boutiques : une épicerie digne de mes souvenirs balnéaires tunisiens, avec des bouées et des dauphins gonflables en devanture ; quelques restaurants où l'on peut distinguer le ketchup et la mayonnaise sur les tables des clients, non dans les bouteilles aux formes traditionnelles, mais dans ces pochettes molles typiques ici, ces recharges économiques et supposément écologiques, pareilles à une brique de lait dont on aurait déplié les rebords pour en retirer le volume, dans une matière entre aluminium et plastique et dont le bouchon se visse dans le coin. On voit d'autres restaurants maintenant, avec de grandes poêles occupées à frire veau, vache, cochon, couvée.

On tourne dans une petite rue, on s'éloigne de la grande artère et des devantures, pour se retrouver au milieu des riverains, qui annexent allègrement la rue à leurs domiciles. Pas sûrs de l'adresse exacte, nous voilà interrogeant les passants, qui n'y comprennent rien, soit pas plus que nous, à cette histoire de transversales, diagonales, carreras et autres numéros des rues de leur quartier, construit au petit bonheur la chance, vraisemblablement sans plan ni cadastre. "Vous cherchez qui ?"

[à suivre]

mercredi 22 septembre 2010

Un an déjà !

Il y a un an jour pour jour, j'étais assise devant un PC, à Paris, en train de rédiger le premier article de ce blog que vous lisez. Je rentrais du Royaume-Uni où je venais de passer mon dernier entretien pour le métier que j'exerce aujourd'hui ! Dehors il pleuvait, c'était le début de l'automne et du temps gris.

Je rêvais d'avoir un casque pour Noël, de partir loin, j'appréhendais les nuits blanches et les responsabilités, je ne savais de ce métier que ce que m'en avaient dit les gens qui l'exerçaient que j'avais rencontrés : beaucoup de boulot, peu de sommeil, mais un nombre de films au compteur imbattable.


Aujourd'hui, je suis devant un autre PC, en Colombie. Dehors il fait chaud, et il pleut de moins en moins, on entre peu à peu dans la saison sèche je crois, et j'en suis à mon dixième mois de beau temps consécutif, je le sens de l'intérieur, et je crois que ça se voit à l'extérieur !

Si je travaille depuis à peine plus de sept mois, je pense quand même déjà pouvoir faire la part des choses, et ce qui est sûr, c'est que l'on ne m'avait pas menti ! Du boulot il y en a, même si je trouve que je ne vais pas sur le terrain autant que je le souhaiterais (mais ça, ça dépend de l'activité). Du sommeil, quand je suis sur le terrain, j'en manque, même si le reste du temps je peux dormir correctement - bien que le réveil à 6h30 soit quelque chose qui psychologiquement me fait énormément souffrir. Enfin je n'ai pas vu beaucoup de films ici, et encore moins lorsque je suis sur le terrain. Je suppose que cela dépend du segment dans lequel on travaille, car mes amis qui forent, eux, passent en effet leur vie à regarder des films (pendant qu'ils forent justement).

Du reste être une fille sur le terrain est singulièrement plus facile qu'on ne me l'avait dit. Cela, j'en suis sûre, dépend aussi du pays où l'on est et de l'équipe.



Je pense donc pouvoir affirmer, un an plus tard, que je ne regrette pas mon choix, et je remercie qui de droit d'avoir exaucé mon vœu. En plus je pense avoir eu beaucoup de chance, que ce soit le segment au sein duquel je travaille, le pays où je vis, ou l'équipe avec laquelle je partage mes journées. Toujours est-il que je suis heureuse le matin en me levant, et pleine de gratitude tous les soirs en me couchant.
Je n'ai pas eu mon casque blanc pour Noël dernier, mais il semble que ce soit prévu pour cet hiver. Si tout se passe bien il fera beau, et je serai sur le terrain !

Joyeux anniversaire S Comme...

samedi 18 septembre 2010

Going social

Quand je suis arrivée à Barranca, dans ma tête je m'échouais dans la ville la plus paumée du monde habité, et rien ne me donnait envie de partager ma frange de temps libre, déjà trop mince à mon goût - puisque je n'ai pas de weekend, avec des collègues de la base. Et pour une raison que je ne saurais m'expliquer, tout me poussait à m'isoler, et à parler ou sourire le moins possible.

Exit donc la personne que vous connaissiez en Tunisie ou en France, ici à Barranca j'étais plus terne que l'ombre de moi-même. Je portais en permanence ce masque que peu d'entre vous connaissent, qui m'accompagnait à l'époque dans les transports en commun en Tunisie (ou dans la rue, passée une certaine heure) : yeux rivés au sol, traits fermés, yeux froncés. Je m'efforçais de passer le plus inaperçu possible, de me déplacer furtivement et de ne saluer personne. Alors que j'étais souvent celle qui organisait les sorties, et qui proposait régulièrement des événements socio-culturels dans ma vie précédente, ici je m'appliquais à refuser systématiquement les invitations de ma colocataire, en créant le premier précédent la veille de mon départ pour la school, en juin dernier (souvenez-vous).

Or depuis mon retour ici, je me fais peu à peu à l'idée que Barranca est mon assignation géographique, et ne rêve plus spécialement de retourner à Bogota, même si je serais ravie de le faire, pour retrouver mes colocataires, qui ont fait l'acquisition d'une wii après mon départ, et retrouver cette belle ville et les amis que j'y ai laissés.

Je m'intègre donc peu à peu à la vie en société ici, ce qui laisse entendre que j'ai adouci mon comportement ; cela m'a d'ailleurs valu cette récente confidence sur ma manière d'être, comme quoie j'étais "féroce" auparavant, même si je préfère croire que j'étais "juste" farouche (ce qui n'est déjà pas anodin) et que du reste je le demeure.


Néanmoins, je fais des efforts. Maintenant je salue les gens que je croise à la base, même si je ne les connais pas, et même si du coup je dois les saluer une bonne quinzaine de fois par jour à présent, vu que (cf. article précédent) j'ai la mémoire vive de Dori du monde de Nemo. Autre pas en avant, je déjeune et discute avec des gens autres que ceux strictement de mon segment. Non que j'étais sectaire, mais avant l'occasion ne s'était présentée que très rarement. Maintenant je m'efforce d'assister aux événements mondains de la vie de la base, et me suis même laissée enrôler dans l'équipe de volley ball !

Bref je redeviens moi même, c'est plutôt bon signe non ?