"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

samedi 9 octobre 2010

Un soupçon d'ici (3)

[suite de ce message]

Au menu de ce soir, des patacones, plat à base de bananes plantain écrasées et frites, surmontées de viande ou de poulet, de fromage fondu et de ketchup-mayonnaise. Un plat à la hauteur des canons diététiques, gustatifs et décoratifs locaux. Car ici la présentation des mets a autant d'importance que leur teneur en lipides et protides, les principales sources de saveurs selon la coutume locale. Les plats doivent être bien décorés, colorés et festifs, comme les maisons... et les gens, du reste. La maîtresse de maison en est l'exemple parfait. Elle porte d'énormes créoles d'argent aux oreilles, fait commun ici, où les bijoux ont tendance à être king-size quand ils ne sont pas bling-bling. Elle est vêtue relativement sobrement, haut blanc et short en jean, et ses pieds portent cette marque de fabrique typique des manucures en salon de beauté, une french manucure standardisée.

Elle se fait un plaisir de disposer méticuleusement les patacones sur un lit de laitue, "batavia" me confie-t-elle comme on transmet une recette de grand-mère, religieusement, solennellement, et en murmurant presque au creux de l'oreille, "et non lechuga comme beaucoup croient à tort" poursuit-elle. Elle remet les sauces dans le frigo high-tech sur-dimensionné qui constitue, avec la pile de briques, l'autre élément de séparation de la cuisine avec la pièce principale. Réflexe d'ingénieur, je me demande comment ce qui s'apparente en première approximation à une masure de bidonville sans eau courante peut ainsi alimenter en électricité un frigo, plusieurs lampes et un PC, pour découvrir au niveau du mur de l'entrée ce qui doit être le compteur électrique. Je me demande en dernière instance pourquoi se poser tant de questions, et m'arrête net de penser. Au lieu de cela, je vis le moment présent, ce dîner simple mais tellement riche...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire