"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

samedi 1 mai 2010

Frayeurs et idées reçues

Première journée à Barrancabermeja, la ville où les taxis n'ont pas de compteur et te font payer la course au pifomètre.

Aujourd'hui, j'ai eu chaud, très chaud, comme un 6 août à Tunis. Sauf qu'à Tunis en été y a un truc sympa dont devraient s'inspirer les locaux, qui s'appelle la séance-unique : les gens au lieu de travailler toute la journée, condensent leurs horaires pour faire du 7h-14h sans pause. Ben ici c'est pareil sauf que pas du tout en fait.

À la pause déjeuner, je suis allée avec mes nouveaux collègues (des pitits stagiaires qui, car ils sont ici depuis janvier, essaient de me traiter comme leur trainee, les pauvres ils ne me connaissent pas encore) déjeuner. Tout le monde dans la rue était en coverall, de toutes les couleurs, y en avait de toutes les couleurs. Nous on était en fringues normales parce qu'on nous demande de garder low profile, eh ben c'était raté !

Ah oui je vous l'ai peut-être pas encore dit, mais Barrancabermeja, c'est la capitale colombienne du pétrole, il en est le coeur des activités - en même temps il faudrait être cinglé pour vouloir fonder une ville ici sans un réel motif tel que l'or noir.

La ville est donc formée autour des puits locaux, tous appartenant à Ecopetrol, l'équivalent colombien de Total. Il y a même une raffinerie de la taille d'une ville. Je n'ai pas vu à quoi ça ressemblait de près, mais de loin oh que c'est moche. Ça ressemble aux décors des films contre-utopiques genre ville barricadée avec des miradors et des flambeaux...

Mais venons-en au film d'horreur de ce soir !
Ce soir j'étais dans le salon occupée à regarder un docu sur le net (le fameux Infiltrés - À droite du père). Autant dire que j'étais préparée mentalement à voir le mal partout, rapport à ces néo-nazis-catho-tradis, quand une ombre noire surgit au plafond. Je m'affole, le truc aussi, il fonce au sol et se met à ramper en direction des chambres à coucher. C'était une espèce de croisement hybride entre un papillon radioactif comme ceux de Yopal et une grenouille, genre amphibien noir rampant aux bras palmés pouvant voler.......
Bien sûr aucune envie d'aller voir à quoi ressemblait le monstre, je suis donc restée prostrée sur le canapé à mater des racistes apprendre à tabasser du beur, le truc super réconfortant en de telles circonstances...

Puis j'entends comme un coup de fusil dehors. Un deuxième. Un troisième. Puis un son qui ressemble à une explosion. J'essaie de garder mon calme et me dis qu'il y a forcément une explication rationnelle, genre y a un puits de pétrole pas loin et il est en train d'être perforé, même si je suis quasi sûre que ce genre d'explosions ne fait aucun bruit à la surface (on se rassure comme on peut dans ces moments-là). Sauf que pendant que je réfléchis à ça, les bruits continuent, de manière régulière, comme si des kalachnikovs attaquaient puis des bombes répondaient aux assauts. Ça dure cinq bonnes minutes pendant lesquelles je me dis que si je fais comme si tout ça n'existait pas, eh ben peut-être que ça disparaitrait, [mode hyper gore : on] un peu comme les gens qui palpent leurs kystes-proche-de-la-métastase et vont toujours pas consulter et je suis sûre que la même chose m'arrivera un jour [mode hyper gore : off]. Et là, je me mets à entendre au loin des gens crier, genre CRIER, et me convaincs que le bruit vient d'une autre direction que celles des détonations. L'angoisse commence à me gagner néanmoins, même si j'ose pas aller voir ma colloc pour ne pas lui faire peur et surtout parce qu'il y a un gremlin dans le couloir qui nous sépare. Je me mets à penser au pire. Peut-être que la guérilla a repris. Et au meilleur. Aucune chance que je reste dans un climat de guerre, youpie Bogota me voilà.

C'est à ce moment que ma colloc est sortie de sa chambre, l'air patraque. Les explosions continuaient et leur cadence s'était même accélérée. KESKECEEEEE je demande affolée. Elle baragouine, l'air blasé, un truc que je comprends pas, puis ouvre la porte d'entrée qui donne sur un escalier en plein air. Je la suis, accrochée à ses fringues, limite planquée derrière son dos. Je commence à voir de la fumée. Puis des étincelles. #quandjaicompris
Ah. Non. Oups. Honte sur moi.
C'était un feu d'artifice. Un super long feu d'artifice genre 14 juillet. Et je l'ai manqué par couardise. Oui parce que bien sûr ça faisait déjà 10 minutes qu'il avait commencé. Les dix minutes de mon agonie, qui m'avaient semblé dix ans.

On rentre à l'intérieur, et je lui demande pour le bruit des gens qui crient. Ahhh répond-elle en souriant de toutes ses dents et en ouvrant le rideau du salon. La fenêtre donnait sur un parc d'attraction. Ben voyons. Honte (bis repetita)

Tant qu'à m'enfoncer, j'ai pris une pelle et ai creusé, en parlant du monstre qui s'était engouffré dans le couloir.
- Oh la chauve-souris ?
- Non, le monstre je te dis, une chauve-souris ça rampe pas, ça a pas les bras palmés, c'est pas noir et gluant, et ça voo. ..... Euhhh en fait ouais c'était peut-être une chauve-souris.

On ne l'a jamais su, elle a réussi à se barrer d'ici, et maintenant il faut que je sache comment pour m'enfuir à mon tour !

En prime une photo de la vue du salon, avec sur la gauche le parc d'attraction et sur la droite une partie de la raffinerie de nuit (toutes les lumières autres que la tour et la grande roue du parc).

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