Mon quotidien en ce moment s'est sensiblement modifié.
Depuis mon retour, je passe plus de temps sur le terrain, où l'activité a repris. J'en suis à 1 job par semaine soit 3-4 jours sur puits par semaine. Ils ne sont pas très loin, ce qui me permet de faire la navette.
J'ai le pot de toujours tomber sur le même "rig", comprendre par là les installations fixes (derrick, containers et autres équipements d'alimentation) et le "rig crew", c'est-à-dire mes potos, ceux qui font entrer les tuyaux dans le puits et qui régulièrement me racontent leur vie, surtout que maintenant ils me croisent fréquemment ! Ah oui, j'omets de préciser que ce rig est réputé être le meilleur d'Amérique du Sud, genre les gars te descendent 34 tubes par heure avec des pointes à 56 les bons jours.
C'est donc le même rig à chaque fois, et maintenant du coup je ne confonds plus le container du company-man et celui de la cafet (nb il n'y a pas de nourriture dans la cafet, c'est juste un container avec la clim des chaises et des tables). Y a quand même un truc qui évolue à chaque fois, c'est la population canine. Leur mode de reproduction relève de la mitose selon moi parce qu'ils étaient 2 y a deux mois, 4 y a une semaine, et sont maintenant 27,4. La partie décimale est pour le ptit chien-rat qui court et aboie partout, et la partie entière, pour la meute d'autres énormes cerbères qui sont "inoffensifs", me rabâche-t-on... Oui sauf que le chien-rat passe sont temps à les exciter en essayant de les mordre ou de jouer à saute-moutons sans leur demander avant, puis il les lâche sur moi et ça donne lieu à des scènes d'humiliation personnelle à propos desquelles je ne m'épancherai pas davantage ici, sous les yeux incrédules de mes "potos" qui au lieu de chasser les clebards crient de loin "t'inquiète ils sont inoffensifs". Je suis toujours intimement convaincue que les chiens sont des mangeurs de femmes et pour preuve : où sont passées les autres membres du sexe faible sur ce foutu rig ?!
Et puis il y a les siestes-éclair dans le pick-up. La bouche ouverte, des lunettes de soleil en guise de masque anti-projo, la tête renversée parce qu'il n'y a pas de coussin, les pieds tordus, les bras tordus, le cou tordu, les ronflements intempestifs du coéquipier, le bruit du moteur, la clim' à fond qui te congèle parce que le sang coule naturellement à 34 degC dans tes veines (c'est d'ailleurs pourquoi tu ne transpires jamais), l'odeur de la nourriture qui envahit peu à peu le pick-up, les boîtes en cartons qui traînent un peu partout, les pochettes de jus et autres paquets de chips.
Qui dit sieste-éclair dit longues nuits de travail, et dit surtout sommeil retardé, voire annulé, comme les RER B les jours de grève. Alors l'humeur elle aussi est comme les jours de grève, au début. Mais avec le temps, à la fatigue mentale s'ajoute la lassitude physique, celle qui fait que tu sens le poids de tes bras, que tu ris de tout et de rien, que tu n'as plus ni la force de marcher, ni celle de manger, ni parfois même de dormir.
Sur ce je vais aller compter les moutons !
Coucou,
RépondreSupprimervoilà un article qui me fait plaisir :)
Tu as un remarquable talent d'écriture etservi d'une intelligence intellectuelle (personne n'en avait douté) et humaine qui t'aide à décrypter ce qui t'arrive. Tu as naturellement le sourire et la bonne humeur presque tous les jours de l'année.
C'est le "presque" qui fait plaisir : il serait malheureux que tu sois imperméable aux conditions hostiles et pire encore que tu n'aies peur ni des chiens ni des hommes...
Amusé donc, mais admiratif avant tout, j'ai beaucoup aimé la tirade du jour.
Sans nul doute, dès demain, rassurée par tes fidèles moutons, tu auras de nouveau le sourire de ceux qui s'apprêtent à traverser les montagnes.