"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

samedi 26 mars 2011

"sur le terrain"

Je pourrais profiter du temps qu'il m'est accordé aujourd'hui pour aborder la tragique décision de mon estomac de stopper sa digestion, prise hier treize heures pour une durée de 24 heures, le tout sans préavis. Mais je ne gratifierai pas mon organe gréviste en citant ses exploits et préfère profiter de ce jour de répit qu'il m'a offert au péril des siens pour parler boulot, à défaut d'y être.

Souvenez-vous, nous en étions restés ...

En route aujourd'hui sur un puits pour savoir ce qui nous y attend. Un pick-up, une glacière pleine de boissons fraiches, un PC portable, une imprimante portable, un classeur contenant toutes les données clé du job, un adjuvant, gentil casque vert dont on doit assurer la survie et qui en échange nous obéit, et un chauffeur qui nous conduit sur place. Moins d'une heure plus tard, on arrive, après quelques "appels à un ami"-jokers pour se localiser, sur le "wellsite", que l'on peut difficilement réduire au mot français "puits".


(La photo ci-dessus représente un rig ici en Colombie, comprenant le derrick, tous les liens qui le maintiennent droit, on voit aussi une série de tubes posés à même la table de travail ou rotary table et allant jusqu'au sommet du derrick, où travaille le monkeyman, la chose jaune suspendue est l'elevator, qui permet de déplacer les tubes, la BOP est située entre le niveau de la terre et la table de travail, table accessible par des escaliers)


Le puits, c'est le trou creusé sous terre, surmonté par une série de valves en forme d'arbre de Noël. Lorsque l'on intervient sur un puits, et je parle comme toujours de mon segment (car cela varie pour chaque segment), le puits est surmonté d'une valve de sécurité (a.k.a la BOP, celle-là même qui est supposée couper les tubes en train de passer dans le puits et fermer celui-ci hermétiquement en cas de pépin , cf. le drame du golfe de Mexico). Afin d'introduire des tubes dans notre puits, nous disposons d'un rig dit de production ou work-over (par opposition aux rigs de forage), composé du fameux derrick, la structure métallique que l'on voit de loin, et qui sert de support à tous les systèmes de poulies et à l'élévateur de tubes, d'une table de travail, là où nous sommes debout à travailler, et de divers autres éléments que je ne développerai pas ici.

(La photo représente une table de travail avec au centre le dernier tube introduit, qui reste à la surface, accroché par les "slips", en rouge sur la photo, le temps que l'on visse le tube qui vient au-dessus à l'aide d'une machine hydraulique, l'espèce de gros machin rouge au fond qu'un homme en gris est en train de manipuler)

Notre travail consiste à introduire des tubes de fonctions et aspects différents dans un certain ordre, dans les entrailles de la terre. Nous calculons l'ordre dans lequel les positionner, et le faisons respecter aux membres du "rigcrew".

Car il est bon de savoir que le rig possède sa propre équipe. Déjà il appartient à une société de services, qui le loue au client (le client c'est la boîte pétrolière), avec toute une équipe : des personnes en charge de l'électricité, de la maintenance mécanique, de faire respecter les normes de QHSE, et j'en passe, et plus concrètement le rigcrew, composé dans l'ordre croissant des roughnecks, qui sont ceux qui font le gros du travail physique, armés de clés, graisse et huile de coude ; du monkeyman, qui est celui que l'on poste au sommet du derrick pour manipuler les tubes d'en haut ; le driller qui est celui qui actionne les engins mécaniques du rig et le chef de tout ce beau monde, le pusher. L'unique personne au-dessus est le company-man (co-man ou company pour les intimes), chef du site qui mène la danse. C'est le représentant du client, qui vit sur place et travaille à plein temps (plein temps comme dans 24/7). Il y en a des jeunes, des vieux, des sympa des moins sympa, des stressés des stressants des coolos, et à force de travailler sur les mêmes jobs on finit par se connaître, et signer les tickets (autrement dit nos factures, ces papiers tout simples contenant peu de nombres mais des nombres avec beaucoup de chiffres) comme une simple formalité.

En effet après avoir passé 24 à 48 heures à faire descendre des tubes que l'on aura rigoureusement mesuré à la surface, et quelques autres opérations qu'il serait fastidieux de développer ici (mais en lesquelles réside la difficulté de notre travail), on doit rendre un rapport détaillé des opérations au co-man et lui faire signer la facture, grand moment d'émotion pour tous ! Ce n'est qu'après cela que l'on peut plier bagages, faire attention à ne rien oublier sur place, et rentrer se reposer.

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