J'ai remarqué que de même que pour apprendre une langue étrangère, il existe deux procédés pour raconter une histoire : la méthode immersive et la méthode du pas-à-pas.
Pour raconter cette histoire, Terry Gilliam utilise conjointement ces deux procédés. Dès les premières minutes du film nous découvrons un univers de comédiens grimés aux allures de saltimbanques de l'ancien régime se produisant dans les rues désertes d'une Londres contemporaine avec pour seuls spectateurs des badauds ivres et bagarreurs. Au centre du spectacle, un miroir en toile d'aluminium défraîchie, fenêtre qui plonge dans l'imagination du Dr Parnassus, le vieil homme maquillé en moine bouddhiste assis en lotus près du miroir. C'est à travers ce personnage que le réalisateur nous conte alors l'histoire du docteur, qui commence, habile perspective dans la mise en abîme, par des moines qui lévitent en cercle et narrent en boucle l'histoire d'un monde, le nôtre, croyant ainsi en perpétuer l'équilibre.
Voici le film que je suis allée voir dimanche à l'UGC Gobelins, séance de 22h. Moi qui m'attendais à trouver une salle déserte, j'ai eu la surprise de voir la salle se remplir jusqu'à être complète ! Il faut savoir que l'UGC Gobelin est aux cinés parisiens ce que Ryanair est à ses airs : le lower cost. Séance à 3,90€ quel que soit le jour, l'heure et le film dès lors que l'on a moins de 26 ans (sans même le plus souvent avoir à présenter un justificatif). Et une fois les études achevées, plus de tarif étudiant qui tienne, c'est 9,50€ la séance ! Une fois dans la salle, on comprend vite comment tout ceci reste rentable, aucun mystère, juste une double ration de publicités, avec en prime des spots doublons pour remplir les vides !
Je souhaitais voir ce film avec pour seul leitmotiv le fait que Johnny Depp jouait dedans - il m'en faut peu ! Autrement je n'avais aucune idée de l'histoire, ni des autres acteurs, me doutant cela dit qu'il y aurait du fantastique, étant donné le titre du film. En vérité, Johnny Depp n'apparaît qu'en moitié de film, comme visage de l'un des personnages principaux dans l'imaginaire du docteur. Ce personnage, c'est Tony, trouvé pendu et agonisant sous un pont londonien par le trio de saltimbanques alors que le docteur tirait la carte de la mort au tarot. Personnage énigmatique et central, ayant plusieurs facettes au propre comme au figuré, l'ange Johnny Depp, l'avide Jude Law et le lover Colin Farrell. Belle brochette pour ce Tony dont l'interprète m'apparaissait comme un quidam.
Le film s'achève, générique de fin, et au lieu du classique 'Film de ...' apparaît la mention "A film from Heath Ledger and friends". Et là tout va très vite dans ma tête : Heath Ledger, The Dark Knight, Joker, mort tragique en cours de tournage... Mais oui ! Mon John Doe n'en était plus un, tout était clair : c'était Heath Ledger, mort avant la fin du tournage, et remplacé par un habile réalisateur et un subtil stratagème par ces trois autres stars hollywoodiennes. WAOUH ! Pour tout autre film au scénario "classique", un tel changement d'acteur eût été tout simplement non envisageable car non crédible alors qu'ici, les multiples visages d'un même personnage semblaient la concrétisation matérielle d'une réalité mentale dans un monde imaginaire, bref tout était cohérent, presque évident. La magie du film a donc opéré et moi, spectatrice innocente, me suis fait duper comme une bleue !
Ce film est pour cela doublement intéressant. D'une part il raconte une histoire (dans une histoire dans une histoire) comme on aime à les entendre : un brin fantastique, sans tomber dans le saugrenu. Mais de surcroît, à la lumière du contexte dans le quel il a été réalisé, il raconte comment un réalisateur a fait face à l'imprévu, triste destin pourtant écrit dans le scénario : la mort réelle du faux pendu. Ironie du sort ?
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