"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

mardi 27 avril 2010

Faits Divers

En en parlant avec un ami, je me suis rendue compte que j'avais omis un trait local particulier, le journal télévisé !

Un gars, une fille, qui auraient tout à fait leur place dans La Belle et la Bête. Un plateau télé bleu ou rouge avec pleins d'écrans dans le fond. Et des news trash.

Voilà la formule gagnante pour un JT colombien à succès. Ici le 13h (qui commence à midi) est une institution à ne pas rater à la pause déjeuner. Il dure une bonne heure entrecoupée de pauses pubs toutes les 5 minutes.

Pour ce qui est des news, là aussi il existe une recette miracle : une célébrité, du sang, des morts. C'est le sésame pour captiver l'attention des téléspectateurs en train de déglutir leur bandeja paisa. Et ça marche ! Au début je ne comprenais pas grand chose et me contentais de regarder nonchalamment les images de feu, de flammes, de violence et de policiers qui courent, tout autant de clichés que la crise des banlieues de 2005 m'a appris à démystifier et à relativiser. Mais à présent, je comprends même ce que les présentateurs racontent.

On a eu droit à une explosion urbaine dans le nord du pays. Le lendemain, deux hélicos se sont rentrés dedans. En fait y en avait un où voyageait un général important du pays, alors pour assurer sa protection, y en avait un autre qui était en rotation autour du premier. Ça doit être super coton de diriger un hélico sur une trajectoire hélicoïdale. Visiblement oui vu le désastre qui en a résulté. Ironie quand tu nous tiens...

Puis quelques jours plus tard, une starlette locale s'est jetée du 6e étage - comprendre le 5e étage puisque la Colombie a ce fâcheux défaut de compter le rez-de-chaussée comme 1er étage. Tout le monde en a discuté, pour essayer de comprendre ce geste auquel personne ne s'attendait. Un chauffeur de taxi m'a dit qu'elle avait tout pour elle, belle, riche, connue. Une dame de la cantine a ajouté qu'on ne sait jamais ce qui se passe vraiment dans la tête des gens, qu'on ne connaît jamais leurs vrais problèmes. Et puis d'autres ont émis la théorie du meurtre, qu'il faudrait mesurer l'écart de son corps au mur pour analyser convenablement si elle s'est jetée ou si on l'a poussée. Mais elle était chez ses parents, comment a-t-elle pu faire une chose pareille. Silence embarrassé de l'assemblée, perplexe et visiblement sous le choc. Moi je dis rien, pour faire comme si ça m'émouvait. Remarque ça marche très bien.

Un autre truc qui marche très bien quand on ne dit rien, c'est passer pour une abrutie. Alors là croyez-moi que ça marche. En vrai moi je dis rien parce que soit je comprends pas ce qui se passe, ou alors je suis incapable d'élaborer une argumentation en espagnol en deux tiers de secondes dans ma tête. Parce que souvent ce genre de mutisme m'envahit quand quelqu'un me reproche quelque chose et que je dois répondre par un truc pas standard, car heureusement s'il s'agit juste d'une question fermée, j'arrive à peu près à formuler une réponse satisfaisante. Bref toujours est-il qu'alors qu'en français je pourrais non seulement lui répondre mais aussi à loisir l'émouvoir ou le faire pleurer des larmes (ou du sang), eh bien pas en espagnol. Enfin pas encore. Alors je dis rien et me ronge le frein en imaginant des scènes de meurtre qui passeraient bien au JT local, à coup de crayon-Nikita judicieusement enfoncés dans divers organes du corps, ou carrément à renfort de tuyau métallique pulvérisé sur la tronche.

En attendant, je passe juste pour une débile.

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