"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

lundi 10 mai 2010

Histoire de surnoms

Vous connaissez l'angoisse de passer un oral quand vous savez que vous passez derrière une tête ? J'ai toute une théorie à ce sujet, pleine d'analogies avec des bascules à mémoire, et d'autres trucs d'automaticien, mais ce n'est pas le propos du jour. Revenons à l'angoisse en elle-même, celle de passer pour plus raté qu'on ne l'est, juste par comparaison.
C'est un peu l'impression que j'ai alors que j'écris ce post. Pour le dernier je me sentais inspirée, c'était profond, émouvant, larmoyant. Du coup c'est obligé, à côté, ce post paraîtra une crotte de pigeon - voilà, le ton est donné !

J'ai remarqué souvent sans le noter jamais - mais zut même quand je me lance dans des chiasmes, je sens qu'on perd l'asme bien vite pour ne garder que le reste. Bon je vais plutôt me contenter de me maintenir au ras des pâquerettes et éviter de vouloir philosopher ce soir !

Alors parlons de choses de la vie courante.

Ici en Colombie, les gens se donnent des surnoms. Alors certes il y a les abréviations communes basées sur le prénom, ça tout le monde connaît.

Mais il y a aussi, et c'est l'objet de ce post, des surnoms plus génériques, qui reprennent le plus souvent une caractéristique de l'individu surnommé, et pas toujours des plus flatteuses. Ici par exemple un collègue un peu rond m'a dit la première fois que je l'ai rencontré :
"- Tu peux m'appeler le gros ! [el gordo]
- euh mais pourquoi ? (l'air bien naïf limite, "quiii me parle ??") je vais pas t'appeler comme ça....
- Oh mais tout le monde m'appelle comme ça, ou petit gros si tu préfères ! [gordito] "

Par tout le monde, il entendait tous les collègues, DU BOULOT !
Là j'ai pas réagi. Je ne me suis pas non plus mise à l'appeler comme ça pour autant. J'ai juste attendu que toutes les données éparpillées remontent à mon cerveau, pour qu'il fasse la corrélation entre tous ces sobriquets que j'avais déjà entendus auparavant.

Il y avait eu jusque là el negro (pas besoin de traduire je suppose), cucho et flaco, avec bien souvent l'option encore plus diminutive de souder le suffixe "ito" en fin de mot, ce qui se traduirait en français par l'ajout du suffixe "et(te)".

Et c'est là que j'ai fini par comprendre que ce qui m'apparaissait comme un manque de tact, voire une vacherie, n'était qu'une vue différente de l'esprit. En Europe (oui, en Tunisie on est déjà vachement plus colombiens sur ce point), on ne parle pas de ces choses-là, qui pourraient gêner et froisser, ça ne se fait pas. Si bien que ce tabou sur les tares - disons plutôt traits non conventionnels, pour rester européennement politiquement corrects - de chacun ne fait que les amplifier aux yeux de l'heureux "taré". Peut-être que si l'on arrêtait de se taire et qu'on disait les choses comme elles sont, grosses, laides, mal-formées et repoussantes, chacun vivrait plus heureux ?

Bref les boudinous, tout ça pour dire : vous ne vous vexerez plus dorénavant quand je vous appellerai comme ça j'espère !

N.B. : je tiens à clarifier la situation, je continue de faire la grève des sobriquets hein, pas de méprise...

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