J'aimerais pouvoir fixer mes souvenirs du passé par écrit, pour en garder une trace plus tangible et durable que l'empreinte qu'il en reste dans ma mémoire, qui me fait penser à ces plages de sable qui sans cesse se voient recouvertes puis ré-assemblées par le remous des vagues et des marées, le flot du temps qui passe.
Mais cette entreprise serait longue et tumultueuse, et son issue demeurerait improbable. Au lieu de cela je préfère marquer mes souvenirs présents du sceau numérique éternel, en prévision de l'avenir, quand ce quotidien ne sera plus que souvenir.
Et quand je peux, j'en profite pour glisser quelques fragments du passé, auxquels je repense intentionnellement, ou d'autres qui surgissent à mon esprit de façon impromptue, comme des éclairs d'une autre vie.
Hier je rentrais chez moi, il faisait beau et chaud, quand j'ai entendu au loin la lambada version midi, genre sonnerie de téléphone portable 1e génération. Cette chanson m'a rappelé les étés chauds de mon enfance, la plage, les vacances en fratrie, chez la famille au bled, la fin des années 80, notre insouciance. Et cette musique en particulier, mono-instrumentale et numérisée a fait ressurgir des tréfonds de ma mémoire l'Isuzu de mon oncle - c'est un modèle de voiture typiquement tunisien, une sorte de camionnette, la sienne était blanche et spacieuse, et il l'avait tunnée de telle sorte qu'elle jouait la lambada quand il enclenchait la marche arrière !
Et avec l'isuzu est remonté à la surface un tourbillon d'images, de voix, de sensations. Les tongs raclant bruyamment le sol de la chaussée lors de nos promenades languissantes dans les chaudes rues estivales de mon enfance, pour passer le temps et acheter des glibets ou une glace granit. Ces longues journées de juillet et d'août, où aller au marché avec mon grand-père dans sa voiture bleue qu'on aurait dit sortie d'un film en noir et blanc et qui était même marquée d'un trou au sol sur la plage arrière de telle sorte que l'on voyait la chaussée, constituait le meilleur passe-temps qui soit, en attendant le week-end pour aller à la plage.
Pour moi toutes ces choses que je ne voyais qu'en Tunisie formaient un monde à part, une vie parallèle que je ne partageais avec personne au retour des vacances, cela dit peut-être étais-je trop jeune à l'époque pour cela, mais aussi par où commencer, tout était tellement différent en Tunisie que j'aurais été incapable d'expliquer à mes camarades de classe, et peut-être eux de la saisir, en quoi consistait cette différence, certains étant d'ailleurs pétris de vagues certitudes inspirées peut-être de quelques réflexions colonialistes de leur entourage, selon lesquelles la Tunisie était une dune de sable où les gens se déplaçaient à dos de chameau et vivaient sous des tentes.
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