"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

dimanche 6 février 2011

Aléas

Depuis plus d'une semaine j'en avais marre. Je mets ça sur le compte de la dépression post-congés, et puis du fait que la routine s'installe peu à peu ici, comme je l'ai mentionné il y a quelque temps.

En fait ce qui se fait sentir aussi, c'est la solitude. Attention, je précise : je suis quelqu'un de solitaire et pense que toute personne qui me connaît un tant soit peu pourra confirmer que j'ai régulièrement besoin de me retrouver seule pour me sentir bien. Je parle ici de solitude au sens social du terme (oui ça ne veut pas dire grand chose), de pénurie de gens à qui parler de sujets autres que boulot-météo-congés.

À Bogota j'avais des amis très cultivés avec qui chaque conversation était un échange instructif et constructif. J'apprenais beaucoup sur la Colombie, mais aussi sur bien d'autres pays, sur tout et rien, et je sentais que les gens réfléchissaient à la vie en général et ne se contentaient pas de manger dormir et travailler.

Ici au contraire, rares sont les personnes avec qui je peux communiquer de la sorte, et c'est ce manque que je ressens. Discuter avec quelqu'un revient inévitablement à se voir poser des questions qui en viennent à m'exaspérer par leur fréquence. La majorité des gens ignorent jusqu'au continent où se trouve la Tunisie. Je dois me répéter moi aussi, mais cette question revient quotidiennement, avec les yeux ronds quand je prononce le mot "Tunez" que je me suis décidée à ne plus suivre de "es en Africa" pour donner aux ignorants qui souhaitent garder l'anonymat l'opportunité de faire comme s'ils le savaient et m'éviter par là même de développer le pourquoi de ma couleur de peau. Je pensais que l'actualité changerait cet état des choses. Pas du tout. Là les gens me demandent "ah et c'est près de l'Egypte ? c'est dangereux là-bas en ce moment.." et me regardent de ces yeux de douce pitié compatissante, comme on regarderait un fou certifiant que l'eau ça brûle, quand je leur apprends que les protestations en Egypte sont nées suite à la révolution populaire en Tunisie...

Ces jours-ci je me sens mieux. Je prends conscience que cette aventure sur le terrain arrive à la moitié, qu'il va falloir essayer de profiter un maximum des mois qu'il me reste. Ma date de visite au Tech Center a été fixée à cette fin de mois, et j'ai hâte d'y être pour changer d'air et avoir un aperçu du futur proche.

Par ailleurs, ce samedi après-midi nous avons profité d'une baisse d'activité pour nous accorder une partie de pêche avec quelques collègues, et ce fut l'occasion de se détendre au bord du Rio, au milieu d'un paysage équatorial. Ce genre de brefs instants redonnent tout son sens à cette aventure, ce compromis de donner de son temps, de ses amis, de sa famille, de sa vie pour goûter à des séquences de vie tout autre, que l'on n'aurait jamais imaginée et dont on se souviendra comme d'un rêve au goût salé, était-ce bien réalité ?

La cabane du pêcheur version Colombie (ci-dessus), le bord du Rio Magdalena (ci-dessous).


3 commentaires:

  1. Il y aura je suppose bien d'autres points bas de ta courbe de moral, et c'est normal ! C'est dans ce contexte que tu m'as d'ailleurs découvert, sans forcément comprendre à l'époque comment on en arrivait là.
    Tu as la clairvoyance de profiter des moments de vie dont le flot ne s'arrête pas et de ne pas t'exclure plus que de nature d'un monde qui n'est pas le nôtre.

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  2. Et encore t'as pas bossé dans le BTP, moi on m'a diagnostiquée une contraction du cerveau et une cynismoïte aiguïe après la facture à un fonctionnaire bisounours d'un ouvrage à 30000€ pour un prix de revient de 1200.

    Hormis les discussion à propose du taff, c'est ras des pâquerettes ou cynisme malsain.
    Mais mon constat est le même, moi je constate que pour mon équilibre j'ai autant besoin de nourriture à proprement parler que de nourriture intellectuelle dans un contexte de socialisation car là je vais finir par en crever de la médiocrité où je baigne à 70% du temps.
    Car mon job (btp oblige) bouffe presque toute vie sociale en dehors du taff.

    Pour dire, le challenge informel dans le team des chargés d'affaire est de décrocher le plus gros benêt parmi les fonctionnaires à qui on pourra facturer le plus gros coeff multiplicateur pour des travaux supplémentaires ou de petits ouvrages (procédures hors des appels d'offre).
    C'est ça qui fera de toi quelqu'un de performant et d'estimé où je bosse (une grosse boite française).
    Je souffre de médiocrité, et ça commence à me peser mais j'ai décider de me trouver une nouvelle voie.
    Mais toi t'as plus long à tirer à ce que j'ai compris!

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  3. guillaume, oui, heureusement qu'il reste S, je ne sais pas ce que je ferais sans elle et son "italianité" !
    fatima, je ne parle pas de médiocrité, juste du faible taux de culture G de la majorité des gens que je côtoie. Heureusement il faut leur reconnaître qu'ils n'en sont tout de même pas à organiser des concours d'arnaque pour gagner l'estime de leurs collègues.

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