"Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l'autre en un autre, je trouve ma condition très heureuse, en ce qu'elle est libre." - R. Descartes

vendredi 7 septembre 2018

L'ordinaire

Dans quelques jours, je fêterai six mois de vie en Inde.
Ces six premiers mois sont passés si vite.

Cet après-midi, sur le chemin de retour du travail, je me suis essayée à un exercice intéressant.
Ça faisait quelques jours que j'essayais de retrouver mes premières impression afin de pouvoir les partager dans l'ordre, vu que j'ai six mois de nouvelles en retard à rattraper et que malheureusement j'ai désormais dépassé le stade de l'émerveillement semi-permanent.
Je voulais retrouver le regard presque enfantin que je posais sur ce qui m'entourait, les premiers jours de mon arrivée.

Cet exercice, que j'ai trouvé très enrichissant, demande une grande attention, car il requiert de coordonner ses sens avec ses pensées.

Voici quelques uns des éléments qui me sont revenus à l'esprit au cours de ce trajet.

***

Avant d'arriver en Inde, je pensais que les saris étaient des tenues féminines réservées aux cérémonies. Cela vient du fait qu'en Tunisie c'est le genre de tissus très prisés pour confectionner des tenues cérémoniales féminines. Et sans doute aussi du fait que mes amies Indiennes du Royaume-Uni se vêtaient de la sorte exclusivement lors de festivités.
En fait désormais je dirais que le sari est plus une façon de porter une étoffe, que l'étoffe elle-même, et selon le tissus, sa complexité et sa noblesse, la tenue sera plus ou moins "habillée". J'ai été très surprise de voir des dames balayer les rues vêtues en ce que je qualifierais de superbes saris festifs, aux couleurs chatoyantes.

En continuant dans le registre vestimentaire, j'avais été frappée de voir autant de femmes à moto qui semblaient porter une burqa. En fait non pas une burqa, mais un grand foulard, souvent haut en couleurs, qui cachait tout le visage sauf les yeux, alors même qu'il était parfois accompagné de tenues à manches courtes. Je me suis demandé si certaines femmes Indiennes avaient succombé à l'effet de mode burquesque qui a frappé une grande partie du monde Arabo-musulman, tout en l'adaptant à leurs traditions locales.
La réponse est venue des mois plus tard. Je pose souvent tout plein de questions aux membres de mon équipe, et ils me guident à travers les méandres de la culture Indienne. Je serais perdue sans eux ! J'ai mis du temps à oser aborder le sujet. Quand je leur ai parlé de cette tendance particulière aux motocycliste, ils ont bien ri.
Il s'est révélé que ces femmes ne portaient pas un voile par souci de "modestie" comme diraient les soeurs de cité, mais simplement par souci de coquetterie. En effet c'est pour protéger leur visage contre la pollution qu'elles le recouvrent, et ce quelle que soit leur religion.



Et elles ont bien raison, car de la pollution, il y en a. À moto, il y en a encore davantage. D'ailleurs des motos aussi il y en a un paquet, et sont eux-même responsables d'une grande partie de cette pollution.
Des voitures aussi, il y en a beaucoup. Et le code de la route est ici une notion floue et très variable. Ce n'est peut-être pas si mal, car s'il était respecté, les temps de trajets (déjà si disproportionnés par rappport aux distances - autour de 20km/heure, voire 10 aux heures de pointe qui sont plus nombreuses que les autres) seraient à coup sûr décuplés.
Comment expliquer les bases du code Indien de la route ?
En comparant les véhicules à de la matière, on pourrait dire que cette matière serait à l'état solide en Occident, alors qu'elle est à l'état liquide ici en Inde. En effet en Europe par exemple, la conduite est très codifiée et rigide. De ce fait les véhicules avancent en ligne, s'arrêtent, puis repartent, de manière très robotisée et déterministe.
En revanche ici, on dirait que les conducteurs optimisent l'espace en faisant leur possible pour occuper toute la surface de route disponible, à tout instant. La priorité est à celui qui avance en premier, ou qui klaxonne le plus fort. Il en résulte un spectacle plus vivant, comme un torrent qui chercherait à atteindre la mer par le chemin le plus court.

Par voie de corollaire, à la pollution de l'air s'ajoute aussi la pollution sonore. Moteurs de voitures, de motos, de rickshaws et klaxons de tous forment une symphonie (ou cacophonie, selon les sensibilités de chacun) qui rend tout trajet piéton plus animé.
Et je ne parle même pas du casse-tête qui consiste à réussir à se loger suffisamment loin des artères principales tout en restant suffisamment près de son travail pour minimiser le temps de navette quotidien. C'est un problème très compliqué à résoudre, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.

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